Arnaud, que représente pour vous le nouveau vélodrome de Roubaix en tant que Nordiste ?
C’est une grande fierté. Même si je le vois tous les jours avec les fonctions que j’occupe. C’est un futur grand lieu du cyclisme. On a déjà pu le voir après quelques mois d’ouverture. Il y a une très forte affluence et il a reçu un très bon accueil de la part des cyclistes de la région et au-delà. Le Championnat de France que nous avons organisé a marqué les esprits, même ceux des plus grands compétiteurs. C’est vraiment un lieu très agréable et très vivant.

Y roulez-vous de temps en temps ?
Même pas. C’est un peu le problème des grands chefs : on les voit toujours avec la toque et dans les belles tenues, mais on les voit rarement cuisiner. C’est un peu la même chose pour moi. Cela a été mon métier pendant des années, et aujourd’hui, je passe beaucoup de temps à faire en sorte que les gens puissent y rouler. Je pense que j’en ai assez profité, donc autant laisser les plus jeunes à ma place.

Pouvez-vous nous détailler les fonctions que vous occupez ?
Je suis le directeur adjoint. Je suis présent pour expliquer les activités que nous pouvons développer dans un vélodrome en tant qu’ancien champion. Plus concrètement, je développe l’activité sportive. Je gère tout ce qui concerne le sport, je tente d’orienter dans le meilleur sens l’activité et j’essaye de résoudre le petit manque que nous avions, dû à la pénurie de structures comme celles-ci. Ce n’est pas tout d’avoir un vélodrome, il faut savoir bien l’utiliser.

Regrettez-vous de ne pas avoir pu bénéficier d’une telle structure pendant votre carrière ?
Ce n’est pas un regret. L’ancien vélodrome avait et a toujours le mérite d’exister. Il est très important pour les tout jeunes qui effectuent leurs premiers tours de piste, et bien sûr pour l’arrivée de Paris-Roubaix. Il a une vraie vocation. Il est clair que si j’avais eu un tel bâtiment, cela aurait peut-être été plus facile. Mais le fait d’avoir été dans la difficulté m’a aussi poussé à être un grand champion. Peut-être verrons-nous naître grâce à cet outil, des champions plus performants. Mais quand on a été quinze fois champion du monde et quatre fois champion olympique, on ne peut pas parler de regrets. C’est justement un plaisir de voir que nous avons une telle structure et que beaucoup de jeunes l’utilisent.

Dans ce contexte, ce vélodrome est un véritable atout…
Indéniablement. La Grande-Bretagne est devenue la meilleure nation, mais n’est pratiquement partie de rien. Ce qui leur a permis d’occuper cette position, c’est une politique de développement. Ils ont créé tous ces vélodromes, pas seulement celui utilisé lors des jeux. Il y a eu dans un premier temps Manchester qui est le centre national et qui est une référence à travers le monde. Ce sont des structures comme celles-là qui ont permis à cette nation de devenir la meilleure au monde. La France a une grande histoire sur la piste, de très grands champions, Pierre Trentin, Daniel Morelon, Florian Rousseau, Frédéric Magné, Félicia Ballanger, etc. Le fait d’avoir des structures et cet historique fort pourra permettre à la France de redevenir la meilleure nation et d’être encore plus performante que la Grande-Bretagne actuellement.

En êtes-vous convaincu ?
Oui, je le suis. Il reste à mettre les choses en place. On doit avoir des dirigeants fédéraux qui pensent et actent dans ce sens-là. Il faut continuer le travail, ne pas s’endormir. C’est bien d’avoir des vélodromes, il faut les utiliser, les valoriser et promouvoir cette belle discipline qu’est le cyclisme sur piste de manière à ce que l’on ait de grands champions dans quelques années.

David Lappartient a affirmé vouloir faire de la piste une des priorités de son mandat lors de sa réélection, cela vous rassure-t-il ?
J’ai envie de lui dire « Super président. Maintenant, montrez-moi ». Maintenant que l’on a des vélodromes, il est facile de dire que l’on veut faire de la piste. Il faut justement travailler, se servir de cet appui avec toutes les parties. Que ce soit des clubs, des régions, des départements, des centres de formation ou des structures privées pour faire que le vœu du président soit une réalité dans quelque temps. Le plus tôt sera le mieux, pour tous les fans de cyclisme. J’ai vraiment envie de dire, « Président, je suis avec vous, mais il faut le faire ! »

Ressentez-vous, comme Grégory Baugé a pu le dire, que les dirigeants peuvent parfois être coupés du sportif ?
C’est sûr qu’actuellement, il y a un malaise. On ne perd pas deux entraîneurs nationaux sans raison. On n’a pas un champion du monde qui décide de ne pas défendre son titre sans raison. Tous ces faits montrent qu’il y a un problème, il ne faut pas se le cacher. Mais il faut les laisser derrière nous pour travailler. La fédération n’a-t-elle pas soutenu les sportifs ? Je n’ai pas envie de dire cela. Ce serait malhonnête de ma part, ayant bénéficié pendant des années des aides et des structures fédérales pour arriver et rester au plus haut niveau. Mais peut-être avons-nous été moins vigilants ses dernières années. Peut-être nous sommes-nous endormis sur les belles choses. À travers ces pertes d’entraîneurs, de DTN, ces champions du monde qui ne veulent plus courir… Il faut se réveiller et peut-être que ce sera un électrochoc qui sera bénéfique au final.

Peut-on dire que l’arrêt de l’équipe Cofidis sur piste a été le début de la crise ?
C’est un signe qui aurait sans doute dû interpeller davantage. Nous n’avons plus de sponsor qui a un historique fort avec de grands champions, comme Laurent Gané, Mickaël Bourgain, Kevin Sireau ou moi-même. Je sais que Quentin (Lafargue) et François (Pervis) en ont bénéficié et, peut-être, n’ont ils pas mesuré à l’époque la chance qu’ils avaient. Quand on a un sponsor comme celui-là qui décide de quitter la piste pour continuer sur du handisport, l’électrochoc aurait là aussi dû être plus fort. Il faut peut-être inciter les équipes professionnelles à revenir sur la piste. Quand les équipes professionnelles veulent aller sur la piste, il faut jouer le jeu, que tout le monde puisse se mettre autour de la table et avoir le même discours.

Propos recueillis à Roubaix le 5 avril 2013.