Mais il ne s’agit pas ici de répondre à deux interrogations qui semblent devenues omniprésentes ces derniers temps :

–          Pour ou contre les disques ? Car la réponse à la question dépend véritablement de l’utilisateur : son poids, le type de météo qu’il rencontre (sec ou mouillé), le type de terrain sur lequel il évolue (les Landes ou Bourg d’Oisans), son habileté en descente (moins il est à l’aise techniquement et plus il en aura besoin).

–          Les pros vont-ils devoir rouler TOUS en disques dans un avenir plus moins proche ? La réponse à cette question est très certainement oui car le processus est très largement enclenché chez les marques de cycles, c’est-à-dire celles qui fournissent – et payent pour les grosses équipes – le matériel utilisé par les coureurs professionnels. Ces marques ont un intérêt financier évident à faire basculer tout le monde en disques, professionnels tout comme amateurs qui devront passer par la case achat assez rapidement pour ne pas rouler « démodé ». De plus, la maintenance et le savoir-faire à l’entretien des vélos à disques nécessitent plus de compétences et ce phénomène arrange aussi les vélocistes qui peuvent voir ici la possibilité de garder des clients potentiellement attirés par un entretien de leur machine à la maison.

Non, le propos ici est de s’intéresser aux pros et uniquement aux pros et de les observer par le volet performances.

Du côté matériel, un fait important est intervenu en 2019 : les équipes qui roulent avec des vélos Specialized (Bora Hansgrohe et Deceuninck Quick Step) sont passées aux disques. Les coureurs n’ont pas vraiment eu le choix. Ont-ils été affectés par ce passage ? Apparemment non quand on observe leurs résultats depuis le début de l’année. Quand on sait à quel point la victoire se joue à des détails à ce niveau-là, il est très certainement possible d’affirmer qu’un Julian Alaphilippe aurait gagné Milan San Remo, les Strade Bianche ou la Flèche Wallonne avec l’équivalent patins de son vélo à disques. Et ce malgré le léger embonpoint (quelques centaines de grammes) de l’hydraulique.

A propos du poids, précisons que la limite UCI des 6,8 kg devient ainsi alors une limite « naturelle » alors qu’avec les patins, il était parfois nécessaire d’ajouter des masselottes pour être au poids voulu (surtout avec les petits cadres). Cependant, d’après les relevés seul le Trek Emonda disques se trouve réellement à 6,8 kg quand le Tarmac S-Works utilisé par Julian Alaphilippe est légèrement au-dessus des 7 kg.

Si l’UCI se décidait à abaisser la limite à 6,5 ou 6,2 kg comme il en a parfois été question, l’avantage poids des patins pourrait revenir sur le devant de la scène. A moins que l’UCI tout comme les marques de vélos ne décident d’un commun accord (commercial ?) qu’après tout, si tout le monde passe en disques, les 6,8 kg continueront d’être cette limite naturelle et quil faut surtout ne rien changer.

Sur le chapitre performances, souvenons-nous aussi de l’exceptionnelle victoire de Mathieu Van der Poel sur l’Amstel Gold Race avec son Canyon équipé avec des disques (lire ici : https://www.velo101.com/pros/article/mathieu-van-der-poel,-jusquou-peutil-aller–21099). Même si la course ne peut pas être refaite avec le coureur hollandais courant avec des patins, les disques n’ont pas semblé le freiner dans sa performance. Et ce malgré le petit supplément de poids qui l’a forcément fait perdre quelques watts dans les côtes raides (jusqu’à 22%) du Limbourg.

nullMathieu Van der Poel l’emporte sur l’Amstel Gold Race | © Sirotti

Côté pente importante, le Mur de Huy (sur la Flèche Wallonne) se pose là. Et si Julian Alaphilippe l’a emporté de manière moins magistrale qu’en 2018 c’est davantage par rapport à sa moindre forme (Julian l’a avoué) et à la résistance de ‎Jakob Fuglsang qu’à son matériel.

Au niveau des avantages liés à l’utilisation des disques, c’est par définition avec le freinage que le système se démarque. Prenons donc la configuration la plus favorable : descente, pente importante, route mouillée, épingles nombreuses. Il s’agit là d’un moment où les disques sont par définition plus performants (dans la limite de l’adhérence des pneus) et il suffit d’avoir roulé une fois avec un vélo à disques pour s’en rendre compte.

