Toute la semaine, Vélo 101 décrypte les enjeux de la 113ème édition de Paris-Roubaix.

Dans sa représentation la plus classique, on lui donne le nom de Belzébuth, Lucifer ou Satan. Dans l’Enfer du Nord, le diable répond à des substantifs évocateurs comme la Trouée d’Arenberg, Mons-en-Pévèle ou le Carrefour de l’Arbre. Derrière chacun des pavés qui jalonnent, sur 52700 mètres, la voie de la reine des classiques se cache potentiellement un démon. Une sorcière aux dents vertes, dans le jargon cycliste, qu’on ne défie pas à mains nues. Dimanche, les guerriers qui partiront à l’assaut de Paris-Roubaix auront le choix des armes. Si certains constructeurs proposent un modèle adapté aux chaots de la classique nordiste (confer l’explicite S-Works Roubaix qui équipe notamment Etixx-Quick Step), c’est un vélo traditionnel amélioré dont bénéficieront la majorité des équipes au départ de Compiègne.

« La principale adaptation intervient au niveau des boyaux, tant sur la section que sur la pression qu’on y met, souligne le mécanicien de l’équipe Ag2r La Mondiale Franck Boudot. D’une section de 24 en temps normal on va passer en moyenne à du 26, 28, 30, même 32 selon les équipes. » Afin d’encaisser au mieux les soubresauts du vélo, le gonflage est prédominant. « Nous mettrons 5 bars dans les boyaux contre 7 à 8 sur une course classique, poursuit le mécano. Chacun sera ensuite libre de réajuster le gonflage en fonction de son poids, des conditions météos et de son ressenti. Certains descendent ainsi jusqu’à 4 bars. » Il s’agira d’obtenir davantage de suspension et une meilleure accroche.

Aux boyaux plus larges s’ajoutent des jantes plus hautes, 35 voire 50 millimètres. « Chaque coureur choisit sa hauteur de jante, nous adaptons ensuite le boyau en fonction de sa demande, précise Franck Boudot. Ce sont des choix qui interviennent après les reconnaissances des secteurs pavés qu’ils vont effectuer d’ici dimanche. »

Rien n’est laissé au hasard pour aider la mécanique à absorber les chocs. Un petit plateau de 44 voire 46 dents chez Sky, par exemple, dont le mécanicien Alan Williams justifie l’emploie de deux manières : « d’abord, Paris-Roubaix est une course relativement plate, ensuite l’utilisation d’un petit plateau de cette taille permet à la chaîne de rester tendue. Elle est ainsi moins susceptible de sauter du fait des vibrations. » Une patte anti sauts de chaîne est là en outre pour minimiser de tels risques. Parmi les éléments qu’il convient de garder à sa place au moment du franchissement des pavés, le bidon se voit quant à lui maintenu dans un porte-bidon aluminium plutôt que carbone. Plus lourd mais plus robuste. Chez Sky toujours, on est allé jusqu’à ajouter des grips à l’intérieur des porte-bidons pour une meilleure accroche des bidons.

Le reste n’est qu’une question de confort. Bien sûr, la double guidoline, à laquelle se substituent de plus en plus les coussinets en gel placés sous la guidoline – voire sous les cocottes comme Bradley Wiggins –, viendra amortir les chocs. Une selle plus épaisse offrira un rembourrage plus appréciable. Quant au freinage, les adeptes de la position mains en haut du cintre se verront offrir la possibilité dans certaines équipes d’un montage de manettes de freins au guidon, comme en cyclo-cross.

Mais n’allez pas parler de confort à un guerrier prêt à affronter l’Enfer du Nord ! « Ce qui fait la différence, ce sont les jambes, coupe court Sébastien Turgot (Ag2r La Mondiale), dernier coureur français à avoir accroché le podium de Paris-Roubaix, 2ème en 2012. Avant, on mettait des straps, des choses comme ça, mais on a tellement l’habitude que ça ne change rien. Ce qui compte, c’est surtout la manière dont tu tiens ton guidon pour encaisser les à-coups. Et puis on sait que les pavés, ça ne dure pas longtemps. Il faut se concentrer pour pédaler le plus fort possible et passer l’instant. » Des instants comme ceux-là, il y en aura vingt-sept à passer dimanche dans une journée unique dans la saison tant par son intensité que par son caractère éprouvant.