Renault Sport, Porsche, Spa-Francorschamp, Le Mans, Merbeeke, les monts… autant de termes qui caractérisent Michel Heydens, le Flamand, un homme originaire de ce berceau du cyclisme, terre de tradition, pays du pavés et des redoutables classiques que sont le Tour des Flandres et Paris-Roubaix. Ce résident monégasque, qui a découvert le vélo pour se changer les idées et garder la joie de vivre, écume les cyclosportives de ce début de saison 2010 ! Rencontre avec un cycliste posé, qui fait les choses à 100 % et qui a gardé un sacré coup de guidon de ses années de pilote automobile.

Michel, quelle analyse fais-tu de ton début de saison après tes victoires sur la Corima et la Cyclo’Corse ?
J’ai eu la chance d’effectuer un bon hiver avec beaucoup de semaines où j’ai réalisé de nombreuses heures d’entraînement. J’ai conscience que d’autres cyclistes ont été confrontés à des conditions météo plus difficiles que moi. Cela m’a donné un peu d’avance par rapport aux autres concurrents cyclosportifs… mais au fil de la saison cet « avantage » va s’estomper.

De nationalité belge, tu résides dans la principauté de Monaco, comment organises-tu tes entraînements entre ces deux pays ?
Je réside trois semaines par mois à Monaco. Je ne suis en Belgique qu’une semaine par mois. Cette saison 2010, j’ai effectué un gros hiver sur Monaco où j’ai eu de bonnes conditions pour effectuer de grosses séances d’entraînement avec du fractionné, des exercices qualitatifs. J’ai effectué des semaines avec 500-600 kilomètres plusieurs fois dans l’hiver, ceci explique mon état de forme avancé en ce début de saison. J’ai certainement effectué un de mes meilleurs hivers, ce qui contraste avec les autres cyclistes qui ont subi les frimas de l’hiver.

Comment envisages-tu la suite de ta saison, à quelles épreuves vas-tu participer et quels sont tes objectifs ?
Je ne me suis pas réellement fixé d’objectifs pour cette saison, je prends les épreuves comme elles viennent, en prenant du plaisir et en les choisissant un peu au dernier moment. Cet été il est prévu de participer au Tour de l’Ain cyclosportif, avec une bande d’amis car j’apprécie cette épreuve et je vais y passer de bons moments. Je vais aussi participer à une épreuve en Belgique, la Vélomédiane, aussi appelée la Claude Criquélion. Il y a beaucoup de participants, c’est une épreuve très sélective, dure, et j’ai encore envie de bien y figurer cette année… mais chaque année c’est de plus en plus difficile de m’imposer une rigueur d’entraînement pour être performant. J’aime beaucoup de choses dans la vie, j’ai plein de centre d’intérêt, mais pour le moment je vis 100 % vélo.

De nombreux cyclistes professionnels résident à Monaco, notamment tes compatriotes Gilbert et Boonen. Les côtoies-tu ?
Je connais très bien Philippe Gilbert, avec qui je suis parti plusieurs jours en Guadeloupe cet automne pour participer à des critériums. Je le considère comme un ami avec qui j’entretiens de très bonnes relations, on s’est d’ailleurs téléphoné après son podium au Tour des Flandres. Il est prévu que nous roulions ensemble ces jours prochains, comme d’habitude quoi ! Je partage également des sorties avec Tom Boonen et Thor Hushovd. Ce sont vraiment des personnes charmantes, abordables et très gentilles. Ces personnes sont originaires du nord de l’Europe, avec une mentalité très agréable. Ils sont simples et n’ont pas la grosse tête, sinon je ne les côtoierais pas car je ne supporte pas ce genre d’attitude. Ils sont marrants, bons vivants, on passe de bons moments ensemble. C’est amusant !

Tu possèdes un bon niveau sportif, en attestent tes victoires, et tu t’entraînes avec des professionnels. Quelle différence de niveau perçois-tu ?
Déjà ils sont plus jeunes que moi ! J’ai 42 ans, eux à peine 30 ! Ces cyclistes-là ont un rythme bien plus important que le mien, plus de force aussi ! Ils s’entraînent plus, de façon plus professionnelle, avec des exercices adaptés mais très durs. Ce sont des pros. C’est leur métier, ils y consacrent du temps et possèdent des qualités musculaires hors normes.

