Le Giro refait-il son retard sur le Tour ?

Longtemps, trop longtemps, le Tour d’Italie a été la chasse bien gardée des Italiens, quelques fois au mépris des règles élémentaires du fair play. Mais ça c’était avant, avant 2009 et le centenaire de l’épreuve, toute jeune vis-à-vis du Tour qui la domine de 6 ans. En 2009, RCS l’organisateur a fait en sorte d’attirer Lance Armstrong et son come-back bien orchestré et depuis, de Grands départs à l’étranger en passant par le palmarès, la course rose s’est internationalisée au fur et à mesure que le nombre d’équipes Italiennes en World Tour s’amenuisait.

 Le Tour de France, le deuxième grand Tour au calendrier après le déplacement sur août de la Vuelta, n’a pas attendu son 100ème anniversaire en 2003, ni même sa centième édition, fêtée en Corse en 2013, pour se développer bien au-delà des frontières et devenir l’événement incontournable du vélo. C’est juillet, c’est la France et le reste de l’Europe en vacances, de 12 à 15 millions de fans (des coureurs ou de la caravane publicitaire plutôt) sur le bord des routes et c’est 190 pays qui retransmettent tout ou partie des magnifiques images tournées chaque été.

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 © Ansa

Oui, mais voilà, le Tour représente de tels enjeux (la moitié des 105 millions d’équivalent publicitaire générés par l’équipe AG2R la mondiale sont issus de l’exposition sur le Tour) qu’un classicisme certain s’est installé sur juillet. Résultat ? des étapes de plaine où l’échappée matinale se fait revoir, comme c’était écrit, à 3 kilomètres de l’arrivée, des étapes où le seul enjeu est d’obtenir le prix de la combativité en étant le dernier attaquant à la fois pour faire rentrer des sous mais surtout pour avoir une petite fenêtre d’exposition, le pire dans le genre étant atteint sur l’étape de Dreux cette année ou Y Offredo, valeureux, était seul à l’avant, seul et condamné, à ne même pas avoir le dossard rouge le lendemain. Face à cela, les organisateurs essaient de réagir : des étapes de première semaine moins uniformes et pour sprinters uniquement, des massifs intermédiaires revisités et propices aux embuscades, des arrivées en altitude plus nombreuses, moins de contre-la-montre visant à favoriser les grimpeurs, Français en priorité.

 Et pourtant, le dernier grimpeur vainqueur du Tour, si on excepte M Pantani en 1998, une autre époque, un autre cyclisme, frelaté dont on se demande bien pourquoi les lignes n’ont pas été effacées comme 1999-2005, est Lucien Van Impe, 1976, le dernier Belge en attendant Remco, peut-être. Les rouleurs-grimpeurs, Britanniques souvent, ont la part belle sur le Tour quand côté Italien, comme côté Vuelta ils ont moins de chances, sont moins en évidence et force est de constater que ces deux Grands Tours sont plus spectaculaires. Les raisons ? D’une part, moindres enjeux, les équipes sont moins fortes que sur le Tour, la course moins cadenassée grâce à ça, d’autre part et surtout, les parcours des étapes recèlent des pièges incessants, avec des routes peu larges où un train a du mal à se mettre en place, à la différence des autoroutes qui mènent aux arrivées type Chamrousse, Tignes, voire même le Tourmalet refait après les inondations. null © Aso

On ajoutera un 3ème élément qui entraîne sans doute une prise de risque, des compositions d’équipes plus audacieuses et des leaders à qui on autorise une seconde chance : se manquer sur le Giro ne permet pas de revancher ! sur le Tour, trop proche au calendrier, en revanche, pour la Vuelta tout est faisable comme l’a joliment prouvé Simon Yates, 13 jours en rose, mais un antépénultième jour sans, et un manqué, rattrapé sur la Vuelta, bravo l’artiste et à l’année prochaine sur le Giro. Sur le Tour aussi ? pas sûr, comme Roglic, etc.…Année après année, prise de risque après prises d’initiatives, Jérusalem, il fallait oser faire le Grand Départ 2018 dans la capitale multi confessionnelle, le Giro pose ses roues et ses estrades là où la caravane publicitaire ne passe pas forcément, à la différence du Tour, et ça change tout.

 Espérons que le retour à la tradition: le gravel où comment marier tradition et modernité du vélo, même si on aurait aimé que le col de Portet en 2018, reste en terre battue jusqu’au sommet pour voir et faire monter le suspense, ramènera un esprit d’initiative, d’attaquant aux coureurs parce que ce sont eux qui décident, toujours, mais les circonstances de course, les parcours, les accidents de terrain comme sur les Flandres, les Starde Bianche ou Paris-Roubaix font que oreillettes ou pas, les plus forts sont devant et les plus entreprenants tout devant. Le faux débat sur les capteurs de puissance interdits ou pas, ne sera pas la solution à un Tour plus passionnant et captivant, la vérité restera celle du terrain de jeu.

