Cyril, comment définirais-tu l’intersaison de Lapierre ?
Elle a été studieuse entre le développement du 29 pouces, le travail sur les roues carbone avec Easton, le châssis… Nous avons essayé de regrouper les idées de chacun, ce projet ayant commencé relativement tôt. Les premiers prototypes ont été testés au Roc d’Azur en octobre dernier. Ca a demandé beaucoup de travail, il ne fallait pas se planter, mais ça a été intéressant.

Voilà une grosse nouveauté technique qui débarque sur le cross-country, ce doit être excitant ?
C’est super excitant ! Ca a été très plaisant pour moi. Je bosse en outre avec Nicolas Vouilloz. Deux descendeurs qui bossent dans le cross, c’est plutôt original. Mais ça nous a beaucoup aidés de venir de la descente pour développer ce vélo-là, malgré que ce soit un semi-rigide. Ca a été un autre challenge.

Le team a été marqué par une refonte de l’effectif, était-ce une évolution naturelle ?
Nous avions l’année dernière une très belle équipe avec Cécile et Cédric Ravanel, des noms du VTT. Nous ne sommes malheureusement pas arrivés à cohabiter, n’ayant pas les mêmes façons de penser. Nous n’avions plus les mêmes objectifs, et cela a engendré de la pression. Des pilotes d’expérience ont d’énormes attentes, ce qui est tout à fait logique, mais à un moment donné il a fallu faire des concessions et ça ne le faisait plus. Pour ces raisons, nous avons décidé de ne pas renouveler le contrat des Ravanel.

Et vous vous êtes tournés vers un groupe plus jeune…
Avec Pure Agency, nous sommes dans un milieu assez jeune, dès lors je voulais recréer une ambiance jeune et saine pour repartir sur de bonnes bases. C’est pourquoi nous avons misé sur les jeunes pour recréer une cohésion de groupe.

Et Alexis Vuillermoz n’a pas tardé à marquer les esprits puisqu’il a gagné à Cassis, le sens-tu se maintenir parmi les meilleurs toute l’année ?
Ce qu’a fait Alexis à Cassis, on ne peut pas lui enlever, c’est super. Il a fait la différence à la pédale sans connaître le moindre pépin. Maintenant on va rester réalistes. A Cassis Julien Absalon était en pleine préparation mais je pense qu’il sera encore très fort cette année, un an avant les Jeux. C’est un mec d’expérience. Aujourd’hui, notre objectif c’est déjà d’être derrière Julien Absalon, mais vraiment juste derrière lui.

Quels seront les objectifs majeurs d’Alexis Vuillermoz ?
Ses objectifs sont clairs : ce seront les Coupes du Monde et les Championnats de France. Aujourd’hui, tout tourne autour de ces axes-là. Les Coupes de France, les Coupes de Suisse ou autres courses sur route sont secondaires et ne servent que de courses de préparation. L’envie de bien faire est là malgré tout sur ces épreuves mais ce n’est pas l’objectif.

De son côté, Pauline Ferrand-Prévot fait ses débuts chez les Espoirs avec Lapierre, l’ambition est de l’emmener aux Jeux Olympiques à la fois sur route et VTT ?
Pour ma part, le cas de Pauline est similaire à celui d’Alexis : je ne m’emporte pas. Son entourage et ses entraîneurs visent cette double participation aux Jeux Olympiques, moi je reste les pieds sur terre. C’est un challenge qui va être très compliqué, elle est très jeune, il y a de la concurrence chez les Espoirs, donc on va y aller tranquille pour voir ce qu’elle vaut vraiment à ce niveau. Quoi qu’il en soit, elle a les qualités pour réussir. Maintenant, courir deux lièvres à la fois, je ne sais pas. Si elle le réalise, ce sera fantastique.

A quinze mois des JO, quel serait aujourd’hui ton pronostic sur ses chances d’y parvenir : la verrais-tu plus sur la route ou sur le VTT ?
C’est une question piège ! Je souhaiterais qu’elle soit aux Jeux en VTT car je trouve que c’est là qu’elle s’épanouit le plus. Je ne la suis pas sur la route mais je vais m’y intéresser un peu cette année. Pour l’heure il faut marquer des points donc marcher partout, d’abord pour avoir deux représentantes françaises aux Jeux Olympiques, ensuite pour essayer qu’elle en fasse partie.

On découvre progressivement le parcours des Jeux Olympiques de Londres, que l’on définirait comme un boulevard pour les cyclo-crossmen, quel est ton sentiment ?
En voyant cela, je suis un petit peu déçu. Pour moi, le VTT ce n’est pas ça. Je comprends la nécessité de faire quelque chose de visuel pour la télé, car ce sont les JO, mais les pseudos zones techniques créées sont absurdes. Même un enfant de 4 ans passerait. J’espère qu’ils vont pouvoir modifier cela pour rendre ce parcours plus technique. Maintenant, nous verrons mieux au moment des reconnaissances organisées après la manche de Coupe du Monde de Dalby Forest. Nous nous déplacerons tous pour voir ce qu’il en est. Si c’est catastrophique à ce point, on essaiera de faire bloc avec les autres fédérations, teams et marques pour changer cela.

Des réunions sont-elles prévues entre managers et fédérations ?
Oui. Nous avons déjà fait une réunion avec Yvon Vauchez, les teams de marque, les entraîneurs. On nous a exposé le problème, on a vu plein de choses. Nous ne sommes pas contents donc on va essayer de faire bouger les choses. Mais dans le même temps il nous faut nous préparer techniquement, chez Lapierre, afin de réaliser un matériel qui se rapproche du cyclo-cross, malheureusement, si ça venait à ne pas changer. C’est encore un peu tôt mais ça pose problème.

Ce parcours semble taillé pour un 29 pouces ?
Oui, c’est indéniable. Ce sera un 29 pouces poussé vers le cyclo-cross. C’est ce qui me fait vraiment très peur. Si on arrive à cela, je ne comprends plus.

Propos recueillis à Saint-Raphaël le 2 avril 2011.