Partout, quelle que soit la Haute Route retenue pour défier les cimes, les cyclos auront dû s’employer pour venir à bout des éditions les plus sélectives jamais organisées. Tant sur la route que dans le ciel. Il aura fallu qu’un brouillard glacial enveloppe la beauté sauvage du Tourmalet sur la Haute Route Pyrénées, que la pluie s’abatte en ouverture de la Haute Route Alpes contrainte de modifier son parcours après le glissement de terrain de la falaise de la Berche. Et que le froid, la pluie et même la neige se conjuguent au moment d’affronter les plus hauts et plus impressionnants cols d’Europe dans la Haute Route Dolomites & Alpes Suisses.

Lancée l’an passé sur les modèles alpestres et pyrénéens, l’épreuve helvético-italienne proposait pour sa seconde édition un tracé renouvelé à plus de 50 % comprenant douze nouvelles ascensions et un dénivelé positif cumulé jamais atteint auparavant : 23500 mètres en sept jours et 900 kilomètres de Genève à Venise. Chacun aura à nouveau pu bénéficier des services et d’une organisation comparables à ceux offerts habituellement aux cyclistes professionnels. L’événement avait choisi de renouveler sa confiance aux villes-étapes de la première édition (Genève, Andermatt, Saint-Moritz, Bormio, Merano, Cortina d’Ampezzo et Venise), pour la qualité de services et d’infrastructures d’après-course, ce parcours pris dans le sens inverse donnant la possibilité d’affronter le versant opposé des cols empruntés un an plus tôt.

Déplacée début septembre afin d’éviter l’effervescence sur la route dans les Dolomites au cœur de l’été (un point noir de l’édition 2014), améliorer ainsi la sécurité des participants et faciliter la logistique en termes d’hébergement, la Haute Route Dolomites & Alpes Suisses aura emprunté sur sept jours les cols les plus mythiques qui symbolisent les Dolomites, dont l’effrayant Passo di Gavia, le Passo Pordoï et le Passo Giau, mais aussi côté suisse des ascensions moins connues telles que le Furkapass et l’Oberalpass qui auront surpris les coureurs. Seul le Passo dello Stelvio aura dû être retiré du programme en raison des conditions climatiques ne permettant pas de garantir la sécurité des cyclos à 2758 mètres d’altitude.

C’est que l’organisation, dont le niveau semble de plus en plus performant d’une année sur l’autre, les systèmes de bagages et de restauration étant maintenant parfaitement rodés, ne plaisantent pas avec la sécurité, au cœur de son dispositif. Et il aura fallu redoubler de vigilance par ces conditions climatiques difficiles, qui auront évidemment pesé sur les organismes et le moral. Pas question de renoncer à prendre le vélo en raison de la pluie ou du froid. Si chacun réagit différemment aux caprices de la météo, beaucoup auront dû se mettre un coup de pied aux fesses pour rouler et poursuivre sa progression dans cette véritable aventure humaine. Au mépris parfois du vélo plaisir.

De quoi surtout renforcer les liens de solidarité dans cette épreuve qui représente avant tout un défi pour les cyclosportifs engagés. Derrière le petit pourcentage de coureurs luttant réellement pour la victoire, la majorité des concurrents aura roulé dans la convivialité, avec l’échange et le partage pour maîtres-mots. D’une manière générale d’ailleurs, la Haute Route Dolomites & Alpes Suisses se veut moins typée compétition que ses aînées alpine et pyrénéenne. La législation suisse interdisant le chronomètre dans les descentes et vallées, l’épreuve se sera d’abord résumée à des courses de côtes finalement plus intensives et peut-être même plus fatigantes qu’une cyclo chronométrée de A à Z. Là, il aura fallu taper dedans deux à trois fois dans la journée, avant de se regrouper dans les vallées neutralisées.

Mais l’enjeu pour beaucoup était ailleurs. Dant cet esprit de challenge qui anime les Anglo-saxons majoritaires dans le peloton des Hautes Routes, chacun voulait goûter à la magie des Dolomites, dont le massif se veut minéral avec de belles falaises. Globalement, les cols y sont moins pentus que dans les Alpes. Légèrement moins longs aussi, on est ici dans le royaume du 10-15 bornes. Si les conditions climatiques n’auront pas toujours permis d’en savourer la beauté, le retour du ciel bleu, dimanche notamment au moment de rejoindre Venise par le Passo Giau, Forcella Staulenza, le Passo Duran et le Passo San Boldo, aura permis de découvrir des paysages hallucinants.

Reste néanmoins à l’organisation de trancher entre la formule compétition et la formule challenge. Car la Haute Route Dolomites & Alpes Suisses se situe à mi-chemin entre une course et un défi, ce qui manque trop souvent de clarté. Certes, l’organisation se veut tolérante vis-à-vis des gens qui ne vont pas faire toutes les étapes à cause des conditions voire ne disputer que les parties chronométrées. On comprendra que, par mesure de sécurité, un cyclo frigorifié puisse rentrer en bus pour reprendre la route le lendemain, mais l’organisation devra être plus claire et se positionner sur l’une ou l’autre formule.

A propos de compétition, la victoire finale sera revenue à Loïc Ruffaut en 16h15’53 » devant Nicolas Roux (16h28’42 ») et David Polveroni (16h33’05 »).

Et à propos de défi, il faudra souligner au terme des trois semaines de Hautes Routes l’impressionnant challenge relevé par vingt-huit cyclos parvenus à enchaîner et boucler les trois Hautes Routes. Une Triple Couronne qui leur aura valu de parcourir 2500 kilomètres et grimper l’équivalent de sept ascensions de l’Everest en vingt-et-un jours seulement. Par des ascensions profondément ancrées dans l’histoire du cyclisme.