Depuis le début des compétitions mercredi, l’équipe de France a fait rêver le public du vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines. Comme pour récompenser cette foule qui l’a toujours soutenue à guichets fermés au long des cinq jours de compétition, les athlètes de la délégation se devaient d’offrir un bouquet final splendide. En l’espace d’un après-midi, les milliers de spectateurs présents dans l’enceinte de Saint-Quentin vont vivre des émotions extraordinaires.

Les Tricolores avaient entamé le tournoi de vitesse de la meilleure des manières hier avec trois représentants qualifiés en quarts de finale. Quand il retrouve François Pervis dans la chambre d’appel de ce quart de final explosif, Grégory Baugé ne sait peut-être pas encore qu’il est sur le point de vivre une journée parfaite. Tant pis, si celle-ci commence par une défaite en première manche face à son rival. Le Guadeloupéen fait forte impression pour éliminer le champion du monde sortant, sans doute épuisé par les efforts répétés des derniers jours qui l’ont vu conserver le maillot arc-en-ciel sur le keirin, puis sur le kilomètre. À Saint-Quentin-en-Yvelines, François Pervis ne pourra pas rééditer son exploit de l’an dernier à Cali en conservant ses trois couronnes, mais y avait-il seulement quelque chose à faire face à un Grégory Baugé de ce niveau ?

« J’aborde ces Championnats du Monde dans la position de challenger. Je ne suis que champion d’Europe. Ce n’est peut-être pas le même Baugé d’il y a quelques années », confiait pourtant Grégory Baugé il y a un mois. Celui qui a fêté ses trente ans il y a quelques jours a bien caché son jeu. Le tigre est bien de retour à un peu plus de 500 jours de l’ouverture de ces Jeux Olympiques avec qui il vit une relation tumultueuse. Jamais depuis son échec face à Jason Kenny sur la piste londonienne, il n’avait affiché un tel niveau. Jamais il n’avait montré autant d’aisance pour venir à bout de ses adversaires. Quentin Lafargue en demi-finale et Denis Dmitriev en finale sont éliminés à chaque fois en deux manches sèches.

Peu avant 18 heures, Grégory Baugé retrouve cette première marche du podium mondial qu’il a déjà connue à trois reprises, quatre si l’on compte le titre qui lui a été retiré en 2011. Le clan français a le sourire jusqu’aux oreilles. Pas seulement parce qu’il a vu aujourd’hui la renaissance du champion francilien, mais aussi parce qu’un visage juvénile dans une tunique bleu-blanc-rouge est présent sur la troisième marche du podium. Frustré par sa 4ème place sur le kilomètre et par sa non-sélection en keirin, Quentin Lafargue s’est rabattu avec succès sur cette vitesse individuelle qu’il accueillait avec scepticisme le jour de l’annonce de la sélection. « Je fonde plus d’espoirs sur le kilomètre que sur la vitesse individuelle, nous avait-il confié. Cette sélection est une petite surprise pour moi, mais si on m’a aligné sur la vitesse individuelle, c’est parce qu’il y a quelque chose à faire ! »

Pendant tout le tournoi, Quentin Lafargue s’est attaché à le montrer. Eliminé par Grégory Baugé en demi-finale, il ne part pas favori face à Jeffrey Hoogland, l’épouvantail de l’hiver. Mais rien ne pouvait arriver aux Tricolores aujourd’hui. Le champion de France en titre de la discipline négocie bien la première manche, mais franchit la ligne derrière le Néerlandais. Hoogland s’est cependant montré fautif en sortant de son couloir pendant son effort et la manche revient finalement à Lafargue. La suite de son duel est tout aussi haletante. S’il perd son deuxième match sur une faute tactique presque grossière, l’ancien triple champion du monde Junior sort le grand jeu pour venir à bout de son adversaire dans la troisième manche et s’offrir une médaille de bronze presque inespérée.

Américaine Messieurs. Si le public de Saint-Quentin a vécu des émotions incroyables, c’est aussi parce que Grégory Baugé n’est pas le seul athlète tricolore à se parer d’or cet après-midi. Sur l’américaine, Bryan Coquard et Morgan Kneisky ont livré un véritable récital pour offrir à la France une cinquième médaille d’or, une septième médaille tous métaux confondus. Le tandem français a livré une prestation pleine de maîtrise pour s’emparer du maillot arc-en-ciel. Coquard fait parler sa pointe de vitesse pour glaner de précieux points au cours de six sprints (dont trois premières places) sur dix disputés.

Mais si les deux professionnels parviennent à devancer le reste des concurrents, c’est aussi grâce à un bel effort entrepris à un peu plus de trente tours de l’arrivée. Les Britanniques, complètement transparents jusqu’ici, surprennent le peloton en début de course en lui prenant un tour. Longtemps on a cru que le tandem composé de Mark Christian et d’Owain Doull allait pouvoir résister aux assauts des autres nations. C’était sans compter sur l’alliance de circonstance des Français, des Allemands, des Italiens, des Espagnols et des Tchèques qui prennent eux aussi un tour au peloton.

Il ne reste alors aux Français qu’à maîtriser leurs adversaires. Chose qu’ils parviennent à faire avec brio. Au terme d’un mano a mano sublime qui l’oppose à Elia Viviani, Bryan Coquard apporte les points nécessaires à la France pour contenir le duo italien. S’il s’agit du premier sacre mondial du Nazairien avec les Élites, Morgan Kneisky remporte son troisième maillot arc-en-ciel après son sacre sur le scratch en 2009 et sur l’américaine en 2013.

Omnium Dames. C’est au prix d’une deuxième journée parfaite qu’Annette Edmondson devient championne du monde de l’omnium. Bien placée après la première journée, l’Australienne remporte le 500 mètres puis le tour lancé avant de maîtriser ses adversaires sur la course aux points. Elle devance deux spécialistes, la Britannique Laura Trott, 2ème et la Néerlandaise Kirsten Wild. Malgré un bon 500 mètres (6ème), Laurie Berthon n’a pas redressé la barre et termine l’omnium à une décevante 14ème place.

Keirin Dames. Il restait encore une chance pour Anna Meares de rentrer définitivement dans l’histoire de la piste mondiale en remportant son dixième maillot arc-en-ciel. Le keirin lui a permis d’ajouter une nouvelle médaille d’or à son immense palmarès. Impeccable vainqueur sur les deux premiers tours, l’Australienne s’impose avec tout autant de maîtrise en finale où elle devance la Néerlandaise Shanne Braspennincx et la Cubaine Lisandra Guerra. Seule Française engagée, Olivia Montauban n’a pas passé le premier tour en finissant 6ème de sa série et 2ème de son repêchage.

Les champions du monde :

• vitesse individuelle Messieurs : Grégory Baugé (FRA)
• omnium Dames : Annette Edmondson (AUS)
• keirin Dames : Anna Meares (AUS)
• américaine Messieurs : Bryan Coquard-Morgan Kneisky (FRA)