En franchissant la ligne à Sant’Anna di Vinadio, Vincenzo Nibali (Astana) ne laisse apparaître aucune émotion. Ni poing rageur ni large sourire. Et pour cause, il n’était pas encore certain que le maillot rose, porté depuis hier soir par Esteban Chaves (Orica-GreenEdge), lui revienne. Ce même maillot rose qui semblait inaccessible il y a encore 48 heures quand il était séparé de la tête du classement général par près de 5 minutes. Qui aurait alors cru que le champion d’Italie allait pouvoir lutter pour la victoire finale ? Les rumeurs les plus folles ont été nourries cette semaine, d’une infection mystérieuse à l’annonce imminente de son abandon. Sa résurrection hier en chemin vers Risoul et les malheurs de Steven Kruijswijk (Team LottoNL-Jumbo) allaient tout changer à l’aube de la dernière étape décisive dans les Alpes, par delà les cols de Vars, de la Bonette et de la Lombarde.

Sur les trois grands cols à plus de 2000 mètres de cette étape disputée quasi intégralement sur le sol français, un seul va finalement suffire à Vincenzo Nibali pour forcer la décision : le dernier, le col de la Lombarde, dont le sommet marque le retour du Giro en Italie. Car sur cette avant-dernière étape, on a longtemps cru au grand bluff entre les principaux protagonistes d’une course rose rarement aussi indécise. L’étape de la veille et le profil sans répit de ces 134 kilomètres avaient laissé penser que les derniers prétendants au maillot rose allaient sortir de leur réserve dès que la route s’élèverait, autrement dit, dès la sortie de Guillestre, sur les premières rampes du col de Vars. Mais la première difficulté, comme d’ailleurs le col de la Bonette, a tout juste permis aux favoris d’entamer leur travail de sape pour aborder Isola, au pied du dernier col, avec un peloton largement réduit.

L’attentisme des leaders aura au moins eu le mérite de profiter à Darwin Atapuma (BMC Racing Team), Gianluca Brambilla (Etixx-Quick Step), Stefan Denifl (IAM Cycling), Joe Dombrowski (Cannondale), Alexander Foliforov (Gazprom-RusVelo), Tanel Kangert (Astana), Rein Taaramae (Team Katusha) et Giovanni Visconti (Movistar Team) qui n’avaient d’yeux que pour la victoire d’étape et à Mikel Nieve (Team Sky), en quête du maillot du meilleur grimpeur. Le Basque assure l’essentiel, fait le plein de points en passant seul au sommet du col de la Bonette avant d’être repris par ses compagnons de fugue dans la Lombarde. Restait à désigner le vainqueur d’étape. Revenu sur un trio Atapuma-Dombrowski-Visconti, Rein Taaramae place une offensive décisive à 3 kilomètres du sommet qui lui permet de filer vers la victoire d’étape, 24 heures après l’abandon de son leader Ilnur Zakarin.

Vincenzo Nibali distance Esteban Chaves et file vers la victoire finale dans le col de la Lombarde.

À dire vrai, Rein Taaramae n’était pas rentré seul sur le trio qui semblait parti pour se disputer la victoire, et avait bénéficié de l’aide de son compatriote Tanel Kangert pour faire son retour sur la tête de course. Mais l’Estonien, comme l’avait été Michele Scarponi hier, est judicieusement arrêté par la voiture de son équipe. Le coup tactique se prépare. Et comme sur la dernière Vuelta, quand Fabio Aru avait inversé la tendance à la veille de l’arrivée finale grâce à l’aide de ses coéquipiers, il sera parfaitement orchestré. L’inépuisable Michele Scarponi imprime d’abord un rythme soutenu jusqu’à la sortie d’Isola 2000 avant de laisser son leader, Vincenzo Nibali, entrer en action. Comme hier dans la montée de Risoul, le Sicilien ne parvient pas à se débarrasser immédiatement d’Esteban Chaves. L’attaque longue et puissante du Requin finit par faire craquer le Maillot Rose. Il reste alors moins de 12 kilomètres à couvrir quand le Colombien doit lâcher prise.

Le plus dur reste pourtant à faire pour Vincenzo Nibali qui doit reprendre 44 secondes au petit grimpeur d’Orica-GreenEdge. Le mano a mano s’engage, entre les deux premiers du classement général. L’Italien retrouve le soutien de Tanel Kangert qui lui sert de relais le temps de quelques hectomètres. Le Sud-Américain peut compter sur Alejandro Valverde (Movistar Team), décidé à écarter Steven Kruijswijk du podium, et sur Rigoberto Uran (Cannondale) pour qui la solidarité nationale passe au-dessus des équipes de marque. Mais le maillot rose ne tarde pas à choisir son camp. Et quand Nibali accélère à nouveau après que son coéquipier ait terminé son travail, Chaves cède brutalement. Les derniers kilomètres de l’interminable col de la Lombarde auront raison des ambitions du Colombien. Au sommet, le maillot rose est virtuellement sur les épaules de Vincenzo Nibali qui possède 55 secondes d’avance sur son rival direct.