 

L’entreprise, la clé d’une vraie politique vélo ?

 En France, dès que l’automobile va mal, on invente une prime à l’achat, au renouvellement, bref on perfuse parce que le tout automobile n’est pas un vain mot, diésel et essence mélangée. 1973, premier choc pétrolier, les Pays-Bas (17 millions d’habitants pour 23 millions de vélos)ont pris le volant d’une vraie politique de déplacement dans les villes et mis en place une vraie alternative aux déplacements motorisés : le vélo. Résultat ? 40 ans après, on a des embouteillages aux départs des feux, des voies qui sont réservées aux vélos, des parkings géants et gardiennés pour ranger son vélo et bien sûr, venir en train plus vélo est facile. Utrecht dans son film promotionnel pour le Grand Départ du Tour en 2016 l’a bien montré, et mis en avant, les Pays-Bas, non pas l’autre, mais LE pays du vélo. On pourrait citer Bruxelles, l’Allemagne, la Suisse où le vélo est respecté, admis, accepté et où l’automobile a fait la place, même si d’autres sources de pollution existent.

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 Le 26 novembre dernier, en plein mouvement des gilets jaunes, l’ustensile obligatoire pour rouler en mode urbain ou semi-diurne, le gouvernement présentait son plan de mobilité urbaine, mis en œuvre en 2019. Il laisse une certaine part d’initiative aux collectivités locales, alors on rêve qu’à l’instar de Lyon et ses vélos en libre-service payant, bien avant Paris comme quoi, tout ne doit pas venir de la capitale, les régions prennent le guidon par le bon bout et instaurent une politique qui vise à faciliter, accélérer, sécuriser, …la mobilité douce en milieu urbain.

 On l’a dit, ça passe par la cohabitation facile entre vélos et usagers dans les trains : crochets pour votre vélo et le verticaliser, pas de surcoût sur le ticket voire parkings gardés près des gares comme en Suisse. Ensuite, il s’agit de sécuriser et prioriser des voies pour la mobilité douce, on y met tous les véhicules électriques : voitures, bus, taxis et bien sûr vélos, personne d’autre, priorité à ceux qui ne polluent pas. Enfin, puisque tout passe bien souvent par le portefeuille, pourquoi pas une prime à ceux et celles qui s’engagent à venir au moins 3 jours sur 5 à vélo sur leur lieu de travail ? On a inventé une prise en charge par les entreprises des moyens de transport en commun, alors pourquoi ne pourrait-on pas imaginer une prime à ceux qui 1/ polluent moins en oubliant leur voiture, 2/ se portent mieux vu qu’ils, elles font de l’exercice tous les jours ou presque, 3/ font vivre des métiers non délocalisables comme réparateurs, magasins de vélos, ateliers, ..et on pourrait ajouter en 4/ sont forcément à l’heure, soit au travail, soit à leur rendez-vous, combien d’économies générées? dans ce sens raisonnons comme au Japon « tout ce qui rend la société plus efficace doit être adopté ».

Cyclisme urbain2Cyclisme urbain © weelz

 On pourrait même rajouter un autre volet concernant l’emploi, que ce soit pour les trottinettes électriques où la plupart des utilisateurs oublient le casque ou les cyclistes urbains : beaucoup ne savent pas faire de vélo ! Dis comme ça, ça choque, et bien non, entre les incivilités comme sens interdits, les hésitations de ceux qui débutent le vélo, etc….il y a assurément des métiers de coach à vélo à créer. Un métier simple comme une journée de formation : apprendre à prendre sa place dans le trafic, à respecter tous les autres usagers, à avoir les bons réflexes et évidemment connaître un minimum de réparation pour rallier son point d’arrivée.

 Évidemment ce qui vaut pour l’entreprise peut tout à fait être étendu à l’ensemble des employeurs. Tous les points relevés précédemment sont du vécu, à partir de la statistique sur le nombre de voitures qui font moins de 10 kilomètres par jour pour le trajet aller-retour domicile-emploi, sont occupées par une seule personne.

 Les étapes sont donc bien identifiées : sécuriser les voies à mobilité non polluante, assurer la place du vélo dans les transports en commun et sur l’aspect sécurité contre le vol avec les puces insérées dans le cadre ou l’émaillage, et inciter avec une mécanique de primes versées à celles et ceux qui font la transition vraiment écologique celle-là. « Ne pas peser sur la compétitivité des entreprises » nous dit-on à l’oreillette, tout à fait, au fait les avions qui nous survolent ne subissent aucune taxe sur le kérosène brûlé à 1000 kilomètres par heure. CQFP, c’est qu’il fallait pédaler !