Tout a commencé il y a six mois, à la mi-novembre. Il fallait déjà faire vite, pour espérer avoir un dossard sur le Raid VTT Les Chemins du Soleil, organisé du 25 au 28 mai. Car cette épreuve exceptionnelle est victime de son succès, et les places partent très vite lorsque les inscriptions ouvrent. Après quelques jours d’attente, notre inscription est validée pour participer à la version Elite du Raid. Nous, c’est Paul et Stéphane, et nous faisons équipe sur cette épreuve qui se court en binôme sur 4 étapes, pour 244 km et 8800 m de dénivelé, entre Taulignan et Gap. Pour Paul, 21 ans, c’est une grande première. Habitué aux efforts courts et intenses du VTT cross-country, dans les 30 premiers de la Coupe de France Open, il ne connait pas l’exigence des longues distances. Pour Stéphane, 34 ans, c’est une épreuve de plus à mettre à son actif.

Quelques jours avant le départ, nos deux compères ont du jouer avec leur planning, comme tout sportif amateur, pour finaliser leur préparation tout en bouclant leurs études – un mémoire de STAPS pour l’un, une thèse de Médecine pour l’autre. Pas idéal d’enchainer les nuits blanches avant un raid d’une telle ampleur, mais il a fallu faire avec ! Notre entraînement de base n’a pas été axé sur ce raid, mais plutôt sur des courses de cross country olympiques, et donc des répétitions d’efforts intenses de 1 à 4 minutes. Après la 3ème manche de la Coupe de France de XCO début mai, nous avons réalisé quelques sorties longues en vue du raid. L’itinéraire du raid emprunte des sentiers difficiles d’accès, et par mesure de sécurité, il est obligatoire d’avoir un kit de premiers secours avec soi durant toute l’épreuve. Avec seulement deux à trois ravitaillements par étape, et sans assistance, nous avons fait le choix d’avoir un sac à dos chacun, pour une meilleure autonomie, malgré le surpoids engendré. Nos deux VTT sont des tout-suspendus 29 pouces de 100 mm de débattement, équipés de pneus renforcés, en section 2.2, avec liquide anti-crevaison. Ce genre de vélo est la norme sur le raid. Paul roule sur un Orbea Oiz, et Stéphane sur un Specialized Epic.

Jeudi 25 mai – Taulignan : Après une journée interminable, consacrée au transfert entre l’arrivée et le départ, au montage de tente, et au briefing, le départ de la première étape est donné en soirée, à 21h30, pour près de 30 km en nocturne autour de Taulignan. Nos premiers coups de pédales sont libérateurs : enfin nous sommes partis ! Mais la joie s’interrompt lorsque Paul glisse en essayant d’éviter un concurrent déjà par terre. Pas de bobo mais un coup de stress qui va se payer cash. De longues montées tracées dans la caillasse percutante de la Drôme Provençale nous font rétrograder au classement. Et les quelques moments de répits sont trop courts pour que Paul trouve son second souffle. Après plus d’une heure de lutte dans la nuit, il est temps de basculer et de se jeter dans la descente vers l’arrivée. Mais le sort en veut autrement : psssscccchhhhtttt ! Première et dernière crevaison du raid. Les flancs du Continental Race King Protection de la roue arrière de Stéphane montre déjà ses limites. Encore quelques places de perdues, le temps de réparer, puis nous franchissons la ligne à la 23ème position, sur 85 équipes engagées. Courir de nuit est une super expérience. La qualité de l’éclairage est primordiale. Un faisceau large et puissant est un avantage sur terrain technique pour anticiper les difficultés. Une fois la ligne franchie, direction la douche puis la tente pour une nuit très courte, puisque nous nous réveillons à 5 h le lendemain !

En tête de course, l’étape nocturne, courte ne permet pas de constituer de gros écarts dans le trio de tête, mais le sort écarte déjà certains prétendants à la victoire finale sur ennui mécanique. L’équipe d’Arnaud Rapillard, vainqueur en 2016, s’adjuge l’étape.

1. Turcat / Rapillard (Team Mountain Tschopp 1) en 1h22’32 »
2. Delaet / Pelé (Vojomag.com) à 0’37″
3. Delolme / Chavas (Team CVAC 2) à 0’46″

Vendredi 26 mai – Taulignan/Die : Le réveil a été difficile et stressant. Chaque matin, les coureurs se livrent à un petit rituel : aller au petit-déjeuner dès le réveil vers 5h, pour avoir ensuite le temps de digérer. Récupérer son vélo, que l’on a pris soin de réviser la veille. Enfiler sa tenue, remplir son camel-bak. Plier sa tente. Fermer son sac. Et porter le tout au camion qui se charge d’amener les affaires à l’arrivée. Cela use et on est toujours content d’être enfin sur le vélo après cette petite logistique matinale. À 7 heures, nous nous élançons timidement pour l’étape reine du raid, la plus longue, avec 91 km et 3300 m de D+. Le temps est au beau fixe, et il va falloir bien s’hydrater pour éviter la surchauffe. Notre seule stratégie est de partir doucement et d’espérer que la fatigue nous grignote progressivement mais pas complètement d’ici l’arrivée.

