C’est une jeune femme faite du métal dont on fait les championnes. Consciencieuse, dynamique et compétitrice dans l’âme. Vicky est l’archétype même des cyclistes féminines destinées à un grand avenir mais qui ont été sacrifiées sur l’autel du manque de notoriété de son sport par les médias et l’impétueuse obligation de s’assurer un avenir professionnel, faute de quoi futur rimerait avec dur-dur. Maintenant maître-nageuse sauveteuse dans un grand centre nautique des Ardennes, la sociétaire de l’Union Cycliste du Bassin Houiller semble avoir trouvé son équilibre entre le vélo, qui reste avant tout pour elle un loisir, et son métier, symbole de sa réussite professionnelle. Née le 8 avril 1984 à Paris, formée au CS Château-Thierry et la Pédale Rémoise puis à l’EC Vallée de l’Aisne et au VC Beauvais, Vicky a su montrer ses qualités et son tempérament plus d’une fois…

Vicky, peux-tu te décrire pour ceux qui ne te connaîtraient pas ?
Je suis cycliste depuis l’âge de 5 ans. Je pratique la compétition depuis 1990. Mon caractère dynamique me fait durer dans mon loisir. J’ai de même pratiqué l’athlétisme et le triathlon.

Décris-nous ta passion pour le vélo, pourquoi avoir choisi ce sport ?
J’ai choisi le vélo un peu par hasard, venant d’une famille sportive principalement pratiquante de la boxe (mon père et mon grand frère). Depuis toute petite, je baigne dans un esprit sportif. Cependant, pourquoi le choix du vélo ? Après un grave accident de mon frère en vélo, qu’il utilisait en complément à la boxe, il a dû stopper la boxe anglaise pour se diriger vers un sport rééducateur. Seul le vélo ne le gênait pas dans son handicap. Il a commencé par du cyclotourisme et puis a continué par de la compétition en école de cyclisme. En l’accompagnant sur les courses, mon père totalement profane à ce sport a remarqué que des filles participaient aux courses. Ainsi il m’a proposé d’essayer. J’ai donc participé à ma première course en mai 1990, où j’ai glané ma première coupe pour ma première victoire. Et depuis, je me suis prise au jeu et je n’ai jamais arrêté.

Quels sont tes modèles ?
Je n’ai pas de modèle particulier. Mais lorsque j’ai commencé le vélo, j’avais une idole, Jacky Durand, du fait de sa combativité et de ses longues échappées.

Te rappelles-tu de ton premier vélo ?
Oui, j’ai fait mes premières courses sur un petit Gitane gris, un mono plateau et une vitesse. Dommage, je ne l’ai plus.

Quelle est la marque de ton vélo actuel ?
Je roule depuis cinq ans sur un Kuota Kharma en carbone, très résistant et nerveux, j’en suis très contente. Mais mon club me propose pour cette nouvelle saison un nouveau vélo Look.

De quel milieu familial viens-tu ?
Ma mère d’origine polonaise par ses parents est une personne avec un grand cœur, je suis admirative de son parcours professionnel, c’est une femme qui a su construire sa vie à partir de rien, c’est elle qui m’appris à me battre contre toute les situations, comme elle me le dit si bien : un mal fait toujours un bien. Mon père, un grand sportif et combattant, ancien légionnaire, il fut décoré de la légion d’honneur, de la médaille militaire, de plus il a la médaille de bronze de la Jeunesse et des Sports. Ancien boxeur amateur, il fut champion de Champagne et finaliste des Championnats de France. Il m’a enseigné les bases du sport, il m’a appris à me surpasser. C’est grâce à lui que j’ai pu être championne de France pour la première fois en 2000 chez les Cadettes. Mes parents m’ont donné tous les moyens pour que je réussisse ma vie professionnelle et sportive. Grâce à eux j’ai un caractère de compétitrice tout en restant fairplay. Ils m’ont appris le respect et m’ont donné les bases afin d’obtenir un esprit sain, dans un corps sain. Maintenant c’est à moi de l’entretenir. Mon grand et unique frère Yann est mon grand supporter. On a partagé beaucoup de moments fraternels, on s’est suivis dans le sport (cyclisme, athlétisme, triathlon), j’aimais beaucoup m’entraîner avec lui quand j’étais petite. Il a dû stopper les compétitions pour ses études, c’est une fierté dans la famille, puisqu’il est diplômé de Science Politique.

