Nicolas, ce Tour de France n’a pas été évident pour le Team Sky. Comment l’avez-vous vécu ?
Si je compare par rapport à l’an dernier quand je suis arrivé sur le Tour, je me sentais un peu plus relax, tout en étant concentré. Mais je n’avais pas de stress. C’était le genre de tension que peuvent ressentir les athlètes quand ils veulent bien faire. En 2013, je ressentais une certaine pression. Je me la mettais à moi même car je venais sur le Tour avec le favori numéro 1. C’était la première fois que Chris Froome allait tenter de gagner le Tour. C’était aussi mon premier Tour. Je me demandais si j’étais assez expérimenté pour faire le Tour comme DS numéro 1. Pas tant pour la tactique, mais pour l’environnement. Cette tension qu’il peut y avoir. Cette année, j’avais plus d’expérience.

Votre plan A avec Chris Froome puis votre plan B avec Richie Porte sont tombés à l’eau tour à tour…
On l’a tout de suite senti avec cette chute. On s’est dit que ça partait mal. On pense toujours au pire et on s’était préparé à le perdre. Derrière, Richie Porte était en bonne position. Il avait très bien passé les pavés. Se reconcentrer autour de Richie n’a pas été un problème. C’était le numéro 2. Tout le monde était content de pouvoir l’aider à assumer ce rôle. Puisque ces deux dernières années, il a fait passer ses ambitions personnelles au second plan. Le deuxième coup dur, ça a été dans Chamrousse quand il a craqué. Il était malade. Le matin, il ne savait pas ce qu’il avait. Il nous avait simplement dit qu’il avait été un peu malade pendant la nuit. Quand on a vu dans les premières pentes à 5-6 % qu’il était décroché alors qu’il était bien dans le col d’avant avec des pourcentages plus difficiles…Il était aplati sur le vélo, tout blanc. C’est un coup dur pendant trente secondes et ensuite on se dit que c’est la loi du sport. On sait que ça peut arriver à n’importe qui. Il faut ensuite se remobiliser pour se fixer d’autres objectifs.

Comment vous y êtes-vous pris ?
Il faut simplement essayer de ne pas trop en faire. Les gars sont six à sept heures sur le vélo. On ne va pas en rajouter. Ce sont des guerriers. Ils peuvent être calmes dans le bus. Il y a un truc qu’il se passe dans le fictif et une fois atteint le kilomètre zéro, ils deviennent des tueurs. C’est le propre d’un cycliste. Il a un caractère bien forgé. C’est pour ça que la remobilisation a été assez facile. On a simplement dit la vérité, que ça faisait chier. Le plan A et le plan B sont tombés à l’eau, mais nous étions sur la plus belle course du monde et l’une des plus dures. Nous faisons partie de l’élite de l’élite. On a dit aux coureurs qu’ils avaient la chance de pouvoir jouer leur propre carte. Ils l’ont tout de suite compris : on ne leur a pas mis de pression, mais ils ont saisi qu’une opportunité se présentait à eux. Ils ont essayé de la saisir. Le lendemain de Chamrousse, on a vu deux gars dans l’échappée.

Est-ce le principal motif de satisfaction pour votre équipe ?
Ce n’est pas donné à toutes les équipes. Dans d’autres, le moral aurait pu être assez bas avec beaucoup de tension. En l’occurrence, ça a été plutôt cool de voir les coureurs réagir avec philosophie et d’être motivés tous les matins. Ça m’a vraiment aidé, et ça m’aidera pour le futur.

Pensez-vous que Richie Porte ait les capacités pour briller sur les Grands Tours ?
Certains peuvent dire qu’il n’a jamais fait trois semaines complètes. Mais c’est difficile de déceler un coureur de Grands Tours. Les gars qui arrivent à faire trois semaines de course sont ceux qui ont les capacités de gagner des courses d’une semaine. Si on fait un Top 3 ou un Top 5, on sent que le coureur peut plafonner. Richie a quand même gagné Paris-Nice. Il a terminé 2ème du Critérium du Dauphiné l’an dernier. Sur le Tour 2013, excepté le lendemain d’Ax 3 Domaines où il prend un coup de chaud, cela s’est bien passé. Je pense réellement qu’il en a les capacités. Mais il a été malade. Sans la malchance, il aurait été plus facile de dire s’il était fait ou non pour trois semaines.

Chris Froome sera-t-il au départ de la Vuelta ?
On essaye de voir pour aligner la meilleure équipe autour de Froomey. On aimerait qu’il y soit, lui aussi, mais pour protéger tout le monde, on préfère voir comment il récupère de ses blessures aux deux mains. Il a encore quelques douleurs, mais il roule. Tout se passe bien au niveau de l’entraînement. On est vraiment confiants. J’espère que l’on pourra s’assurer de sa présence d’ici peu. Les coureurs qui vont l’entourer restent encore à définir. Il faudra voir comment se sentiront Mikel Nieve et Peter Kennaugh. La présence de Richie Porte n’est pas assurée car on aimerait l’avoir sur d’autres courses. On enverra aussi des jeunes coureurs pour faire du boulot jusqu’à une trentaine de kilomètres de l’arrivée. On aura une équipe compétitive.

Que retiendrez-vous du 101ème Tour de France ?
Beaucoup de mouvements. Avec des leaders qui sont restés au sol. Puis Vincenzo Nibali a pris les rênes. Il a pris le maillot au deuxième jour. Il l’a lâché une journée à Tony Gallopin. Il avait l’air très fort. Derrière on voit que les Français ont passé un cap. C’est un renouveau. Pour la France, c’est un peu spécial avec deux coureurs sur le podium et le rêve de voir un Français remporter le Tour. Ils se sont montrés agressifs, intelligents. Ils ont fait une très belle course. Sans oublier que certains ne sont pas là comme Warren Barguil ou d’autres sprinteurs. Il faut rester prudent et ne pas oublier qu’il manquait quatre grands coureurs : Froomey, Contador, Quintana et un Rodriguez au top de sa forme. L’an dernier, ils étaient au-dessus du lot. Avec quatre grosses équipes autour d’eux, ça change la donne.

Vous citez Warren Barguil, est-ce un hasard ?
Non, je crois en lui. C’est un coureur que j’aime bien. Je le suis depuis plusieurs années et je trouve qu’il progresse chaque année sans trop en faire. Il a une belle science de la course. Je le connais un peu plus que les autres puisque je n’ai pas trop discuté avec Thibaut Pinot et Romain Bardet. Le fait de donner une touche française à l’équipe a déjà été évoqué. C’est difficile d’avoir de bons coureurs français car, quand ils sont dans des équipes françaises, ils ont de gros contrats avec des salaires élevés, ce qui se comprend. À niveau égal, on trouve des étrangers qui gagnent des courses WorldTour. Il ne faut pas se louper. Les Français préfèrent aussi rester dans des équipes françaises pour plus de confort. Ce n’est donc pas évident, mais on y travaille.