Yvon, quelle est votre première réaction, à chaud ?
C’est une grosse déception. Cela a été vite plié pour la course à la médaille avec une crevaison, suivie d’une autre crevaison. Deux fois à la roue arrière et lors du 1er tour. L’écart est monté très vite au-dessus de la minute, puis 1’30 », puis 1’45 » avec la 2ème crevaison. Du coup c’était une autre course. Ce n’était plus du tout pareil pour Julien qui courrait pour le titre ou pour une médaille. D’autant plus que l’on a  vu que c’était une course qui allait être très serrée. Pour la petite histoire, c’est la plus belle course à suspens que l’on ait vu, et ça fera du bien pour l’avenir du VTT. Donc voilà, c’est une très grosse déception. Après il y a eu Stéphane Tempier qui a fait de très bonnes choses aujourd’hui. Il a fait pratiquement la moitié de la course à courir seul derrière le top 5, les 5 grands favoris. Il est resté longtemps à 18, 20 secondes de la tête de la course. Bon, il l’a payé en fin de course, il s’est remobilisé pour finir 11ème. Franchement c’est bien pour une première olympiade. Il a appris pour l’avenir en plus.

En ce qui concerne Jean-Christophe Péraud, c’était une journée plus difficile pour lui visiblement…
Oui il n’était pas dans un grand jour, pas dans l’allure. Le mois de juillet et le Tour de France n’a pas été à la hauteur de ses espérances. Ensuite, il lui fallait la nécessité de se remobiliser et de se ré-accaparer l’effort VTT, les accélérations et les intermittences. Mais il y avait la fatigue du Tour de France, donc ce n’était pas évident, le contexte n’était pas favorable du tout.

D’autant plus que le parcours très technique du jour ne lui convenait pas tellement non ?
Oui voilà, cela fait depuis le mois de mai qu’il ne fait plus de VTT pour se concentrer sur la route. Ici c’est un parcours qu’il faut maîtriser, on y est venu plusieurs fois, mais l’an passé par exemple, lors du Test Event, c’était impossible pour lui de venir car c’était durant son été sur route. Il n’y a pas de miracle, et finalement tout se justifie. C’est un parcours qu’il fallait avoirs appris par cœur. Julien et Stéphane le connaissaient, Jean-Christophe avait un petit handicap à ce niveau là. Il ne faut pas rêver.

D’ailleurs, pensez-vous que les performances de Jean-Christophe Péraud et Pauline Ferrand-Prevot prouvent que la spécialisation est de plus importante ? Il devient difficile de cumuler route et vtt…
Tout à fait. Et c’est bon signe. Ce n’est pas parce que l’on est un top routier que l’on peut transposer ses performances en VTT et encore moins sur le VTT actuel avec ces nouveaux parcours. C’est un sport de haut-niveau qui exige de la spécialisation. Et c’est clair que ces enseignements là vont se poser. Pour Pauline, il y avait quand même un autre contexte. A 20 ans, elle devait quand même gérer 2 sélections à 15 jours d’intervalle avec la course route et le VTT. En plus il y a eu sa blessure lors de la reconnaissance VTT. Mais c’est clair que la spécialisation est primordiale. Avoir un focus sur la préparation VTT est important.

Quels vont être les premiers mots que vous tiendrez à Julien Absalon, Stéphane Tempier et Jean-Christophe Péraud ?
Ils seront contrastés, forcément, mais déjà leur dire qu’ils ont essayé, qu’ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes. Je dirai que je comprends ce qui s’est passé. C’était probablement la dernière olympiade pour Julien, mais Stéphane peut devenir l’homme du passage de témoin, du moins olympique. Jean-Christophe a peut être dit au-revoir au VTT pour effectivement terminer sa carrière sur route. On va retrouver Julien pour encore quelques années en cross-country, ce sera une vraie ressource, qui pourra apporter énormément et aider cette jeune génération. C’est le meilleur vététiste de tous les temps.

Ne pensez-vous pas qu’il puisse réaliser une « Tony Estanguet », c’est-à-dire gagner 3 titres olympiques en 4 Jeux différents ?
Une « Tony Estanguet » à 36 ans, il ne faut jamais dire jamais. On voit aujourd’hui que José Antonio Hermida (Espagne) termine 4ème et court dans ces âges là.  Après je me fie simplement à ce que Julien a dit, lorsqu’il a évoqué son projet de carrière. Mais ça reste un projet et on peut le modifier.

Propos recueillis à Londres le 12 août.