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Titouan, comment es-tu arrivé à pratiquer le XCE ?
A la base, comme tous les vététistes, j’ai commencé par le Cross Country Olympique (XCO). J’ai eu quelques bons résultats, j’ai été vice-champion de France Juniors derrière un certain Jordan Sarrou. Quand on voit ce qu’il est devenu maintenant c’était quand même une belle performance. J’ai gagné deux Coupes de France en Cadets et Juniors, puis après j’ai eu quelque pépins physiques en passant Espoir. J’ai été blessé, j’ai eu un virus qui m’a affaibli beaucoup en une année donc j’ai un peu ralenti ma progression en XCO. J’ai toujours eu de grosses qualités d’explosivité donc quand le XCE est apparu, je suis allé voir ce que c’était et je me suis rendu compte que j’avais de bonnes capacités là-dedans. Je suis quelqu’un qui aime bien toucher à tout dans le VTT donc je continue à faire beaucoup de cross olympique. Je fais aussi des course en ebike, un peu d’enduro, un peu de cyclo-cross à l’automne. Mais le XCE c’est vraiment la discipline qui correspond à fond à mes qualités innées donc naturellement je me suis dirigé vers ça.

Et le fait de pratiquer d’autres disciplines le reste du temps, c’est quelque chose qui fait partie de ta préparation ou c’est plus du loisir ?
Non cela fait complètement partie de ma préparation. Cela fait aussi partie de mon métier, je suis pilote semi-pro maintenant, et c’est une demande de nos partenaires d’être aussi sur des cross olympiques ou des courses en ebike, par exemple pour faire la promotion du matériel, comme avec Focus. Mais dans notre Team nous sommes des fervents défenseurs de la polyvalence. Je pense que pour un crosseur olympique, aller faire quelques XCE cela va beaucoup lui apporter sur le départ ou sur le finish. C’est aussi très intéressant pour lui d’aller faire des marathons, cela va développer ses capacités d’endurance, d’aller en enduro car les parcours sont de plus en plus techniques, et je pense que c’est important d’avoir une vision large du sport. Et on se rend compte qu’avec des pilotes comme Van der Poel que c’est possible de faire plusieurs choses et que ça apporte beaucoup aussi.

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Comment vas-tu t’entraîner spécifiquement pour préparer des championnats, qu’est-ce qu’une séance spécifique de XCE ?
Pour moi, la préparation ne diffère pas tellement de la préparation d’un cross olympique. Car il faut savoir qu’en XCE, entre le moment où on monte sur le vélo pour s’échauffer avant la qualification et le moment où on descend du vélo après la finale il s’est passé quasiment quatre heures de temps. Et entre les tours, on n’arrête pas de pédaler, on est sur le home-trainer, donc ça fait quasiment une séance de quatre heures, et cela nécessite aussi des qualités d’endurance assez énormes. Je fais très régulièrement des sorties sur la route de quatre ou cinq heures. A l’inverse, les séances d’intensités très spécifiques sont plus ciblées sur le XCE, avec des grosses séances de lactiques en montées très raides, sur trente secondes à une minute, ou alors des séances sur un parcours XCE un peu test où j’enchaîne les runs.

Donc ce n’est pas possible de faire que de l’intensité, sinon le pilote ne tient pas tous les runs…
Voilà c’est ça. En fait le défi c’est de réussir à avoir le moins de dégradation possible entre la qualification et la finale. Car quand on est en demi-finale sur une épreuve mondiale, on va presque aussi vite qu’en finale, donc on finit le run avec de l’acide lactique plein les jambes, on a la tête qui tourne et quand on repart dix ou quinze minutes après pour la finale, on n’a pas du tout récupéré. Donc on est encore bien cramé et il faut réussir à encaisser au maximum l’acide lactique et à se conditionner mentalement pour faire un run à fond. Je pense que la dimension mentale intervient énormément en XCE.

