Florent, tu étais au départ de la Prudential RideLondon-Surrey 100, comment était l’ambiance avant et au départ ?
Le départ étant matinal, à 6h heure locale (7h heure française), avec une présence sur place imposée dès 5h du matin. L’ambiance dans les sas était plutôt calme. Beaucoup, comme moi, finissaient leur nuit en assistant au lever du soleil. Le peloton s’est réveillé dans les dernières minutes, mais le départ a été donné sans bousculade et avec une grande fluidité. L’organisation nous avait fourni trois horaires : un d’arrivée, un d’ouverture du sas, et un de départ. Les sas étaient très bien fléchés, les bénévoles étaient nombreux, toute la phase avant le départ était fluide : on ne se posait pas de questions, on suivait les indications, et tout s’est bien passé.

Comment s’est déroulé le départ avec une telle foule au départ ?
Il y avait effectivement 14500 hommes et 4400 femmes. C’était la première fois que je participais à une épreuve avec autant de personnes au départ. Les sas étant répartis en fonction du temps estimé, demandé par l’organisation lors de l’inscription. Je suis parti aux alentours de la 600ème place. Je me suis retrouvé dans un groupe d’une cinquantaine d’unités dès le départ, on a roulé fort pour reprendre des groupes devant. Du coup on devait être pas loin de 300 dans ce qui a formé le peloton de tête aux alentours de la mi-course, avant les difficultés. Globalement, j’ai trouvé que le niveau des 1000 premiers était équivalent à ce qu’on a en France.

Comment s’est géré ce flot par la suite ?
Les routes étaient très larges, il y avait de la place pour tout le monde. Niveau sécurité, c’était incroyable : on avait toute la route pour nous, aucune voiture garée le long de la route (même dans le centre de Londres). Les 20 premiers et 25 derniers kilomètres étaient entièrement équipés de barrières des deux côtés de la route. Une personne signalait chaque ilot directionnel avec un drapeau et un sifflet. Les intersections étaient gardées par au moins trois policiers de chaque côté, etc. Globalement, le peloton roulait à gauche de la route, ce qui est assez perturbant. Comme on est en situation de course, on se cale dans les roues et on suit le mouvement, mais à chaque rond-point, on ressent un petit quelque chose d’étrange.

Les fameuses bosses de Leith Hill et Box Hill, comment sont-elles ?
Leith Hill m’a totalement surpris : une petite route étroite et une pente totalement irrégulière avec de forts pourcentages. Je ne m’attendais absolument pas à ça. Ça a été un carnage, le peloton a volé en éclats à cet endroit : nous étions 350 au pied, en haut il y avait 35 groupes de 10 coureurs ! C’est là que la course s’est décantée. Box Hill était complètement différente : régulière, mais exigeante. C’est à cet endroit que j’ai craqué. Les cartes ont été en partie redistribuées : certains comme moi s’y sont retrouvés à l’agonie, d’autres devaient connaitre et ont enclenché le turbo pour sauter plusieurs groupes devant eux. Le piège auquel je ne m’attendais pas du tout, c’est qu’après Box Hill, la route était très vallonnée pendant une trentaine de kilomètres. C’étaient des montagnes russes, usantes physiquement. À la sortie de cet enchainement, la course était pliée, les groupes se sont stabilisés : il n’y avait plus de peloton, les groupes étaient de cinq à dix coureurs qui chassaient les uns derrière les autres à 500 mètres d’intervalle.

Vous avez traversé des endroits majestueux, quels sont ceux qui t’ont le plus marqué ?
Le plus marquant, c’est le dernier kilomètre : on longe Westminster, on passe la flamme rouge devant Big Ben, on tourne à gauche, on fait 300 mètres, on tourne à nouveau à gauche, on déboule sous l’Admirality Arch qui nous ouvre la vue sur 600 mètres de ligne droite face à Buckingham Palace. Ce dernier kilomètre est somptueux, j’avoue avoir hésité à m’arrêter pour faire des photos et une vidéo ! Sinon, à la sortie de Londres, on a traversé Richmond Park : j’avais l’impression d’être en pleine savane, je m’attendais presque à apercevoir des antilopes ou une girafe. C’était surréaliste : depuis près d’une heure, on roulait en pleine ville, avec des maisons et des îlots. D’un coup on s’est retrouvé en pleine verdure pendant un bon quart d’heure avant de sortir de la savane et de revenir dans une zone urbanisée. Sinon, de manière globale, j’avoue avoir été un peu déçu sur les paysages traversés : j’avais décidé de laisser tomber le côté course pure et de lever la tête pour profiter de l’occasion pour faire une visite de Londres. Tout le départ s’est fait sur de larges avenues, avec de hautes maisons autour, et avec beaucoup de passages souterrains. On ne voyait pas grand-chose. Une fois sortis de Londres, on s’est enfoncés dans la campagne sur des routes bordées par des arbres. On ne voyait rien autour de nous. La vraie partie intéressante, ça a été les 25 derniers kilomètres, on était dans les beaux quartiers résidentiels de Londres, avec de petites habitations clairsemées qui se sont densifiées de plus en plus, jusqu’au final que je viens de décrire. Je reste donc sur ma faim.

Cette cyclo va-t-elle perdurer dans le temps selon toi ?
Vu l’ambiance tout au long du week-end, aussi bien au niveau du public que des cyclistes, vu la qualité de l’organisation, il est certain que s’ils poursuivent avec la même qualité, cette épreuve va perdurer. Par contre, l’Angleterre vogue sur la vague des JO et des sacres de l’équipe Sky. L’enthousiasme des Londoniens, qui voient leur ville entièrement bloquée pendant toute une journée, résistera-t-il au poids du temps ?

