Vincent, tu es le rédacteur en chef de VTT Mag. Comment est-il né en 1987 ?
C’est l’évolution logique de tout sport qui arrive dans un pays comme la France et qui explose. En 1984, il n’y avait que sept personnes au départ du premier Roc d’Azur, et en 1987, les constructeurs avaient compris que c’était un marché porteur. Il y avait une grosse présence de ces constructeurs qui sortaient du BMX et qui trouvaient une bouffée d’oxygène avec le VTT. C’est tout à fait logique que derrière, un magazine se crée. À l’époque, c’était un petit magazine bimestriel créé par une petite maison d’édition.

Pourquoi un bimestriel ?
C’est toujours en adéquation avec le marché. La pratique débutait et ce n’était pas forcément porteur. Le temps que le marché s’installe et que le business se fasse, c’était une nécessité.

Comment le magazine est-il devenu partenaire du Roc d’Azur ?
C’est assez simple puisque, à l’époque, MBK et VTT Mag étaient les partenaires de l’épreuve. C’était à la hauteur de ce que représentait le VTT à l’époque : c’est à dire pas grand-chose même si un petit monde était en train de se construire. On était présents, on proposait le logo. Ce sont des choses qui peuvent paraître idiotes, mais quand une discipline se développe, avoir un logo et un magazine officiel est très important. En fait, le magazine a vraiment évolué avec le marché, donc également en parallèle du Roc d’Azur.

Tu es arrivé à la rédaction en 1991. Comment le trouvais-tu à l’époque ?
C’était un vrai magazine. C’était devenu un mensuel structuré. Les rubriques commençaient à se mettre en place parce que le VTT se mettait en place. Quand je suis arrivé en 1991, c’était le début de l’explosion de la compétition. On était encore sur des formats de 80 kilomètres en boucle. On peut encore parler d’une époque de pionniers en France. Mon rôle à l’époque a été d’installer et de pérenniser la compétition dans VTT Mag, puisque je venais du BMX. Ça a été le début de la Coupe du Monde, la mise en place de la Coupe de France avec les tracés en trèfle, la position du XC et de la DH avec deux championnats séparés, etc.

Toujours à l’époque, pratiquais-tu encore le BMX ?
Le BMX est un sport magnifique, mais où on casse beaucoup. J’ai eu quelques problèmes physiques qui ont fait que ça devenait compliqué de rouler en compétition. Surtout au niveau auquel je roulais. C’était un sport hyper exigeant. Je me suis simplement découvert une passion pour le VTT. Les gens comme Christian Taillefer, comme Franck Roman qui à l’époque étaient des stars et qui venaient comme moi du BMX, avaient un acquis technique que les gens du VTT pur n’avaient pas. Ça nous permettait de combler le manque de fond que l’on pouvait avoir. On a vite retrouvé des sensations super agréables et le besoin de rouler. En plus, aller rouler dans les chemins dans la nature plutôt que toujours sur la même piste, c’était complètement différent. On sortait d’une période d’une dizaine d’années de bicross qui nous donnait un avantage technique, comme on a pu retrouver chez les Américains avec John Tomac, Eddy ou Mike King, tous d’anciens bicrosseurs.

As-tu en mémoire un événement particulier lors de ces premières années ?
J’ai deux événements qui ont été fabuleux à vivre. La Coupe du Monde au Cap d’Ail parce que c’était complètement improbable comme épreuve ! C’était hallucinant de voir les gars foncer sur des chemins qui étaient défoncés. Et puis surtout, les Championnats du Monde à Métabief en 1993. Ça a été l’événement déclencheur. Nous n’avions jamais connu ça, alors que cela faisait quelques années que nous étions sur le circuit. On n’aurait jamais imaginé qu’il y aurait autant de monde et un tel élan positif pour ce sport. C’est ce qui a pu arriver de mieux au VTT.