Même s’il craque légèrement dans les derniers mètres de la montée menant à Sant’Anna di Vinidio, même s’il insiste jusqu’au bout et se refuse à célébrer une victoire qui n’attendait que d’être officielle, Vincenzo Nibali arrive à ses fins. Le maillot rose et sa quatrième victoire sur un Grand Tour l’attendent au bout de cette avant-dernière étape. Bien qu’il ne l’ait pas porté sur une seule journée, c’est bien lui qui paradera avec le maillot rose dans les rues de Turin au bout de ce Giro complètement dingue. Au-delà du maillot rose, c’est tout le podium qui est bouleversé. Les malheurs auront duré jusqu’au bout pour Steven Kruijswijk qui s’en retrouve éjecté après la performance solide d’Alejandro Valverde. L’Espagnol signera son huitième podium sur une course de trois semaines et entrera dans le club fermé des coureurs ayant signé un Top 3 sur les trois Grands Tours.

Le Giro se termine demain entre Cuneo et Turin (163 km).

Classement 20ème étape :

1. Rein Taaramae (EST, Team Katusha) les 134 km en 4h22’43 » (30,6 km/h)
2. Darwin Atapuma (COL, BMC Racing Team) à 52 sec.
3. Joe Dombrowski (USA, Cannondale) à 1’17 »
4. Mikel Nieve (ESP, Team Sky) à 4’12 »
5. Alexander Foliforov (RUS, Gazprom-RusVelo) à 4’36 »
6. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) à 6’44 »
7. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 6’57 »
8. Rigoberto Uran (COL, Cannondale) m.t.
9. Giovanni Visconti (ITA, Movistar Team) à 7’47 »
10. Rafal Majka (POL, Tinkoff) à 8’06 »

Classement général :

1. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) en 82h44’31 »
2. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) à 52 sec.
3. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 1’17 »
4. Steven Kruijswijk (PBS, Team LottoNL-Jumbo) à 1’50 »
5. Rafal Majka (POL, Tinkoff) à 4’37 »
6. Bob Jungels (LUX, Etixx-Quick Step) à 8’31 »
7. Rigoberto Uran (COL, Cannondale) à 11’47 »
8. Andrey Amador (CRC, Movistar Team) à 13’21 »
9. Darwin Atapuma (COL, BMC Racing Team) à 14’09 »
10. Kanstantsin Siutsou (BLR, Dimension Data) à 16’20 »

Classement par points :

1. Giacomo Nizzolo (ITA, Trek-Segafredo) 185 pt
2. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) 152 pt
3. Matteo Trentin (ITA, Etixx-Quick Step) 141 pt
4. Daniel Oss (ITA, BMC Racing Team) 127 pt
5. Sacha Modolo (ITA, Lampre-Merida) 126 pt
6. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 92 pt
7. Maarten Tjallingii (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 83 pt
8. Steven Kruijswijk (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 76 pt
9. Alexander Porsev (RUS, Team Katusha) 62 pt
10. Bob Jungels (LUX, Etixx-Quick Step) 61 pt

Classement de la montagne :

1. Mikel Nieve (ESP, Team Sky) 152 pt
2. Damiano Cunego (ITA, Nippo-Vini Fantini) 134 pt
3. Darwin Atapuma (COL, BMC Racing Team) 118 pt
4. Stefan Denifl (AUT, IAM Cycling) 109 pt
5. Giovanni Visconti (ITA, Movistar Team) 77 pt
6. Alexander Foliforov (RUS, Gazprom-RusVelo) 66 pt
7. Rein Taaramae (EST, Team Katusha) 62 pt
8. David Lopez (ESP, Team Sky) 54 pt
9. Michele Scarponi (ITA, Astana) 51 pt
10. Steven Kruijswijk (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 42 pt

Classement des jeunes :

1. Bob Jungels (LUX, Etixx-Quick Step) en 82h53’02 »
2. Sebastian Henao (COL, Team Sky) à 29’38 »
3. Valerio Conti (ITA, Lampre-Merida) à 1h10’07 »
4. Davide Formolo (ITA, Cannondale) à 1h18’48 »
5. Joe Dombrowski (USA, Cannondale) à 1h24’25 »
6. Merhawi Kudus (ERY, Dimension Data) à 1h46’03 »
7. Carlos Verona (ESP, Etixx-Quick Step) à 1h57’26 »
8. Alexander Foliforov (RUS, Gazprom-RusVelo) à 1h58’06 »
9. Nathan Brown (USA, Cannondale) à 2h06’47 »
10. Tobias Ludvigsson (SUE, Giant-Alpecin) à 2h12’42 »

Classement par équipes :

1. Astana (KAZ) en 248h37’41 »
2. Cannondale (USA) à 6’57 »
3. Movistar Team (ESP) à 21’00 »
4. Ag2r La Mondiale (FRA) à 53’52 »
5. Team Sky (GBR) à 1h04’21 »
6. Etixx-Quick Step (BEL) à 1h37’53 »
7. Tinkoff (RUS) à 1h40’44 »
8. Team Katusha (RUS) à 2h06’36 »
9. Dimension Data (AFS) à 2h53’26 »
10. Lampre-Merida (ITA) à 3h15’00 »