Quelle victoire t’a laissé l’émotion la plus intense ?
Ma première victoire au Championnat de France à Vertou en 2000. Dans le dernier kilomètre, personne n’aurait pu croire que je pouvais gagner, même pas moi. C’est passé si vite, une arrivée au sprint lancé à 500 mètres de la ligne. Je passe la ligne et j’entends le speaker citant mon nom en tant que championne de France, et je réalise seulement quelques secondes après que c’est moi. Des larmes de joie ont coulé sur le podium. J’ai dormi avec mon maillot, je ne voulais pas m’endormir de la nuit pour ne pas que ça s’arrête. Le lendemain matin, le maillot était toujours là, ce n’était pas un rêve, c’était vrai !

Celle dont tu gardes le meilleur souvenir ?
Toutes mes courses sont des souvenirs intenses, même les moments les plus difficiles ont été des bons moments. Je me réfère à ma grave chute sur la Grande Boucle Féminine Internationale de 2003. Le sport vécu avec beaucoup d’intensité construit un individu, dans n’importe quelles situations.

Quelle expérience gardes-tu de ton passage dans l’équipe Pruneaux d’Agen ?
Un esprit d’équipe, une bonne ambiance et des saisons de route très complètes (Tour du Limousin, Tour de la Drôme, Grande Boucle, Route de France…)

A quand le retour de la grande Vicky aux affaires ?
La situation du moment est un peu plus stable que durant mes études (BTS tourisme et BEESAN), j’essaie de suivre un entraînement plus régulier pour cette nouvelle saison de route 2010. Cependant, le métier de maître-nageur est un métier qui prend quelques week-ends. Avec mes chefs et mes collègues, j’essayerai d’organiser mes semaines et week-ends en fonction de mon programme de courses.

Quels seront tes objectifs pour la saison 2010 ?
Reprendre le vélo plus régulièrement ! Faire une meilleure saison que les trois années précédentes. Au niveau extra-sportif, je vais préparer le concours ETAPS de la session 2011 pour rentrer dans la fonction publique en tant que maître-nageur. Mon calendrier sera organisé en fonction de mon travail. Cependant, je vais sûrement débuter ma saison sur le Grand Prix de Chambéry, et essayer de participer aux différentes manches de Coupe de France et aux Championnats Régional et de France. Une saison complète, c’est 12000 à 15000 kilomètres par an.

Votre sport semble devenir de plus en plus marginalisé, que faudrait-il selon toi pour enrayer ce problème ?
Déjà, le cyclisme féminin n’a jamais vraiment fait la une du journal L’Equipe. Le gros coup de pouce, pour nous les femmes, serait un gros sponsor qui stimulerait les médias.

Tu as fait une année blanche en 2007 pour poursuivre tes études, n’aurais-tu pas préféré être cycliste professionnelle ?
Cycliste professionnelle en France chez les femmes, cela n’est pas encore possible et à l’étranger c’est un risque pour sa santé, à cause de dopage. Il me semble raisonnable de suivre un parcours scolaire en parallèle ou en priorité au vélo pour avoir une situation sûre. Il est vrai que j’aurais été cycliste masculin, mon objectif majeur aurait été de devenir professionnel, mais étant donné que chez les femmes cela reste inexistant, le choix principal ce sont les études.

Propos recueillis par Emmanuel Chaillard pour http://velotekiero.sportblog.fr.