La saison est déjà bien lancée pour le Team Europcar. Bien que l’équipe vendéenne ait dû déplorer la perte de son capitaine Thomas Voeckler, victime d’une nouvelle fracture de la clavicule peu avant le coup d’envoi de la saison en Australie, elle a réussi sa rentrée en conquérant la première course de l’année, la Tropicale Amissa Bongo, avec l’ambassadeur du cyclisme africain Natnael Berhane. Promue cette saison au WorldTour, l’équipe Europcar a présenté ses ambitions ce midi au détour d’un déjeuner convivial organisé aux Jardins de Bagatelle, à Paris, en présence de Thomas Voeckler, Pierre Rolland et Bryan Coquard. Trois semaines avant la présentation officielle de son effectif, le 25 février en Vendée, Jean-René Bernaudeau a précisé ce qu’il attendait de ses coureurs. Un maître-mot : l’émotion. Une marque de fabrique.

Jean-René, où placez-vous le curseur de vos ambitions cette saison ?
Nous ne le plaçons pas forcément là où les gens pourraient le penser. Nous intégrons cette année le WorldTour, nous allons avoir beaucoup d’occasions de briller. Le nombre de victoires sera important, mais pas autant que l’émotion suscitée. Nous avons un bon sprinteur avec Bryan Coquard. Une équipe jeune avec des révélations qui vont arriver, mais ne comptez pas sur moi pour vous donner des noms. L’ambition, c’est de réaliser de grandes choses avec de l’émotion, de belles victoires qui donnent aux gens l’envie d’aimer le cyclisme.

Ressentez-vous l’accession au WorldTour du Team Europcar comme une récompense ?
Pour mes coureurs avant tout car c’est une promotion qui leur appartient. Nous sommes la seule équipe qui ait obtenu sa place dans le WorldTour sans être allée chercher des coureurs à points sur le marché des transferts. Nous en avons même perdus. Nous avons intégré le WorldTour avec nos coureurs. Cette place à ce niveau, ça leur appartient.

L’équipe a effectivement perdu des éléments importants en vue des classiques flandriennes, est-ce à dire qu’il ne faudra pas l’attendre sur ce terrain ?
Absolument pas. Rappelez-vous, quand Europcar nous a sauvés il y a trois ans, il était écrit partout que l’équipe était énormément affaiblie. Or nous avons fait notre meilleure saison en 2011. Je crois dans nos révélations, je crois dans le talent, dans le vivier du Vendée U, qui est riche puisque le meilleur club de France depuis pas mal d’années. Je ne suis pas du tout inquiet. On a perdu des coureurs mais d’autres arrivent. Des jeunes qui ont tout juste la vingtaine. Quand on sait que l’âge idéal, physiologiquement, c’est 25 ans, ça ne m’inquiète pas pour la qualité de l’équipe. Bien au contraire.

Quels objectifs fixez-vous à Pierre Rolland sur le Tour de France ?
Nous avons fait deux belles éditions en 2011 et 2012 et analysé ce qui n’avait pas marché en 2013. Après deux superbes Tours de France, Pierre Rolland avait mis la barre très haute et il a pris la course à l’envers. Pour moi, quand on décortique la dernière édition, il a fait un bon Tour de France en 2013 mais n’a pas eu beaucoup de chance. En tant qu’attaquant, il a été victime de l’association du Team Sky, de Movistar et de Saxo-Tinkoff, qui ont annulé toutes les échappées. Pierre est un coureur qui aime la chaleur, les courses dures, les courses d’usure.Néanmoins nous avons recadré ses ambitions sur quelque chose de réalisable cette année.

Lesquelles ?
L’objectif, c’est de ne pas avoir de regrets à la fin de l’année. De faire une belle fête en octobre en Vendée avec le Pôle Espoirs et le Vendée U. Si on fait cela, la saison sera réussie. L’objectif ce ne sont pas les comptes, le nombre de victoires, mais l’émotion. Que les gens se réconcilient encore plus avec le cyclisme. Et c’est bien parti. Nous avons gagné vingt-six courses en 2013, on peut très bien réaliser notre meilleure saison en 2014 en en gagnant moins. Ce ne sont pas les chiffres qui donnent de l’émotion, c’est l’histoire. Ce qu’a fait Thomas Voeckler en 2004 et 2011, c’est une belle partie de notre histoire. Je ne peux pas vous dire ce qu’on va faire en 2014 mais on ne va pas vous décevoir.

La hiérarchie au sein de l’équipe a-t-elle changé ?
Elle évolue un peu, bien sûr. Thomas a des rêves. Il veut épaissir son palmarès. Le Tour de France lui a tout donné et il rêve dorénavant de classiques, Liège-Bastogne-Liège et le Tour de Lombardie, deux courses qui l’obsèdent. Pierre Rolland, lui, est revanchard. Et Bryan Coquard arrive et nous lui devons de préparer 2015 comme il l’espère. Il devra confirmer cette saison pour que nous puissions renforcer un train l’an prochain. Pour l’amener à la victoire dans les plus belles courses.

On sent que Bryan Coquard fait déjà partie des piliers de l’équipe…
C’est un très grand sprinteur à une époque où la France fournit de grands sprinteurs. Nous avons la chance d’être sous les projecteurs avec les sprinteurs de la FDJ.fr, Nacer Bouhanni et Arnaud Démare, et donc Bryan Coquard. C’est très excitant de voir qu’en brassant des talents, on en a ! La France possède une bonne cuvée, j’espère que tous les projecteurs seront braqués sur ces jeunes coureurs qui donneront envie à des Minimes et Cadets d’aller plus loin dans leurs rêves.

La saison 2014 a commencé sur une victoire, celle de l’Eryhtréen Natnael Berhane à la Tropicale Amissa Bongo. L’avenir du cyclisme passe-t-il aussi par l’Afrique ?
Ce n’est pas humble de le dire mais je suis très fier d’être allé sur ce continent où le cyclisme n’existe pour ainsi dire pas. Or du talent, il y en a beaucoup. Quand ses pays qui sont culturellement très loin de ce que nous faisons nous fournissent des coureurs de cette qualité, on peut être très optimistes. Je place en Natnael Berhane l’espoir qu’il soit le premier Africain à donner envie aux autres Africains de disputer les plus grandes courses du monde. Quand on le rêve fort, on peut le réaliser.

Propos recueillis à Paris le 3 février 2014.