L’Isle-sur-la-Sorgue, dans le Vaucluse, à l’ombre du Géant de Provence a accueilli la présentation de la gamme Michelin Power, une offre pneumatiques réinventée par le manufacturier de Clermont-Ferrand. Cofidis y était à l’honneur, l’occasion pour nous de rouler avec Victor Lafay et de l’interviewer en guise de récupération. C’est parti.

 

Bonjour Victor, nous sommes à la présentation de la gamme Michelin 2020 au pied du Mont Ventoux, quel est ton rapport au matériel ?

J’y suis beaucoup attaché, je pense que le vélo devient de plus en plus un sport mécanique ce qui fait qu’on a besoin de matériel de pointe. C’est pour ça que notre collaboration avec Michelin est vraiment importante pour avoir le bon boyau et ainsi avoir plus de confiance.

Il n’y a pas si longtemps, tu étais en amateur, est ce que tu dirais que la principale différence entre le monde amateur et le monde pro, c’est ce rapport au matériel ?

Oui, c’est vraiment spécifique, on a des boyaux pour la route, des pneus spécifiques pour le contre-la-montre et d’autres pneus pour l’entraînement. Quand on est amateur, on ne peut pas se permettre d’avoir tout ça parce que c’est un budget. Ici, l’optimisation de chaque détail fait que c’est différent.

Tu te définis comme un coureur très méticuleux par rapport au matériel? Quelle est ta relation avec les mécanos de l’équipe Cofidis ?

Oui, j’aime bien que mon vélo soit exactement comme je le veux. Le serrage des freins, le centrage de la roue… Le moindre petit truc qui ne va pas sur le vélo, ça peut nous déconcentrer et nous éloigner de notre objectif, c’est pour ça qu’on va voir les mécanos si jamais on a des besoins spécifiques, mais en tout cas ils travaillent très bien, et souvent, les vélos sont nickel.

Au niveau mécanique, c’est vrai qu’on a la chance dans le cyclisme de connaître beaucoup d’évolution, quelle est pour toi la principale évolution technique que tu mettrais en avant ?

C’est vrai que les freins à disque, quand c’est arrivé sur la route, j’étais un peu surpris, puis, au final, on l’a vu sur les championnats du monde, sur des courses pluvieuses, c’est un gain énorme de performance. Je pense que c’est ce que je mettrais le plus en avant pour l’instant, mais disons que l’évolution du marché, notamment par rapport au tubeless, a vraiment un avenir. Michelin travaille beaucoup plus sur la forme du pneu contrairement au boyau, donc c’est sûr qu’on va aller de plus en plus sur le tubelless pour améliorer la performance et être plus aéro.

Victor Lafay MichelinVictor Lafay Michelin | © Vélo 101

Tu penses que l’ensemble du peloton roulera en disque sous quel délai ?

Dès l’année prochaine, je pense qu’il y aura énormément d’équipes qui l’auront. Peut-être qu’il y aura encore des vélos pour la montagne sans frein à disques, mais en tout cas, sur le vélo aéro, c’est sûr qu’il y a un énorme gain au niveau du freinage.

Et le tubeless ?

Le tubeless, je sais pas trop. C’est vrai que pour l’instant, toutes les équipes sont en boyaux, donc il faut voir aussi comment vont évoluer les mentalités, mais on voit que toutes les marques de roues commencent à faire du tubeless donc d’ici quelques années, on va y avoir droit aussi.

Nous sommes à la fin de la saison. On ne trahira pas un grand secret en disant que vous allez changer de partenaires techniques, comment appréhendes-tu la découverte du nouveau vélo 2020 ?

Ouais, c’est excitant, surtout que j’ai aucune idée des marques sur lesquelles on va aller, puis, le vélo est notre outil de travail, donc on espère toujours avoir un bon vélo. De toute façon, maintenant, toutes les marques font des bons vélos, mais bien sûr que je suis excité de connaître notre équipement l’année prochaine.

Tu reçois quoi comme vélo quand le « packtage » arrive ?

On a chacun un vélo d’entraînement à la maison. C’est très important, car ça nous évite de transporter notre vélo quand on va en compétition. Sur les courses, on en a 2 au minimum, 3 sur les grands Tours. Forcément, ça nous permet de changer de vélo quand on a un pépin mécanique. Ensuite, on a chacun un vélo de contre-la-montre et peut-être même 2 pour les leaders.

Est-ce que tu dirais que le bilan de ta saison 2019 est mitigé ?