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Et tu as une préparation particulière à ce niveau-là ?
Au niveau du mental non, je n’ai pas de préparation particulière. Je me conditionne moi-même mais il n’y a pas de préparation particulière. En analysant mes temps sur les différents runs, je me suis rendu compte que même avec la dégradation, mon run le plus rapide est souvent celui en finale parce que je pense que j’arrive à faire monter l’adrénaline tellement haut avant le départ que cela me redonne un peu plus de force. Rien qu’avec le mental, j’arrive presque à combler la dégradation physique qu’il y a eu sur les tours d’avant.

Sur les derniers championnats d’Europe, tu remettais ton titre en jeu, comment s’est passé cette épreuve ?
Je n’ai pas très bien commencé. Mon vélo est tombé par terre juste avant la qualification. Je le prends pour aller sur l’estrade de départ, je me faufile entre les spectateurs, puis je monte dessus et là je me rends compte que mon guidon était complètement tordu. Donc pas vraiment le temps de le remettre à trente secondes du départ. Je suis parti avec un guidon de travers, donc j’ai terminé douzième de la qualification. Mais je pense que j’ai suffisamment d’expérience pour savoir que cela ne joue pas forcément sur la suite, et je me suis remis en route pour la phase finale, j’ai passé à peu près tous mes tours correctement. On avait une demi-finale de très haut niveau avec l’Autrichien Federspiel, double champion du monde 2015-2016, Hugo Briatta, qui avait gagné la qualification et qui était en grande forme et c’était un peu la demi de tous les dangers car on savait qu’il y aurait beaucoup plus de niveau que sur la finale. Du coup c’est Hugo qui est sorti, et en finale Federspiel a fait deux faux-départs de suite donc il a été éliminé.

Est-ce un élément perturbant ?
Oui très perturbant. Je savais que Federspiel était le seul à pouvoir vraiment rivaliser avec moi sur une première ligne droite de départ. On a presque le même niveau donc je m’étais conditionné à fond pour faire le départ de ma vie. On est prêt à rugir, donc quand il y en a un qui fait un faux-départ ça met sur les nerfs. Surtout que normalement il aurait dû être éliminé dès le premier faux-départ mais comme c’était un Autrichien en Autriche ils l’ont laissé repartir…

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Parce que normalement dès le premier faux-départ il y a élimination ?
Voilà, donc là ce n’était pas très sport. Et il en refait un deuxième derrière donc là ça a vraiment agacé, surtout qu’il le fait très souvent. Ce n’est pas la première fois qu’il est disqualifié pour faux-départ. Il essaie de gratter un peu et c’est agaçant. Dès qu’il a été disqualifié, je savais que j’étais beaucoup plus fort que Lorenzo (Serres) et Simon (Rogier) au départ et que même physiquement j’étais plus costaud aussi, donc il fallait que je parte bien, que j’assure devant et que je mette les gazes à la fin sur la partie technique.

Donc il y a eu un triplé et même quadruplé tricolore, est-ce habituel que les Français dominent la discipline ?
Oui, nous sommes la nation numéro un au monde. Il n’y a qu’à voir, sur la dernière manche de Coupe du Monde, on est deux français en finale avec Hugo. Sur celle d’avant, Lorenzo gagne, moi 2ème et Hugo 4ème… Donc oui la France domine vraiment les débats en XCE. Si bien qu’il y a beaucoup de pilotes qui viennent nous voir pour nous demander quand est la prochaine Coupe de France pour pouvoir y participer.

Pour toi, quels vont être les objectifs des prochaines semaines et prochains mois ?
C’était déjà un peu de repos cette semaine (la semaine dernière) car ces courses sont vraiment éprouvantes. On a la finale de la Coupe de France du 17 au 19 août, je suis en tête donc j’aimerais bien finir en beauté. Je vais aussi aller faire la Coupe du Monde de La Bresse en XCO le week-end d’après. Je suis originaire de là-bas donc à domicile ce sont des belles courses. Puis on a trois Coupes du Monde de XCE qui s’enchaînent en septembre, mais je suis surtout focalisé sur les Mondiaux du 12 novembre où je défendrai mon maillot. Après il ne faut pas se faire d’illusion, refaire le triplé (France-Europe-Mondiaux) une deuxième année de suite cela me semble compliqué mais on ne sait jamais…

Interview réalisée par Adrien Godard