L’Angleterre et la Grande-Bretgane sont-elles de nouvelles terres de vélo ?
Le premier vainqueur de Bordeaux-Paris était Anglais, c’était il y a pratiquement 120 ans. Simpson, Kelly, Boardman, toutes les générations ont eu des champions britanniques, ce n’est donc pas une nouvelle terre pour le cyclisme pro. Pour le cyclosport, je doute que ce soit une destination très prisée à l’avenir : en discutant avec des Anglais, j’ai bien senti que leur préparation l’hiver est très perturbée par les conditions météorologiques et leur saison ne bénéficie d’une fenêtre n’allant que de début mai à fin septembre. Je doute que leurs épreuves attirent beaucoup d’étrangers : l’Angleterre ne fait pas partie de la liste des pays dont la légende fait rêver les cyclistes, contrairement à la Belgique la France et l’Italie. Ils peuvent renverser cette tendance, mais il leur faudra beaucoup de temps avant d’égaler le prestige que peuvent avoir un Milan-San-Remo ou un Tour des Flandres cyclosportif !

Y avait-il beaucoup de Français au départ ?
Nous n’étions qu’une poignée de Français. Le site affiche neuf Français, mais en consultant la liste je suis considéré comme Britannique et les prénoms de la majorité des neuf Français recensés sont bien trop Britanniques (James et Elis Prince, Michael Wright, John Green…). En regardant les maillots autour de moi, aussi bien dans le sas de départ qu’en course, la majorité des participants portaient un maillot d’un club de Londres. J’ai eu l’impression d’être noyé au milieu de cyclistes londoniens.

Tu connais les cyclosportives en France, y-a-t-il des différences significatives avec cette cyclo made in England ?
La chose qui me frappe le plus, c’est l’absence de classement et de remise des prix. L’organisation a publié énormément de photos sur Twitter et sur Facebook, mais aucune photo ni aucun mot sur l’arrivée des premiers. Avec le recul, j’ai l’impression d’avoir participé à une randonnée sportive chronométrée. J’ai l’impression que leur état d’esprit global est de se tirer la bourre, mais sans notion de classement. L’autre chose qui m’a frappé, c’est le fair-play global des Anglais. Ils roulent vite, ils écrasent les pédales, mais ils sont très respectueux entre eux. Ils roulent proprement, sans faire de vagues, sans se mettre de coups de coude et en signalant bien tous les virages et tous les dangers. Je n’ai assisté à aucune chute, et je ne pense pas qu’il y en ait eu. En France, les mecs frottent inutilement même pour une 400ème place, ici même dans les 50 premières positions personne ne se touchait. Les descentes étaient fluides, sans prise de risque, mais sans excès ni de prudence non plus. Sinon, en terme de différence, j’ai noté l’absence de pasta-party à la fin : on nous a délivré un petit sac avec quelques victuailles, et c’est tout. Une fois la ligne d’arrivée franchie, c’est fini, tout le monde récupère son sac et se disperse. En France, une fois la ligne franchie, on reste pour se changer et manger ensemble.

Quelle était l’atmosphère sur les bords de route ?
Le matin, à 6 heures, les spectateurs étaient peu nombreux. Quelques personnes ont assisté à notre passage depuis leur fenêtre ou leur balcon. Globalement, ça a été le désert (en dehors du personnel assurant la sécurité) jusqu’aux bosses. Dans Box Hill, on a eu une cinquantaine de spectateurs, mais ils n’étaient pas très actifs, je pense qu’ils étaient plutôt venus se placer tôt aux bons emplacements en vue de la course de l’après-midi. En revanche, dans les 25 derniers kilomètres, le public était présent. Les applaudissements ont été continus dans les 15 derniers kilomètres, le bruit des roues était couvert par les applaudissements. Quant aux 500 derniers mètres, c’était juste incroyable : 2 rangs de spectateurs de chaque côté. Je n’avais jamais vu ça sur une course amateur !

As-tu pu assister aux autres épreuves du samedi ou du dimanche ?
J’ai assisté à deux des trois épreuves du samedi : j’ai loupé la course handisport, en revanche j’ai assisté au critérium des jeunes puis à la course féminine. J’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de public le long du circuit. Un public de passionnés, les gens restaient pour regarder et avaient des commentaires pertinents. Ce n’étaient pas de simples curieux, attirés par le bruit de la sono. En revanche, j’ai été quand même déçu : le public était nombreux pour une course normale de vélo, mais pour une épreuve en plein dans le centre historique de Londres un samedi après-midi, je pensais qu’il y aurait plus de monde. Le circuit faisait le tour de St James Park, donc passait devant Buckingham Palace et d’autres grands lieux de la capitale anglaise, je m’attendais à ce qu’il y ait plus de touristes que ça. Le dimanche, je comptais retourner vers la ligne d’arrivée pour sonder l’ambiance sur la course pro. Malheureusement, je me suis endormi un peu trop longuement après le repas et j’ai tout loupé.

Quelles étaient les autres animations sur ce week-end de vélo à Londres ?
En dehors des cinq courses (les trois critériums, la cyclo et la course pro), il y avait une sorte de salon du vélo. Il y avait beaucoup de stands, à vue de nez je dirai qu’il y en avait une cinquantaine ou soixantaine. Ça fait beaucoup par rapport aux stands des partenaires qu’on rencontre sur les cyclos en France, mais ça fait minime pour un véritable salon du cycle. De même, il y avait une sorte de randonnée avec plus de 50 000 participants : les routes du coeur de Londres étaient réservées aux cyclistes, c’était noir de monde. Mais il y avait de la place pour tous, j’ai eu l’impression que tout s’était bien passé et que ça n’avait pas trop bouchonné, ni posé de problèmes.

Propos recueillis le 6 août 2013.