Oui, forcément, déjà, je voulais vraiment bien arriver chez les professionnels, puis je me suis blessé à la cheville pendant l’hiver, on a mis du temps à trouver le problème. Du coup, je n’ai pu vraiment m’entraîner qu’à partir de mi-janvier et j’ai commencé la compétition assez tôt, mais je ne sais pas si ça m’a vraiment aidé parce que j’étais vraiment à batailler dès le début. Ensuite, à partir du Tour du Yorkshire, j’ai commencé à prendre du plaisir, puis, au final, après le Tour de Hongrie, je me suis blessé au fémur, comme ça avait été le cas en 2015, donc j’ai dû me refaire opérer. Maintenant, c’est réglé, mais pour le coup, ma saison a été très courte, j’ai mis du temps à arriver en forme. Je me dis que les quelques courses où je me suis senti bien, c’est prometteur pour l’année prochaine. Si j’arrive à aller encore plus loin, je pense que je peux réussir de belles choses quand même.

Lors de ton opération au fémur, tu voulais vraiment faire disparaître cette blessure jusqu’au bout. Est ce que tu dirais que vous, les sportifs de haut niveau, vous voulez toujours aller au bout du process pour effacer tous les doutes ?

Oui, alors, le fémur, pour moi, c’était une douleur qui arrivait très régulièrement et je devais faire pas mal de kiné, je m’étais dit que je pouvais continuer comme ça. Sauf que là, la douleur ne partait pas pendant plus d’un mois ce qui m’a obligé à opérer et régler le problème pour de bon. Je pense que c’est une bonne solution parce que même si les douleurs partaient vite quand elles arrivaient, ça ne l’aurait pas fait lors d’un grand Tour, ça allait être problématique. Maintenant, je suis vraiment tranquille à ce niveau et je pense que je vais pouvoir me concentrer sur la performance sans avoir de gêne et ça, c’est bien.

Quel va être le programme de l’équipe Cofidis dans les semaines à venir ?

On va d’abord faire un premier rendez-vous du 15 au 17 octobre sous forme de stage administratif pour discuter de ce qu’on va faire cet hiver, puis le reste de la saison. On va également faire les tests à l’effort.

Victor Lafay VentouxVictor Lafay Ventoux | © insta Victor Lafay

Vous allez déjà parler de votre programme 2020 où c’est encore un peu trop tôt ?

Je pense qu’on va déjà parler de ce que l’équipe attend de moi, mais je ne pense pas qu’on va déjà parler des courses en particulier, car ça dépend de plusieurs facteurs. Ce stage va être intéressant, on va retrouver tous les nouveaux de l’équipe et commencer à former une cohésion pour être bien soudé pour l’année 2020.

Aujourd’hui, on évoque naturellement le World Tour pour l’équipe Cofidis ce n’est pas encore complètement sûr et, tant qu’il y a une incertitude, c’est important par rapport à ton programme. Est ce que c’est quelque chose qui pèse ?

Non, ce n’est pas quelque chose qui pèse. En tout cas, pour moi, ce n’est pas si grave. Après, c’est sûr que faire partie d’une équipe World Tour, c’est un rêve, puis ça nous permet d’accéder à des courses sans avoir d’invitation, ce qui enlève une certaine pression. Ça ne pourra être que bénéfique au niveau des résultats, car on pourra arriver avec l’esprit tranquille et montrer qu’on a ce niveau World Tour. C’est sûr que si on monte à ce niveau, 2020 va être une bonne saison.

Le fait que cette année, l’équipe a été invitée pour le Tour relativement tôt dans la saison, certains coureurs étaient libérés ?

Oui, c’est sûr qu’obtenir une invitation pour le Tour de France, c’est très important pour les équipes conti pro et le fait de l’avoir eue a enlevé beaucoup de pression à l’équipe. De toute façon, la pression, on se la met tout le temps, on est sans arrêt en recherche de résultats.

On a vu les grands noms qui arrivent dans l’équipe spontanément, tu te sens proche de quel « nouveau » en particulier ?

Je pense que le plus proche sera Eddy Finé, car c’est un jeune que je connais très bien. J’aime aussi beaucoup la philosophie d’un Guillaume Martin. Elia Viviani, je ne le connais pas du tout, mais je pense que c’est aussi quelqu’un de très sympa. Je pense qu’on va très bien s’entendre et que l’intégration va être facile pour eux.

Quand tu es arrivé dans ce monde-là, tu étais beaucoup plus réservé, aujourd’hui, tu es bien plus épanoui, on sent que cette équipe, multiculturelle, te plaît, tu confirmes ?

Oui, c’est sûr, ça nous permet vraiment de parler d’autres langues. C’est intéressant de parler avec des italiens ou des espagnols. On n’a pas tous la même vision de la vie professionnelle et c’est vraiment intéressant de comparer les cultures et j’adore le fait d’avoir plein d’étrangers dans l’équipe.

