Comme si les cas de dopage ne suffisaient plus à envenimer le cyclisme, on est entré de plein fouet dans un conflit majeur ces dernières semaines, depuis en fait que les oreillettes ont disparu progressivement des pelotons selon la résolution prise par l’Union Cycliste Internationale fin 2009. La mesure, face à laquelle s’étaient déjà heurtés les organisateurs du Tour de France l’été 2009, ne concernera l’ensemble des épreuves qu’à compter de 2012 mais elle n’épargne plus cette année que les compétitions de l’UCI WorldTour. Privés de leur instrument de contrôle, les directeurs sportifs des plus grandes équipes se sont donc manifestés par le biais de leurs coureurs. Et devant la détermination de l’UCI à maintenir cette nouvelle règle, des mouvements de contestation majeurs se succèdent les uns aux autres jours après jours.

Après le mouvement orchestré par les coureurs au Challenge de Majorque, qui a entraîné l’annulation du résultat de l’épreuve, après les menaces de boycott du Tour de Pékin si l’UCI ne renonçait pas à la suppression des oreillettes au 1er mai, c’est un nouveau mouvement d’envergure qui s’annonce le samedi 26 mars prochain. Ce jour-là, les coureurs devraient manifester unanimement sur trois des quatre fronts du calendrier (le peloton du Tour de Catalogne, autorisé aux oreillettes, n’est pas concerné), au risque de compromettre le bon déroulement du Grand Prix E3, de la première étape du Critérium International et de la dernière étape de la Semaine Internationale. Sur ces trois épreuves en effet, les coureurs envisagent de défier les règlements en portant l’oreillette. Un tel comportement, qui émane des coureurs eux-mêmes sur l’instigation de leur association, le CPA, entraînerait alors l’annulation des courses du samedi 26 mars.

Devant la montée en puissance de ces menaces, le président de l’Union Cycliste Internationale a saisi sa plume pour adresser une longue lettre ouverte aux coureurs. « Les menaces de mesures drastiques et les ultimatums ne mèneront nulle part et ne feront qu’envenimer les choses », écrit Pat McQuaid, qui s’étonne qu’un nombre important de coureurs s’oppose à présent à l’abolition des oreillettes quand moins d’un sur quatre se sentait concerné par le sujet lors des différentes consultations menées en 2008 et 2009. « Que s’est-il passé ? Les coureurs ont-ils subi des pressions ? Sont-ils libres dans l’expression de leur opinion ? Pour l’UCI c’est le combat des directeurs sportifs. Nous sommes persuadés que le véritable enjeu ne concerne pas les radios, mais bien le pouvoir et le contrôle. Ce combat était le leur avant même qu’il soit le vôtre. »

Et Pat McQuaid de rappeler le pourquoi du retrait des oreillettes, adopté fin 2009 après deux ans de travaux. « Nous voulons rendre le cyclisme plus attractif pour le public. L’histoire du cyclisme est avant tout une histoire d’hommes et nous voulons qu’elle le reste. Il n’existe aucun sport où l’entraîneur est en communication constante avec les sportifs. Le retrait des oreillettes doit remettre le coureur au centre de l’action, lui rendre la responsabilité de sa stratégie et de son évaluation de la situation pendant chaque phase de course, afin d’éviter tout contrôle extérieur susceptible de réduire considérablement le caractère imprévisible d’une épreuve et, par conséquent, l’émotion que notre sport peut offrir à ses millions de fans. Notre sport est un mélange d’intelligence et de force physique, avec une pincée de chance pour compléter le tout. » Malheureusement cette affaire prend plus que jamais la tournure d’un dialogue de sourds.