« Est-ce que tout cela en vaut vraiment la peine ? Telle est la question que je me suis posé en m’inscrivant au Roc. Partant de Dijon, est-ce vraiment raisonnable de faire douze heures de route en un week-end pour passer au final si peu de temps sur le vélo ? 1200 kilomètres de voiture pour 56 kilomètres de VTT, le rapport est bien maigre. Mais ne dit-on pas que le cœur a ses raisons que la raison ne connait point ? Ayant rapidement répondu à ma question, me voilà donc vendredi 11 octobre en voiture avec femme, enfants et vélo direction le sud. Dijon-Fréjus, le GPS indique six heures de route. « Retenez-vous les enfants, je vous préviens, on ne s’arrête pas ! »

Certes, l’événement est très commercial, mais il n’en reste pas moins que c’est la fête du VTT pendant quatre jours et que tout ce qui se fait de mieux en matos est à portée de main. Ce joyeux mélange de pros, amateurs, high-tech, vintage, néophytes, connaisseurs, contribue à créer cette ambiance unique que l’on ne trouve qu’au Roc. Et puis c’est la fin de la saison, Fréjus, le massif des Maures, la mer et le soleil !

Dimanche, arrivée dans le sas de triage à 8h45. Dossards 1 à 800 à gauche, dossards 801 à 1400 à droite. Je suis à gauche, dossard 632 ! Tout autour de moi, des mollets rasés de près, bronzés et huilés au monoï. A vue de nez, les bonhommes affichent au maximum 70 kg sur la bascule, moi je suis tout blanc, poilu avec mes 80 kg hors taxes… Pas complexé, je me concentre sur mon grelotement convulsif. Est-ce la peur ou le froid ? Température : 14°. Pas chaud, mais un SMS me dit qu’il fait 2° à Dijon. D’un coup je me sens mieux : c’était donc le froid.

9h15, top départ ! Les 100 premiers sont les cadors UCI. Après vient la meute qui pédale derrière eux. C’est vrai que ça ne dure pas longtemps, je dirais même que c’est assez fugace, mais bon j’étais dans le même sas que Martinez, Sauser, Milatz, Kulhavy… Comme à l’accoutumée, départ à bloc. Dilemme : je pars à fond et je grille quelques précieuses cartouches ou je pars tranquille pour justement garder les cartouches en question ? Pas le temps de réfléchir, je me fais entraîner par le flot, ce sera « à donf » ! Vent de face sur les grands terrains plats de la base nature, je prends une roue.

Vient alors le premier ravito : je m’arrête 30 secondes, histoire de faire honneur à nos hôtes. Pas un coureur ne s’arrête, je suis le seul. Je suis donc bien dans un groupe de costauds qui ne prend pas le temps de s’arrêter, de peur de perdre 30 précieuses secondes. Je repars mollo, mais je me fais doubler par tout le monde. Il faut débrancher le mode rando et se remettre en mode course. C’est reparti. Longue montée mais pas trop raide : mes talents de rouleurs parlent, puis montée très raide et je suis scotché. Gros coup de moins bien. Je n’avance plus, pourquoi suis-je venu ? Ma femme m’avait prévenu : je suis trop gros, j’ai chaud et je suis poilu !

Après 25 kilomètres, le premier concurrent de la deuxième vague, partie une demi-heure après, me double. Deuxième effet sur le moral. Je profite d’une magnifique descente technique dans laquelle je fume un paquet de coureurs pour me refaire un semblant de moral. J’ai beau me dire que ce n’est pas en descente qu’une course se gagne, c’est plus fort que moi. Je me fais moins doubler sur les sentiers plus roulants. Au troisième ravito, je prends trois minutes de pause salvatrice. J’y reprends mes esprits et c’est reparti mon kiki. Quelle marrade : marches, racines, dévers, ravines. Je me laisse aller à quelques sauts, mais un atterrissage un peu précaire me rappelle à l’ordre. Grosse montée d’adrénaline et retour au calme. Ce n’est pas passé loin.

Ouille, voilà la montée du col du Bougnon et un monde de dingue pour m’encourager ! Au sommet, la vue sur la baie de Saint-Raphaël est toujours aussi magnifique. Je me force à lever la tête du guidon pour profiter du paysage. Descentes rapides, montées trop raides : pied à terre. Puis la dernière descente sur Saint-Aygulf, ultra exigeante, où il faut toujours en remettre sous peine de sentir le souffle chaud du gars derrière soi.

Arrivée sur la plage : toujours aussi dur de pédaler dans le sable. Les spectateurs venus en masse me donnent un coup de fouet. Bien que technique, le chemin des douaniers est un vrai moment de bonheur ! A gauche le mur, à droite les rochers. Au mieux, d’un côté c’est la rappe à fromage, au pire de l’autre c’est la grosse boîte ! Il faut rester lucide. Puis c’est une grande ligne droite avec le vent de face et l’arrivée sur la base nature. Je prends les choses en main : un groupe de sept coureurs me suce la roue sur la piste cyclable, abordée à 30 km/h. J’ai encore du jus. J’emmène tout ce petit monde jusqu’au bout. Très fairplay, ils ne feront pas le sprint et me laisseront franchir la ligne d’arrivée en tête.

Le tableau d’affichage indique 4h02’03 ». Je termine 1291ème sur 5200. Je suis content de finir dans cet état : pas de crampes, pas trop défait. Mais pas entièrement satisfait. Je n’ai sûrement pas été au bout de moi-même par souci d’économie durant la course. J’ai peut-être un peu trop géré en me disant qu’il fallait en garder un peu sous la pédale pour finir. L’équilibre est difficile à trouver. Quoi qu’il en soit, c’est sûr, je reviendrai l’année prochaine. Avec des kilos en moins et des potes en plus ! » – Stéphane Miston