Patrice, vous êtes, avec Chantal Lachance, le fondateur de Gestev, comment est né ce projet ?
Nous avons créé cette société par le biais du VTT. Entre 1983 et 1990, j’organisais personnellement plusieurs épreuves VTT au Québec. J’avais créé une association québécoise de vélo de montagne afin d’établir un calendrier de compétitions, développer des clubs. Nous étions aux débuts du VTT et j’ai structuré une fédération qui est devenue très populaire. En même temps, j’ai été recruté par la Fédération Internationale Amateur de Cyclisme (FIAC) afin de développer le VTT. C’est ce que nous avons fait avec Stéphane Hauvette, le fondateur du Roc d’Azur, et d’autres. A l’issue de notre première rencontre, nous avons créé la Coupe du Monde. C’est là que j’ai créé ma société.

Pourquoi avoir voulu créer une société organisatrice d’événements ?
On m’avait demandé d’organiser des épreuves, mais il ne m’était pas possible de le faire en mon nom. J’ai donc créé cette société, Gestev, en 1991, avec Chantal Lachance. Nous avons lancé ce groupe par intérêt et nécessité. Nous avons depuis diversifié nos activités. Outre les événements VTT, nous organisons également des événements sur neige. Avec la FIAC, j’ai été amené à beaucoup voyager pour rencontrer les fédérations membres et développer des parcours, des événements, avec les organisateurs. Je suis allé en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Chine, en Europe, en Scandinavie, aux Etats-Unis… En faisant la démonstration que d’autres événements étaient bien organisés, très populaires, plusieurs personnes se sont rapprochées de moi pour me demander de les aider à organiser une Coupe du Monde, ce que nous avons fait sur plusieurs sites. Ca a débouché, pour certains, sur l’organisation de Championnats du Monde. Le VTT a donc constitué un tremplin pour notre entreprise.

Mont-Sainte-Anne avait déjà reçu les Championnats du Monde de VTT en 1998, comment est née l’idée de faire revenir l’événement au Québec ?
En 1998, après l’organisation des Championnats du Monde, nous nous sommes posé la question : que faire maintenant ? Fallait-il continuer à faire des Coupes du Monde ? Et puis en cours de route s’est annoncé le 400ème anniversaire de la ville de Québec, en 2008. Dans ce contexte, nous avons proposé à l’UCI de recevoir les Championnats du Monde. Nous avons préparé une candidature mais le site de Val di Sole a été retenu. Nous nous sommes alors positionnés sur 2010. Le développement du VTT au Canada et l’éclosion de champions comme Marie-Hélène Prémont, qui performe parmi les meilleures, nous a incités à aller de l’avant. Ca nous a apporté engouement et motivation. A tout cela s’est ajouté le beau développement du Vélirium, notre festival qui s’inscrit dans la lignée de la Sea Otter Classic et du Roc d’Azur.

Quels enseignements avez-vous tirés de la toute première organisation d’un tel événement ici-même en 1998 ?
C’est génial. Les Mondiaux ont une dimension exceptionnelle qui diffère beaucoup des Coupes du Monde. Les nations prennent une place prédominante, ce qui rend l’événement encore plus international. Notre succès en 1998, ça a été l’accueil réservé aux équipes, aux journalistes, aux spectateurs… Les parcours, c’est une chose, mais ce n’est pas compliqué à faire. Nous mettons l’accent sur l’accueil, l’ambiance sur le site, c’est notre priorité. Faire que les gens s’amusent et repartent avec un beau souvenir. Pour cela, nous avons développé les concepts d’animations sur le site, avec des soirées thématiques.

Qu’en sera-t-il néanmoins des parcours ?
Ils seront similaires à ceux de la Coupe du Monde, avec une finition particulière en plus des épreuves de trial. Nous avons porté notre investissement sur les parcours l’année dernière afin de travailler dans de meilleures conditions et de ne pas avoir à gérer des changements de tracé l’année des Championnats. L’an passé nous avons donc procédé à des changements importants en apportant des améliorations aux trois parcours.

Lesquelles ?
En 4X, nous avons peaufiné quelques sauts et aménagé des sections pour les spectateurs. Nous avons mieux dégagé la partie boisée pour offrir une meilleure visibilité. En descente, nous avons aménagé un nouveau départ. Jusque-là, le départ était toujours situé au même endroit depuis 1998. Cette fois, on l’a repensé : plus haut et plus spectaculaire, avec une section technique dès le départ. Le terrain est inégal, les routes plus photogéniques. Il nous a en outre fallu nettoyer ce qui a été brisé par l’érosion du printemps, aménager des sauts parallèles au parcours de 4X et aménager un espace pour les spectateurs. Quant au parcours de cross-country, nous l’avons réduit. Il passera de 6 kilomètres à 4,5/4,8 kilomètres. Cette décision a été prise dans le but d’améliorer le spectacle et d’avoir plus de possibilités de captation visuelle pour la télé. Plus le parcours est long, plus c’est compliqué. Il s’agira de parcours compétitifs, très similaires à ceux du passé.