La première heure de course nous permet de gagner 600 m de D+ et d’évoluer ensuite sur une belle crête. On sait pourquoi nous sommes là : en prendre plein les yeux et profiter de la qualité du parcours proposé sur ce raid. A ce stade là, le chrono importe peu et le plaisir d’évoluer sur des sentiers techniques et joueurs est total ! Au 30ème km, le gros morceau de la journée se présente : une ascension de plus de 1000 m de D+. Le sommet de Couspeau se mérite en 1h20 d’efforts ininterrompus. Les derniers hectomètres se font à pied. Il est temps de basculer dans la descente, car les crampes se font de plus en plus présentes pour nous deux. La vue magnifique sur les alentours récompense nos efforts ! Le ravitaillement suivant la belle descente sera l’occasion d’une longue pause, 8 minutes exactement. Bien nécessaires pour regonfler nos batteries avant de repartir pour les derniers kilomètres, dont une dernière ascension sur route de 10 km et 800 D+.

Nous nous trainons lamentablement, le cardio bloqué à 130 bpm, incapables d’accélérer. On se rassure en voyant que les équipes autour de nous ne font pas mieux. Après 7h04 d’effort, nous franchissons la ligne en 25ème position à Die. Et quelques secondes après nous, Julie Bresset, championne olympique à Londres, passe la ligne en compagnie de son coéquipier. Son apparence de fraicheur nous met un p’tit coup au moral… ! Allez, place à la récupération !

A l’avant de la course, le Team Mountain Tschopp 1 prend nettement le leadership, en reléguant les seconds à près de 10 minutes. La lutte pour la troisième place aura lieu sur les prochaines étapes car derrière les allemands du team World of MTB klaxonnent !

1. Turcat / Rapillard (Team Mountain Tschopp 1) en 5h20’34 »
2. Delaet / Pelé (Vojomag.com) à 9’31 »
3. Gadomski / Barben (Team Moutain Tschopp 2) à 17’15 »

Samedi 27 mai – Die/Veynes : 81 km et 2900 m de D+ nous attendent. En lisant rapidement le profil, les 3 grosses difficultés sont toutes dans la première moitié de l’étape. Après un rapide bouchon, nous nous engageons sur un sentier montant typique des Chemins du Soleil, un peu casse pattes mais magnifique, en pleine forêt et technique à souhait avec une belle succession d’épingles, à négocier tantôt à vélo tantôt à pied. Nous faisons le début d’étape avec l’équipe suisse CCL – Scott / Bergamont, leader du classement mixte. Difficile de compter ses coups de pédales pour gérer l’étape sur un tel terrain de jeu. Pourtant il le faut car ensuite deux ascensions de 700 m de D+ s’enchainent sur 25 km, avec peu de récupération entre elles.

En début d’étape, Paul est un peu sur la réserve, et la balance va s’inverser au fil des heures entre les deux équipiers puisque c’est Stéphane qui coince sur la fin. Une fin d’étape marquée par 4 difficultés de 200 m de D+, relativement courtes, mais usantes à la longue sous une chaleur grandissante. Nous terminons à la 21ème place en 5h52. Après la course, on cherche vainement à se restaurer pour le repas du midi, mais peu de solution copieuse sur place. Il est trop tard pour être servi dans le seul restaurant proche de l’arrivée, et il faudra attendre 19 h pour le diner servi par l’organisation. Prévoir un réchaud et de quoi cuire des pates pour le repas du midi est un bon conseil pour tout ceux qui prévoient de participer au raid l’an prochain ! C’est d’ailleurs ce que font les meilleures équipes, mieux organisées que nous.

L’équipe du sympathique Vincent Arnaud, double vainqueur de la MB Race, gagne l’étape. Enfin débarrassés du chat noir qui leur a pourri le début du raid, ils ont pu mener la course en tête, sous le contrôle des solides leaders Mountain Tschopp1. Derrière, les Allemands de World of MTB prennent l’ascendant sur Mountain Tschopp 2 pour la troisième place du général.