On entend souvent dire que le VTT n’est pas assez médiatisé. Dans ce contexte, quel peut être le rôle de VTT Mag ?
La presse spécialisée papier étant par définition spécialisée, on suit le sport, on communique. La presse généraliste, qu’elle soit télévisuelle ou papier, a d’autres objectifs. Ils ont un rôle informatif et de découverte du sport par rapport au grand public. Le rôle de VTT Mag est d’élargir, et d’aider la presse généraliste qui n’a pas notre connaissance, pour que l’on puisse partager et faire découvrir ce sport au grand public. Celui-ci ne viendra pas forcément acheter de la presse spécialisée. Par contre, sur la dernière édition du Roc d’Azur, avec ASO, j’ai pu faire Le Monde, Le Figaro, l’Équipe Magazine, Ouest-France, etc. Nous avons en tant que spécialistes une connaissance très pointue de ce sport. À nous, et au monde du VTT de nous ouvrir en travaillant avec la presse généraliste. Dans ce contexte, quelqu’un comme Fabien Barel est très important. Si la télé est dans le coup, avec sa gouaille, avec son parler, il va donner aux gens l’envie de faire du VTT. C’est aussi notre rôle. Ce n’est pas que nous recentrer sur les spécialistes. Il nous faut travailler avec les généralistes pour faire découvrir ce sport. Cela fait partie de notre mission.

En tant que rédacteur en chef, as-tu vécu l’évolution du VTT et notamment de la DH ?
Il suffit juste d’être conscient, observateur, d’avoir une certaine réflexion et de sentir les tendances. Au départ, nous étions très cross-country, car il n’y avait que cela. Quand la descente a commencé à arriver, nous avons suivi le mouvement. Je suis très impliqué sur la mise en avant des sports puisque j’ai été le premier journaliste au monde à suivre une compétition de trial ! La discipline s’est développée et a « été portée » par VTT Mag. J’ai senti qu’il y avait quelque chose de très intéressant dans ce sport-là. Bruno Fernandez, qui s’occupait du trial à l’époque, était tout seul. C’est un sport magnifique qui fait partie du VTT. En tant que « généraliste-spécialisé », on se devait d’aider cette discipline et de la faire découvrir. C’est en fonction des évolutions du marché que l’on se positionne et que l’on fait avancer les choses.

On a la sensation que le trial se cherche encore…
Le problème qui se pose est relativement simple. On arrive à la limite du système. La base du sport est le vélo. Ce qui est compliqué, c’est qu’on bascule très rapidement sur le côté sport mécanique. Pour une partie des pratiquants, cela ne pose pas de problème. Mais le grand public et la majeure partie des pratiquants sont des gens qui veulent simplement aller faire du vélo dans la nature. Quand on commence à proposer des mobylettes, les gens ne se reconnaissent pas là-dedans. C’est pour cette raison que cette mouvance du VTT qui existe et qui est justifiable aura de toute façon toujours des difficultés et ne se trouvera jamais vraiment, car c’est trop élitiste et trop compliqué. Ce que je dis n’est pas péjoratif, car je considère que cette branche est importante. Mais on se rapproche du côté mécanique de ce sport-là, et on arrive donc à des limites. Ils ont du mal à trouver leur format, car d’eux-mêmes ils se mettent en marge. C’est ce qui est compliqué à gérer.

Quels sont les personnages qui t’ont marqué ?
Nous étions un si petit monde au départ qui essayait de faire son trou dans le grand monde du cyclisme !  Tous les grands noms des débuts comme les Hosotte, les Eglin, les Taillefer, les Roman, les Commençal, sont tous des gens qui ont commencé avec passion, avec leur cœur et avec leurs tripes. Ce sont des gens qu’on ne peut pas oublier. Il y a peut-être des gens qui ont plus marqué que d’autres car ils étaient plus mis en avant, mais tout le monde a compté ! Tous ces gens-là y ont cru et ont permis de faire de grandes choses. C’est un univers très jeune. Nous sommes des quadras et pourtant nous sommes à l’origine du truc. Il y a un tel gap entre aujourd’hui et il y a 30 ans ! C’est pour cette raison que je ne veux mettre personne en avant. Certains l’ont été sportivement parlant. Je vais parler de Max Commençal qui est un incontournable du début, mais tout le monde a travaillé. Certains ont fait des efforts colossaux. Certains ont même perdu de l’argent. J’insiste, tous les gens du début du VTT ont apporté leur pierre à l’édifice. Tout le monde était là dans le même but : construire l’univers du VTT. Si on est aujourd’hui l’une des nations leaders du VTT, ce n’est pas pour rien. C’est parce que tous ces gens ont posé des bases saines sur un marché qui était excessivement difficile, vu l’omniprésence du vélo de route.