La 16ème étape du Giro nous donne ainsi un éclairage intéressant.

Bauke Mollema03Bauke Mollema en termine avec Roglic, Nieve et Yates | © Sirotti

 

Au franchissement du Mortirolo, Giulio Ciccone (roulait en Trek Emonda à disques) et Jan Hirt (qui roulait en Argon 18 (Argon 18 Gallium Pro à patins) sont passés en tête. Un peu plus loin, parmi les coureurs roulant à disques nous retrouvions Bauke Mollema (Trek Segafredo) et Ilnur Zakarin (Katusha Alpecin). Comme évoqué plus haut, les circonstances de course étaient réellement scabreuses: descente, pente importante, route mouillée, épingles nombreuses. On aurait pu penser que, dans ces conditions, Ciconne allait pouvoir prendre l’avantage sur Hirt, que Zakarin allait pouvoir lâcher Simon Yates. Il n’en a rien été. Certes, difficile de tirer des conclusions définitives sur cette seule descente. Les coureurs à disques pouvaient très bien avoir encore plus froid que leurs compagnons à patins. Et voir Giulio Ciconne claquant littéralement des dents dans la descente, laisse à penser qu’il n’a pas pu descendre comme il l’aurait souhaité et qu’en manches courtes par 3°C sous la pluie, il était davantage question de survie que de lâcher Jan Hirt.

Mais alors, si les disques ne permettent pas aux pros d’aller plus en descente mouillée, ils permettent de le faire à quel moment ?

A ce sujet, notons qu’Ilnur Zakarin roule avec un Canyon Ultimate à patins sur les étapes de plat ou accidentées et à disques en montagne. D’un autre côté, ce n’est pas le meilleur descendeur du peloton comme en témoigne par exemple la 16ème étape du Giro 2017 où il avait perdu (alors en vélo à patins) 34 sec sur le tandem Mikel Landa – Vincenzo Nibali sur la descente du Stelvio conduisant les coureurs à Bormio. Zakarin choisit donc les disques pour la montagne, y compris sur le sec (cf. sa victoire à Lac Serru). Dans ce cas, Canyon laisse le choix au coureur.

Ilnur Zakarin01Ilnur Zakarin sur le Giro 2019 en patins | © Sirotti

 

Ilnur Zakarin02Ilnur Zakarin en disques lors de sa victoire sur le Giro 2019 | © Sirotti

Ilnur Zakarin03Ilnur Zakarin en termine (et en disques) après la descente du Motirolo | © Sirotti

Bauke Mollema a été cité plus haut, s’il ne semble pas avoir le choix entre les 2 systèmes de freinage il pourra choisir le Madone pour les étapes de plat et l’Emonda en montagne.

Bauke Mollema01Bauke Mollema et son Trek Madone | © Sirotti

Bauke Mollema02Bauke Mollema et son Trek Emonda | © Sirotti

Par ailleurs, s’il y a bien une équipe qui ne laisse rien au hasard c’est bien l’équipe Ineos (ex-Sky). La formation Britannique est équipée depuis de longues années par Pinerello et cette année c’est le Dogma F12 qui est utilisé. Un vélo dont la version à disques existe. Mais elle n’est pas utilisée par les coureurs.

Faut-il en conclure que, lorsqu’ils ont le choix les coureurs prennent toujours la version à patins ? Oui si l’on regarde Ineos mais non si l’on observe Zakarin.

Mais encore une fois, Zakarin n’est pas une référence en descente alors que les coureurs de l’équipe Ineos semblent tous se situer parmi les rapides, Chris Froome compris qui a fait d’immenses progrès dans le domaine au point de devenir l’un des meilleurs du peloton. Il est aussi possible d’imaginer que l’aspect crevaison/changement de roue intervient aussi car c’est en secondes pleines que se mesure la différence entre les 2 systèmes.

En conclusion, pour répondre à la question qui nous occupe ici : si Ineos est prise à titre d’exemple alors non, les coureurs n’ont pas besoin de disques pour aller plus vite. Cependant, pour des descendeurs moins habiles, ou probablement pour vous et moi, dévaler le Motirolo sous la pluie avec des roues en carbone et un vélo équipé de freins à disques, serait quand même plus confortable, efficace et sécurisant.

Par Olivier Dulaurent