Pour les Grands Tours et cette année, pour des raisons très différentes certains coureurs ont reporté leurs ambitions en Juillet. Pour la bonne cause ?

Au début de l’année et au cours du printemps, l’amateur de Grands Tours avait de quoi se frotter les mains avec le Giro qui s’annonçait : une épreuve de plus en plus spectaculaire (lire ici : https://www.velo101.com/pros/article/le-giro-peutil-supplanter-le-tour–21123) et surtout un plateau très relevé. Songez plutôt : nous retrouvions le vainqueur 2017 et 2ème en 2018 (Tom Dumoulin) qui avait fait un début de saison marqué par très peu de journées de courses (à peine une quinzaine) et au contraire des stages à n’en plus finir à Tenerife, Primoz Roglic et son Grand Chelem de début de saison sur les courses par étapes, Vincenzo Nibali que l’on ne présente plus mais toujours prêt à surprendre malgré ses 34 printemps, une équipe Movistar à l’effectif dense (même si personne n’avait vraiment misé sur Richard Carapaz) et surtout un Egan Bernal dont ce devait être le 1er Grand Tour en tant que leader. Et l’impression laissée sur la 3ème semaine du Tour 2018 ainsi que son début de saison 2019 le laissait presque comme le principal favori.

Du côté des sprinters, l’épouvantail actuel, Elia Viviani allait certainement engranger les succès. En face de lui, Caleb Ewan devait lui donner du fil à retordre.

Bref, nous allions voir ce que nous allions voir ! Bref, tout laissait à penser que le Giro 2019 allait continuer de marquer des points dans la course théorique de plus belle course par étapes du monde.

Hélas, avant même que la bagarre ne commence Egan Bernal était déjà renvoyé chez lui pour une chute à l’entrainement provoquant un forfait sur la course italienne. Et Tom Dumoulin chutait lors de la 1ère moitié légèrement soporifique du Giro (lire ici : https://www.velo101.com/pros/article/le-giro-atil-ete-inspire-sur-sa-1ere-moitie–21160).

Tom Dumoulin | © Sirotti

On ne peut s’empêcher de penser qu’avec un parcours plus dur lors de la 1ère semaine et des positions au général déjà plus figées, le Néerlandais n’aura pas eu à subir la nervosité du peloton. Le mauvais temps n’ayant pas arrangé les choses. Nous retrouvons ici le risque d’une préparation « monomaniaque » : Tom Dumoulin a très peu couru (Tour des Emirats Arabes Unis, Tirreno Adriatico et Liège Bastogne Liège), ne s’est pas présenté avec une condition physique suffisante pour pouvoir y jouer la victoire, son résultat principal étant une 4ème au général de la Course des deux mers. Après son abandon au Giro (et un prologue en demi-teinte – 5ème dans le temps de Miguel Angel Lopez mais derrière Vincenzo Nibali et Simon Yates par exemple), il lui a donc fallu se soigner puis s’entrainer à nouveau très dur.

Il sera donc aligné sur le Dauphiné Libéré mais ses chances de briller sont minces car il sera forcément à cours de condition physique et aura les yeux rivés sur le Tour de France. Nous aurons donc l’un des meilleurs coureurs du monde qui abordera probablement Juillet sans victoire, ni résultat significatif. Mais à partir d’un tel constat, impossible de juger des chances de victoire sur le Tour : il est certain qu’avec environ 25 jours de course, Tom Dumoulin aura des réserves qui peuvent compter dans la dernière semaine. De même, il peut espérer progresser au fil des jours. Mais côté performance, il peut très bien passer à travers lors de la 1ère étape de montagne, quand le niveau physique réclamé est certainement le plus élevé de l’année sur ce genre de parcours.

Bref, beaucoup de questions restent en suspens et il est possible que le coureur lui-même ne sache pas trop où il en est. Cependant, étant données ses préparations solitaires sur de longues périodes, le Néerlandais se connait parfaitement et il peut envisager la question de la forme sous l’angle des 7 semaines encore restantes jusqu’à la 3ème semaine du Tour.

Tom Dumoulin abattu moralement et blessé physiquement au soir de la 4ème du Giro | © Sirotti

Egan Bernal est proche de cette problématique, lui qui annoncé son forfait au Giro le 04 mai, à la suite d’une fracture de la clavicule lors d’un entrainement. Cependant, par rapport à la blessure de Tom Dumoulin qui a touché principalement sa jambe gauche, lui a certainement pu rependre l’entrainement plus précocément, ne serait-ce que sur un Home Trainer. Et il suffit de se connecter sur son compte Srava pour se rendre compte qu’il met les bouchées doubles à l’entrainement (203 km le 1er juin, 275 km le lendemain). Il n’a d’ailleurs pas jugé nécessaire d’ajouter une course par étapes à son programme d’ici le Tour de France. Mais surtout, par rapport à Tom Dumoulin, s’il ne va certainement pas s’en contenter, il a déjà inscrit Paris-Nice à son palmarès.

Peut-être un peu court pour estimer réussie sa saison 2019 mais côté confiance (et sponsors) ça compte ! Quoi qu’il en soit, le cas Bernal rend aussi le Tour intéressant car, lors de répartition des programmes au sein de l’équipe Sky/Ineos, il n’était justement pas prévu en tant que leader au côté de Geraint Thomas et Chris Froome. Mais, il est facile d’imaginer que son statut n’est pas le même que l’année dernière. Bon courage au staff de l’équipe pour ménager ambitions et susceptibilités de tout ce beau monde.

Egan Bernal s’illustre sur tous les formats | © Sirotti

Du côté d’Elia Viviani, sa tournée italienne a été raccourcie – sans avoir donné satisfaction – pour cause de 2ème partie jugée trop montagneuse. Un comble avec le maillot de Champion d’Italie sur le dos qui devrait justement entraîner des devoirs d’exemplarité sur son Tour national. Là encore, c’est peut-être le Tour qui pourrait bénéficier de la frustration du sprinter. Il est possible d’imaginer que sur les routes françaises, Viviani voudra lever l’affront subi chez lui (0 victoire, un déclassement).

Nous pourrions assister à de beaux combats dans la dernière ligne droite avec Caleb Ewan (un autre intermittent du Giro), Arnaud Démarre (qui s’est accroché en montagne), Peter Sagan voire Cavendish que l’on espère revenu à son meilleur niveau. En tout cas et contrairement à Dumoulin ou Bernal, les sprinteurs qui n’ont pas vu Vérone, ne l’ont pas choisi pour des pépins physiques. Ils ont tout le loisir de se préparer sereinement, sans compter qu’en coupant la moitié du Giro ils n’ont pas puisé dans leurs réserves.

Elia Viviani pense l’emporter avant son déclassement | © Sirotti

Elia Viviani (à droite sur la photo) dominé en vitesse sur le Giro | © Sirotti

 

Au final, si le Tour peut apparaitre pour certains comme une session de rattrapage, avec le niveau physique qui est le sien, il n’y aura guère de place sous les feux des projecteurs pour les coureurs qui ne sont pas à 100%. Si les coureurs cités ici le sont, c’est le spectacle qui devrait en sortir gagnant.

Par Olivier Dulaurent