Jean-Marc, vous venez de signer dans l’équipe Cannondale. Un sensationnel retournement de situation trois mois après avoir annoncé la fin de votre carrière…
J’avais décidé d’arrêter parce que je ne trouvais pas d’équipe. Je m’étais fixé pour condition de poursuivre ma carrière dans une équipe Continentale Pro ou WorldTour. Or je n’avais rien trouvé. A ce moment, plutôt que de m’évertuer à chercher ou d’atterrir dans une équipe continentale, je me suis dit qu’il valait mieux arrêter et penser à mon avenir. Et mon avenir, dans le vélo, il était plutôt mal barré. Je m’étais fait une raison, bien que ça m’embêtait beaucoup. Mais j’étais assez serein car je m’étais renseigné sur les formations que je pouvais suivre, et que j’avais trouvé ce que j’allais faire pendant mon chômage. J’étais moins stressé à l’idée d’arrêter le vélo.

Vers quelle reconversion alliez-vous vous tourner ?
J’avais plusieurs pistes en tête. Il y avait le Brevet d’Etat, pour lequel il faut désormais passer par la filière normale à Poitiers. Et parmi les formations que je voulais faire, il y en avait aussi une proposée à l’Union Cycliste Internationale pour devenir entraîneur auprès de fédérations à l’étranger, dans des pays qui en ont besoin. J’ai appelé directement l’UCI pour prendre des renseignements. Je m’apprêtais à entreprendre toutes les démarches administratives.

A ce moment-là, vous aviez donc tourné la page du cyclisme en tant que compétiteur ?
Oui. Je ne me voyais pas revenir chez les amateurs. Je me suis dit qu’il valait mieux que je finisse en gardant de bons souvenirs du vélo plutôt que de continuer, trimer des années au seul motif d’être professionnel. Je ne voulais pas n’avoir de professionnel que le statut et pas l’équipe. Le vélo, ça reste un jeu, et vaut mieux le terminer en bons termes avec lui que de rester pour rester. J’ai passé de superbes années, je me suis éclaté, je ne voulais pas finir sur une mauvaise note.

Mais il y a eu la bonne nouvelle et l’annonce d’un rapprochement possible avec Cannondale. Dans quelles circonstances en avez-vous pris connaissance ?
Fin novembre, début décembre, Stéphane Heulot m’a laissé un message dans lequel il me disait qu’il m’avait peut-être trouvé du travail dans une très belle équipe. Pour être vraiment honnête, quand j’ai vu le message j’ai rigolé ! Je me suis dit qu’est-ce que c’est que ces conneries, il me fait une blague ? On était tard dans l’année. Stéphane me disait qu’il ne pouvait pas me préciser de quoi il s’agissait mais qu’il m’invitait, si ça ne me dérangeait pas, à reprendre l’entraînement au cas où… Rien n’était encore fait, il ne pouvait rien me dire. Moi, ça ne me coûtait rien de me remettre au sport et d’aller faire un peu de VTT. Je l’ai fait avec plaisir.

Stéphane Heulot a donc tenu un rôle capital dans ce dénouement ?
C’est lui qui m’a trouvé du travail. Il m’avait dit pendant le Tour que si l’équipe ne repartait pas, il essaierait de me trouver du travail. Il a tenu sa parole. Mais sincèrement, je n’ai aucune idée des démarches qui ont été les siennes. Tout ce que j’ai su, je l’ai appris dans L’Equipe quand c’est sorti. Stéphane Heulot ne pouvait rien me dire, par respect pour tout le monde. Et comme rien n’était officiel, il ne voulait pas me mettre en porte-à-faux si ça ne marchait pas. Il m’a dit : « je ne peux rien te dire, il faut juste que tu me fasses confiance ».

L’équipe Sojasun n’existe plus mais des coureurs sont toujours sous contrat avec elle jusque fin 2014. En faites-vous partie ?
Non. J’étais en fin de contrat. Et c’est d’autant plus pourquoi je n’espérais plus trop trouver une équipe. Je savais que j’avais encore des copains sous contrat et qu’ils passeraient sans doute avant moi. Mais Stéphane Heulot estimait que je le méritais. Il m’a dit « ne te pose pas de questions, on t’offre du travail, prends-le » !

A cet instant, il vous a fallu reprendre une préparation hivernale à laquelle vous ne vous étiez évidemment pas adonné plus tôt…
J’avais fini la saison fin septembre. Et de là, sachant que je prenais ma retraite sportive, je n’ai plus du tout pensé au vélo et à la préparation physique. J’ai fait presque deux mois jour pour jour sans toucher au vélo. Ça fait une grosse coupure. Je suis en retard dans ma préparation, c’est vrai, mais je m’y remets petit à petit et les entraîneurs de Cannondale sont vraiment très compréhensifs. J’ai expliqué la situation aux directeurs sportifs, ils l’ont bien compris et ont adapté mon programme de manière à ce que je reprenne la compétition plus tard et que je bénéficie d’une bonne préparation hivernale. Je les en remercie. Je ne serai pas forcément en retard à ma reprise puisque je vais reprendre plus tard, le 9 mars à la Roma Maxima. Ça me met moins de pression et je peux m’entraîner sereinement pour le début de saison.

Allez-vous travailler directement avec les entraîneurs de l’équipe ?
Oui. Je travaille désormais avec Mattia Michelusi. C’est un jeune entraîneur, très bon. Il m’envoie mes plans d’entraînement et je lui renvoie les données du SRM par email. Nous disposons également d’un serveur sur le même principe que ce que nous avions à Sojasun, et sur lequel nous devons rentrer nos entraînements. J’ai fait un test à l’effort avec le docteur. Et j’ai reçu le vélo ! Mais mon premier contact avec l’équipe interviendra la semaine prochaine puisque je rejoindrai le groupe en Toscane pour le stage.

Vous allez désormais faire partie des coureurs français expatriés. Comment l’anticipez-vous ?
L’anglais, je ne le maîtrise pas, mais je le parle. Je ne l’ai jamais appris à l’école mais ma copine est Irlandaise. Je fais plein de fautes mais tout le monde me comprend. Pouvoir se faire comprendre en anglais va m’aider à m’intégrer. Le fait de courir à l’étranger va m’obliger à me bouger les fesses. C’est une bonne aventure que de rencontrer d’autres personnes issues de cultures différentes, des coureurs que je côtoie depuis que je suis pro mais auxquels je n’ai pas forcément adressé la parole. Je suis assez excité à l’idée de vivre cette expérience. Ça va être enrichissant.

Quels sont d’ores et déjà les premiers regards que vous portez sur le groupe ?
A première vue l’équipe a l’air vraiment très professionnelle, très carrée. Tout a l’air calé, chacun sait ce qu’il a à faire, c’est une grosse écurie, une belle machine. Quand je dis cela je parle autant des coureurs que du staff, des mécanos, des assistants ou des entraîneurs. Les directeurs sportifs sont quand même d’anciens grands coureurs. Je mesure la chance que j’ai.

Quel y sera votre rôle ?
Nous allons définir mon programme pendant le stage la semaine prochaine. Maintenant, je ne suis pas un sprinteur, je ne suis pas un grimpeur, je ne suis pas un rouleur. En revanche je suis un bon équipier et je pense savoir faire gagner mes copains. La différence, c’est que je change de coéquipiers ! Ce sera surtout à moi de m’adapter à eux et d’essayer de leur prouver qu’ils ont eu raison de m’engager. Je veux d’abord leur montrer qui je suis et qu’ils soient contents de moi. Les objectifs personnels viendront après.

Propos recueillis le 9 janvier 2014.