1. Arnaud / Saussac (Cycletyres.com) en 4h50’13 »
2. Turcat / Rapillard (Team Mountain Tschopp 1) à 1 sec.
3. Delaet / Pelé (Vojomag.com) à 1’34 »

Dimanche 28 mai – Veynes/Gap : La dernière étape ! Le départ est décalé d’une petite demi-heure, ce qui nous permet enfin de ne pas arriver au dernier moment sur la grille et d’être mieux placé. Tellement bien placés qu’on se retrouve dans un excellent groupe de coureurs, aux alentours de la 10ème place, pour négocier la première difficulté du jour : le col de Tourette de 6 km, sur route. On se prend au jeu d’accrocher les roues qui nous précèdent, sans trop se soucier du cardio sur cette étape qui est plus courte que les précédentes – 53 km pour 1900 m de D+. L’ascension se conclut par un portage, qui aura pour effet de transformer nos mollets en pierre. Aïe ! On a mal, mais on se dit qu’avec un tel départ, nous avons de bonnes chances de combler les 5 minutes qui nous manquent pour accrocher le top 20 au classement général. Dès le début de la deuxième côte, Stéphane baisse de rythme, sans pour autant craquer, et nous perdons quelques places.

Notre arrêt au ravitaillement est le plus bref possible, contrairement aux autres étapes où nous avions un peu tendance à trainer et à savourer le saucisson ! La portion suivant le col de Matacharre est splendide, avec un sentier en balcon spécialement remis en état pour le raid. Quelque peu vertigineux, il vaut mieux avoir l’esprit clair pour le négocier en toute sécurité ! Au km 36, nous entamons la dernière longue descente du raid, rapide, qui met à mal nos freins à disques. Par manque de lucidité, par deux fois, nous chutons l’un sur l’autre. Clairement, nous avons fait cette étape à fond ! Surtout Stéphane qui a du suivre le rythme endiablé d’un Paul transcendé par le top 20 ! Une dernière côte de quelques minutes, puis l’étape se termine enfin après d’ultimes kilomètres très rapides qui nous mènent à l’entrée de Gap. Le chrono s’arrête après 3h39 et nous sommes 16èmes de l’étape.

Nouvelle victoire d’étape pour les Mountain Tschopp 1, malgré une casse de cintre qui aurait pu couter chère dans la dernière descente. Comme quoi, tout peut arriver tant que la ligne n’est pas franchie. Le duo Wegner-Kleber confirme leur bon état de forme avec leur deuxième place, tandis que Tschopp 2 laisse clairement s’échapper le podium. L’équipe de Vojomag.com finit une nouvelle fois sur la boîte grâce à sa belle régularité.

1. Turcat / Rapillard (Team Mountain Tschopp 1) en 3h11’43 »
2. Wegner / Kleber (World of MTB) à 6’18 »
3. Delaet / Pelé (Vojomag.com) à 7’42 »

Au général, nous finissons 20ème, en 18h11. Nous venons de passer en trois jours autant de temps sur le vélo qu’habituellement en 2 ou 3 semaines. Clairement, il s’agit d’une épreuve d’exception. L’organisation est sans faille, à part peut-être le repas d’après course qui manque pour les équipes les plus rapides. A chacun d’anticiper et de prévoir. Le sort nous a bien épargné, à un pneu près. Pas de bobos, pas de grosses défaillances, et seulement 2-3 erreurs d’orientation sans trop de gravité au classement. Les bivouacs étaient l’occasion d’échanger avec des coureurs venus de toute la France, mais aussi des Belges, des Suisses, des Espagnols, des Luxembourgeois et des Allemands. Fort de son succès acquis dès les premières éditions, depuis 2003, le Raid VTT des Chemins du Soleil dépasse les frontières et séduit les spécialistes à la recherche d’un parcours mêlant avec brio endurance, dépassement de soi, mais aussi de remarquables paysages et une quantité énorme de sentiers monotraces très plaisant à rider. Tout cela dans un budget serré pour ce type d’épreuve – puisqu’il faut débourser 180 euros par équipier. Surveillez leur page Facebook pour ne pas louper l’inscription, et laissez vous tenter par cette magnifique épreuve !

Plus d’infos sur http://www.raid-vtt.fr/

Classement général final :

1. Turcat / Rapillard (Team Mountain Tschopp 1) en 14h45’05 »
2. Delaet / Pelé (Vojomag.com) en 15h04’29 »
3. Wegner / Kleber (World of MTB) en 15h17’24 »
4. Gadomski / Barben (Team Moutain Tschopp 2) en 15h29’28 »
5. Arnaud / Saussac (Cycletyres.com) en 15h46’32 »
6. Delolme / Chavas (Team CVAC 2) en 16h00’46 »
7. Flück / Grand (GS Sportswear Dupasquier) en 16h10’17 »
8. Bourdon / Revaux (Team Annecy CC) en 16h18’12 »
9. Loubet / Roux (Hope Technology) en 16h53’23 »
10. Bossler / Isachard (Velochannel.com) en 17h13’35 »