C’est une saison importante qui commence pour Eric Boyer et ses hommes. Le manager général de l’équipe Cofidis a tourné la page sur le retrait de la licence ProTour qui a été promulgué par l’Union Cycliste Internationale durant l’intersaison. Son énergie, il a préféré la mettre au service d’une reconquête de ce statut sur le terrain. Il attend donc beaucoup de la part de ses coureurs, à qui il a clairement demandé d’aller chercher des résultats sur le vélo afin de donner tort aux instances internationales. La raison est double car la société Cofidis, impliquée dans le cyclisme depuis 1997, se questionne actuellement quant à la prolongation de son partenariat au-delà de la saison 2010. Les coureurs de la formation nordiste ont donc jusqu’à la fin du mois de mars pour persuader les dirigeants de Cofidis de poursuivre cette si belle aventure sportive.

Eric, vous abordez la saison avec l’objectif de marquer des points sportivement, avec quels objectifs précis ?
La quantité des victoires est importante mais ce n’est pas ce qui compte le plus. Je pense que la valeur des victoires l’est encore plus. Je ne vais pas citer de compétitions mais nous en avons déjà inscrites un certain nombre sur notre agenda. Ce sont de très grandes et très belles compétitions, pour lesquelles nous n’avons pas à rougir de l’ambition que nous nous donnons. Ce sont des objectifs cohérents.

Vous aspirez notamment à devenir la meilleure équipe française, c’est quelque chose qui vous tient à cœur ?
C’est important d’être la première équipe française, mais si les formations françaises sont entre la 20ème et la 25ème place du classement mondial, ce n’est pas top. En revanche, si nos équipes se situent entre la 8ème et la 13ème place, que nous sommes les meilleurs, c’est bien.

Cet hiver, l’équipe a perdu sa licence ProTour. Sur le compte de quoi mettez-vous cela ?
Lorsque nous avons déposé notre candidature pour un renouvellement de licence, on nous a répondu que 20ème, sur le plan sportif, ce n’était pas excellent. On nous a dit aussi que le fait que Cofidis n’avait renouvelé son partenariat que pour une année n’était pas non plus confortable. Si notre sponsor avait pris la décision l’an passé de repartir pour trois ou quatre ans, je pense que ça aurait pu peser dans la prise d’une décision inverse. Maintenant, j’ai tourné cette page. On travaille et on doit montrer sur le vélo que cette décision, si nous avons le bonheur de continuer après 2010, a été prise sur des arguments faussés qui ne pourront pas être utilisés pour l’avenir.

Ne vous manque-t-il pas un coureur capable de jouer le classement général d’une grande course par étapes ?
Depuis quatre ans maintenant que je dirige cette équipe, j’ai toujours évoqué le fait que nous n’avions pas le potentiel pour gagner le classement général d’une grande course par étapes. Nous avons toujours visé des étapes sur ces épreuves-là. Or je peux vous annoncer que cette année, sur certaines épreuves par étapes, je dis bien certaines, nous avons l’ambition de briller au classement général.

En dépit de la qualité de votre formation, on a parfois l’impression qu’il vous manque de vrais spécialistes dans un domaine. Pas de sprinteur, pas de chasseur de classiques…
L’an passé, c’est vrai que ce qui nous a fait défaut en particulier, c’est qu’il nous manquait un coureur pour les classiques flamandes. Nous l’avons trouvé en la personne de Kevyn Ista. Du côté des sprinteurs, je n’en connais qu’un qui s’appelle Mark Cavendish. Alors je veux bien recruter un autre grand sprinteur, mais j’ai l’impression qu’il sera plus souvent deuxième que premier, même si c’est un sprinteur qui a un énorme talent. En ce moment, Cavendish est tellement au-dessus de tout le monde… Alors soit je le recrute, soit je me concentre sur d’autres domaines, ce que j’ai choisi.

Il n’est pas prévu que David Moncoutié dispute le Tour de France cette année, pensez-vous que vous en rediscuterez avec lui ?
C’est trop tôt encore pour en parler. D’abord, David a choisi de prolonger son contrat d’une année avec nous. Ses ambitions sont avant tout le Tour d’Espagne, sur lequel il espère devenir meilleur grimpeur pour la troisième fois consécutive, ce qui serait un record. Aucun coureur n’a réalisé cet exploit. C’est ambitieux, c’est bien, même si je pense en effet que David a encore le potentiel physique et psychologique pour faire le Tour de France en 2010. Nous prendrons la décision début mai, pas avant, et en harmonie avec lui.

Le partenariat de Cofidis avec votre équipe est incertain après 2010. Dans l’attente d’une décision du groupe, commencez-vous déjà à rechercher des sponsors ?
On saura dans deux mois si Cofidis repart ou non. Fin mars ou début avril. Je dirais que nous n’avons qu’une chose à faire, très simple, qui est de se concentrer sur notre travail et de gagner des courses. Je pense qu’on doit donner envie à Cofidis de continuer. Pour ça, il faut gagner des courses, avoir une attitude propre, digne, éthique, et être sur le terrain aux avant-postes, dans les échappées, montrer du dynamisme, de la joie. Donner l’envie à Cofidis de continuer. Je n’ai pas d’autres choses à penser que cela. Notre métier est de gagner des courses de vélo, et de la plus belle façon qu’il soit. L’essentiel c’est que nous fassions notre métier, ensuite Cofidis décidera.

Plusieurs partenaires ont choisi de se désengager du cyclisme en fin d’année, qu’est-ce que cela vous inspire ?
J’ai lu comme vous que des sponsors avaient déjà annoncé qu’ils s’arrêteraient au terme de la saison 2010 (NDLR : Bouygues Telecom, Caisse d’Epargne et Saxo Bank cesseront notamment leur partenariat en fin d’année). Je dirais que c’est une petite sonnette d’alarme. Je dirais même une sonnette alarmante. La saison démarre dimanche, maintenant attendons de voir ce qui va se passer.

De votre côté, vous maintenez votre budget cette saison ?
Nous avons un très bon budget, très confortable. Pour moi, c’est parfait. Alors bien sûr nous n’avons pas de stars, mais nous avons des valeurs sûres, et c’est comme ça que je conçois le métier.

Propos recueillis à Paris le 28 janvier 2010.