Les contraintes télévisées ont-elles joué un rôle prépondérant dans la conception de ces nouveaux circuits ?
Quand on veut avoir une bonne captation, il faut faire des efforts pour rendre les parcours plus attrayants. Nous avons donc suggéré des idées. En cross-country, par exemple, c’est très sinueux et pour couvrir tout le circuit il faudrait employer beaucoup de caméras. Alors nous avons adapté notre circuit. Nous avons notamment élagué les arbres pour bien suivre la progression des coureurs dans la forêt. Nous avons également aménagé des corridors pour les spectateurs afin qu’ils ne se retrouvent pas dans le champ de la caméra.

Mont-Sainte-Anne est le seul site au monde à avoir accueilli chaque année un événement international de VTT, Coupe du Monde ou Championnat du Monde, comment expliquez-vous cette constance ?
D’abord par la structure organisationnelle mise en place et par notre intérêt pour le sport. Notre comité d’organisation est dynamique et souhaite maintenir le développement de cet événement. Nous avons aussi eu la chance d’être soutenus par le gouvernement, qui a compris qu’un tel événement était porteur sur les plans touristiques et économiques. Nous possédons de bons supports, comme celui de la fédération, et avons toujours eu de bons rapports et d’importantes discussions avec l’UCI. Dans une série comme la Coupe du Monde, il est nécessaire d’avoir des piliers, c’est la base. Il faut encourager ces événements à perdurer. Et puis les athlètes nous ont également aidés et nous les avons écoutés en mettant toujours en application leurs commentaires.

Que vont représenter ces Championnats du Monde en termes de chiffres ?
En 1998, les Mondiaux de Mont-Sainte-Anne avaient rassemblé 75000 spectateurs. Cette année nous pensons franchir la barre des 100000 spectateurs. 800 bénévoles travailleront sur l’événement. Les retombées économiques se chiffrent à 20 millions de dollars canadiens (environ 15 millions d’euros). La télédiffusion est assurée au Canada en direct, et nous attendons encore la confirmation de diffuseur en Europe. On comptera plus de 100 heures de télédiffusion dans le monde.

Quels changements majeurs retenez-vous entre l’organisation des Championnats du Monde en 1998 et ceux organisés en 2010 ?
Il n’y a pas de différence palpable en matière d’organisation, disons pas autant qu’entre les Mondiaux de 1992 à Bromont et ceux de 1998. En 1992, le VTT n’était pas olympique. Il ne s’agissait que de la 3ème édition des Championnats du Monde de VTT. Entre 1998 et 2010, c’est surtout la télédiffusion, sur le web notamment, les médias, les plateformes de communication, qui ont évolué. Des choses qui n’existaient pas en 1998. L’info se diffuse de manière plus efficace. On a évolué avec des communications différentes. Ensuite, les montagnes restent les mêmes, mais les athlètes et les vélos ayant beaucoup évolué, on se permet des parcours plus ardus. Je crois qu’on a atteint un pic dans le développement du VTT en 1998, à une époque où les salaires étaient au plus haut niveau. Je pense qu’on a aujourd’hui moins de vedettes qu’à l’époque. Médiatiquement, certains pilotes se détachaient mieux il y a douze ans.

Par quoi passeront des Championnats du Monde réussis ?
De bons résultats avec une très bonne télédiffusion. Au-delà d’une cinquantaine de pays, ce serait fantastique. La réussite des Mondiaux passe aussi par une belle participation du public, des nations, de gros partys… et pas de cas de dopage. Mais ça, c’est un aspect qu’on ne contrôle pas.

Des manifestations seront-elles prévues à l’égard des passionnés de VTT ?
Chaque année, nous organisons le Vélirium, et l’événement est maintenu cette année juste avant les Championnats du Monde. Il se déroulera deux semaines avant les Mondiaux, à partir du 14 août. Il s’agit d’une combinaison des événements cyclistes, surtout du VTT, pour tous. Ca va de la course d’endurance à la descente en passant par du freeride, des démonstrations, des événements urbains, des expositions, des marathons, des courses pour les enfants, des soirées thématiques… Il y a beaucoup d’activités.

Passés les Championnats du Monde 2010, quelles seront les nouvelles ambitions de Gestev ?
Nous avons d’ores et déjà déposé notre candidature pour organiser une manche de la Coupe du Monde en 2011. Nous nous attendons à faire partie du calendrier en juillet 2011, d’autant que nous devrions développer une nouvelle épreuve aux Etats-Unis, ce qui assurerait une meilleure participation aux deux événements. C’est important de pouvoir organiser une Coupe du Monde aux Etats-Unis. Deux événements américains, c’est mieux pour les athlètes. Nous avons été élus meilleur événement cross-country en 2009. Je pense que c’est une invitation à revenir !