Jesus Herrada_01Jesus Herrada_01 | © Cofidis

On est au Ventoux, on a vu une belle victoire pour votre équipe juste avant le Tour avec Jesus Herrada le fait qu’il y ait beaucoup d’espagnols, puis pas mal d’italiens dans l’équipe va te permettre de t’intéresser à une nationalité particulière ?

C’est vrai que je parle un peu espagnol, mais l’italien, je n’ai encore jamais essayé. Je parlerai sûrement en anglais avec eux. En tout cas, peut importe la nationalité, j’aime bien échanger avec tout le monde et j’adore découvrir.

Cédric Vasseur est passé par des équipes étrangères. Son expérience profite à toute l’équipe désormais, est ce que le fait d’avoir plusieurs nationalités au sein de l’équipe est une richesse ?

Oui bien sûr, le fait d’avoir plein de nationalités va permettre de souder l’équipe. C’est différent que d’avoir un clan français très fort et quelques individualités étrangères. Là, les étrangers sont plus nombreux ce qui va leur permettre de s’intégrer. C’est vraiment un groupe et il n’y a pas plusieurs clans. Je pense que ça va être notre force. Je vais même pouvoir apprendre un peu le flamand vu qu’on a quelques belges dans l’équipe.

Le fait d’être en World Tour en 2020 pourrait vous permettre de faire les 3 grands Tours. On ne va pas parler de Tour de France pour toi, mais entre la Vuelta et le Giro, tu choisirais quoi ?

J’ai une petite préférence pour le Giro, car je n’aime pas beaucoup la chaleur, qui est très présente sur la Vuelta. Par contre, le problème du Giro, c’est qu’il est très tôt dans la saison et pour moi ça va être compliqué. On verra quel début de saison je vais faire en 2020, mais après, la Vuelta, ce serait vraiment un rêve de la faire aussi.

Victor Lafay 1Victor Lafay 1 | © Tour de Savoie Mont-Blanc

Tu sauras lors de ton stage quelles seront les grandes lignes de ta saison, ce qui va sûrement te permettre de savoir lequel de ces 2 courses tu serais plus susceptible de faire ?

Je pense qu’on va décider si je vais faire un grand Tour ou non l’année prochaine, mais je ne pense pas qu’on puisse choisir, et dans tous les cas, il va falloir que je fasse un gros début de saison après la saison que je viens d’avoir et je vais mettre le paquet cet hiver pour arriver vraiment en forme dès la Marseillaise. Ensuite, on verra si j’enchaîne bien et que je tiens la cadence, puis peut être qu’on pourra en discuter.

Il y a des courses qui t’inspirent dès le début de saison, pour bien démarrer et lancer une bonne dynamique ?

Le problème, c’est que j’en ai pas fait beaucoup cette année donc je ne les connais pas vraiment et je pense que je vais vraiment prendre les courses une par une et essayer d’analyser ce que je peux en tirer, et aussi comment aider l’équipe, parce que je n’y vais pas que pour faire des résultats individuels. Si je peux en profiter, c’est sûr que je le ferai, mais, avant tout, je vais tenter de faire gagner l’équipe.

Si tu devais déterminer le coureur de l’année, tu dirais que ce serait lequel ?

Je dirais Thibaut Pinot parce qu’il était vraiment impressionnant sur le Tour de France et il le mérite. J’espère qu’il arrivera à retrouver cette forme l’année prochaine. J’étais devant ma télé, car je ne pouvais pas rouler et le voir à ce niveau m’a vraiment fait chaud au cœur et j’espère qu’il va retrouver ce niveau l’an prochain.

Et le sprinter de l’année ?

Il y en a plein, mais je dirais quand même Dylan Groenewegen qui a été vraiment fort. Ensuite, Elia Viviani est forcément un sprinter de référence. On a aussi eu des bons sprinters dans l’équipe avec Christophe (Laporte) et même Hugo (Hofstetter) qui a eu beaucoup de places d’honneur. Caleb Ewan a aussi été impressionnant.

Et l’équipier de l’année ? On aime bien mettre en valeur le rôle des équipiers.

J’ai presque envie de dire David Gaudu, qui a été incroyable sur le Tour de France.

Et au niveau féminin, quelle était la coursière de l’année ?

Je n’ai pas trop suivi, mais je sais que Marianne Vos écrase quand même pas mal.

On a vu la météo sur les championnats du monde. Est ce qu’on se dit qu’on est mieux derrière notre écran à ce moment là où tu aurais aimé porter le maillot de l’équipe de France même dans des conditions comme ça ?

Oui, c’est vrai que quand on voit des conditions comme ça, on a envie d’aller au combat, mais sur le moment, quand on est transi de froid sur le vélo, on préférerait être sur le canapé, mais porter le maillot tricolore est un rêve et un honneur, qui plus est chez les élites. J’espère pouvoir le porter un jour.

 

Par Nathan Malo