Tu as été pilote automobile à haut niveau, tu as réalisé d’excellents résultats sur des courses de voitures. Comment as-tu débuté le cyclisme ?
J’ai débuté le vélo à 25 ans à la suite d’un problème familial important. Le vélo m’a permis de réfléchir, de me vider la tête, me changer les idées. Toutes ces heures sur le vélo m’ont permis de prendre du recul sur la vie en général. J’ai effectué de nombreuses saisons dans le sport automobile. Et le vélo est un très bon sport pour la condition physique, pour le renforcement musculaire du bas du dos qui est très sollicité lorsqu’on pilote une voiture de course, dans le baquet. Lorsque j’étais pilote automobile, j’effectuais 6-7000 kilomètres en vélo, pour ma condition physique. A présent j’effectue beaucoup plus d’entraînement et je consacre plus de temps au vélo. La saison passée j’ai effectué 26000 kilomètres, 20000 kilomètres en 2008 et cette saison 2010 je suis reparti sur des bases très élevées de l’ordre de 25000 kilomètres.

De nombreux pilotes automobiles ou motos pratiquent le vélo et y trouvent des avantages notamment sur les trajectoires. Qu’en penses-tu ?
Le pilotage en descente, les trajectoires, le freinage à l’entrée des virages… Il y a beaucoup de ressemblances avec les voitures et les motos lors des courses. En voiture, il faut accorder une grande importance au regard. Lorsqu’on pilote il faut porter le regard sur l’endroit où on veut aller et jamais là où il ne faut pas aller. Ce principe est valable pour le vélo. Cela permet d’anticiper des pièges, il y a donc des complémentarités entre ces sports.

Comment perçois-tu le vélo dans ta région natale, les Flandres ?
Le cyclisme dans les Flandres c’est très beau ! Les gens adorent le vélo, certains vivent pour le cyclisme. Mais les pavés, moi, je déteste ça, c’est horrible de rouler sur ces routes-là ! Quand je vois des pavés sous mes roues, je saute dans le fossé pour rouler, je n’aime pas ça, c’est personnel. J’admire les coureurs qui roulent sur les pavés, qui roulent à des vitesses impressionnantes, ça impose du respect. Le vélo dans les monts des Flandres est très agréable quand la météo est clémente… Sinon les cyclistes belges sont des guerriers. Ils sont durs au mal et ont l’habitude de rouler dans de telles conditions parfois infernales.

Lors des retransmissions TV, on perçoit un nombre important de spectateurs, de tout âge, hommes, femmes, enfants. On sent de la ferveur populaire…
Il y a énormément de monde qui assiste aux course de vélo en Belgique, mais personnellement je n’y suis jamais allé car j’ai plus une âme de pratiquant que de spectateur. J’en regarde parfois à la télé mais je préfère être sur mon vélo. Il en est de même pour les courses automobiles. Il y a trop de choses à faire durant une vie, je préfère y consacrer du temps plutôt que d’en perdre à regarder d’autres personnes les faire.

Gardes-tu des contacts avec le monde du sport automobile ?
J’ai effectué ma dernière saison de pilote en 2009, en Belgique, sur la Clio Cup. J’envisage de reprendre d’ici un an ou deux si je lève le pied sur ma vie de cycliste comme j’envisage de le faire. Mais il y a tellement de sports et d’autres activités qui me tentent que rien n’est sûr encore. Je m’estime assez jeune encore pour profiter d’autres activités physiques. A vrai dire je ne sais pas très bien ce que je vais faire dans les années à venir. Pour ce qui est des souvenirs je garde en mémoire ma saison 2003 en Belgique sur la Renault Clio Cup. J’ai été sacré champion de Belgique. En 2004 j’ai pu disputer la Carrera Cup, en France, la Porsche Cup française. J’ai pris beaucoup de plaisir sur ces épreuves ! En 2008, sur le circuit de Spa-Francorchamps, j’ai souvenir d’une course terrible où on s’est affronté comme des chiffonniers, où il y a eu plus de dix dépassements périlleux en tête de course… Pour finir je gagne la course et je garde un super souvenir de cette épreuve-là. Quelles sensations !

Propos recueillis par Jean-Baptiste Trauchessec.