Deux à trois semaines. C’est la durée durant laquelle on peut généralement entretenir un pic de forme. C’est aussi le temps qui nous sépare désormais du départ du 100ème Tour de France, précédé cette semaine par la 65ème édition du Critérium du Dauphiné. Dans les Alpes, l’ultime course préparatoire des favoris au maillot jaune a livré quelques enseignements. Elle a surtout permis à Chris Froome (Team Sky) de conforter le statut de grandissime favori du Tour qui lui colle désormais à la peau. Le Britannique ne s’est pas caché. Il a témoigné toute la semaine d’une très grosse condition physique. Trop grosse ? C’est là désormais la question que l’on peut se poser, histoire de ménager un semblant d’incertitude sur le sort réservé à la prochaine édition du Tour. Car en dominant de la tête et des épaules des adversaires réduits à la portion congrue cette semaine, Chris Froome a prouvé qu’il était en avance sur les autres. Mais que peut-il bien en être de ses sensations personnelles ? De deux choses l’une ce soir : ou bien l’étoile montante du cyclisme anglais avance toujours vers son pic de forme, ce qui laisse déjà imaginer avec quel impérialisme il régnera sur le Tour le mois prochain, ou bien il s’est exposé un peu vite quand on sait que les étapes reines de la Grande Boucle n’interviendront que dans cinq grosses semaines.

Si l’on se permet d’ouvrir ce débat, c’est que Chris Froome n’a montré aucun signe de faiblesse cette semaine, et qu’on voit franchement mal désormais qui pourrait le vaincre dans le Tour de France. D’autant plus que son équipe Sky a retrouvé ses automatismes, portée par un nouveau duo de choc avec la confirmation cette saison de Richie Porte, un équipier aussi dévoué que l’était l’an passé Froome pour Wiggins. Chris Froome, justement, sait bien d’où il vient. Aussi tient-il à renvoyer l’ascenseur à un lieutenant comme Porte dans la huitième et dernière étape du Dauphiné, disputée entre Sisteron (Alpes de Haute-Provence) et Risoul (Hautes-Alpes), 155,5 kilomètres par-delà les ascensions de Vars et de Risoul. Résignés, les adversaires du tandem Sky ne mettront plus rien en œuvre pour faire dérailler le train britannique, dont la locomotive se détachera dans les derniers kilomètres de l’étape du jour…

Il aura plu la majeure partie de la journée, ce qui aura contrarié le peloton dans sa poursuite d’une large échappée lancée peu après le départ. Une vingtaine d’attaquants évolue en tête, disposant au mieux de 3’25 » d’avance, mais les infimes précautions prises par chacun dans la descente mouillée du col de Vars empêchent l’écart de se réduire et permettent aux derniers échappés de se présenter devant à l’attaque de la montée vers Risoul (13,9 km à 6,7 %). Il reste là Alessandro De Marchi (Cannondale), Alberto Losada (Team Katusha), Travis Meyer (Orica-GreenEdge), Manuel Quinziato (BMC Racing Team) et Tim Wellens (Lotto-Belisol). Dans cette montée régulière que le peloton du Dauphiné avait été le premier à découvrir en 2010 et qui n’attend plus désormais que la réception du Tour de France (2014 ?), un homme va résister.

A moins de 5 kilomètres du but, Alessandro De Marchi devient le dernier rescapé de l’échappée du jour. Passé deux fois à côté d’un succès d’étape sur le Tour d’Italie l’an dernier, l’Italien de 27 ans progresse vers sa première victoire professionnelle. Mais il ne lui faudra rien relâcher dans les derniers hectomètres car derrière lui, Chris Froome n’a pas décidé de faire de cadeau. Ou plutôt si, mais à Richie Porte ! Dans la montée finale, les Sky sont encore une fois parvenus à rendre leurs adversaires inoffensifs. Asphyxié par le rythme, le plus dangereux d’entre eux Michael Rogers (Team Saxo-Tinkoff) est même distancé à 4 kilomètres du but et attendu par Alberto Contador – qui se sera fait une frayeur en s’affalant sur le côté gauche dans la descente du col de Vars. Plus personne ne se mettra en travers du chemin du Maillot Jaune, qui accélère brusquement les mains en haut du guidon pour s’échapper avec Richie Porte.

Il reste alors 2,5 kilomètres d’ascension que le duo mène grand train pour tâcher de combler les 50 secondes de retard qu’il accuse toujours sur Alessandro De Marchi. Seul, Chris Froome y serait parvenu. Mais c’est pour Richie Porte que roule désormais le Britannique, et son coéquipier n’a pas la même facilité à engloutir la pente. Régulièrement, le Maillot Jaune jette un regard derrière son épaule pour voir comment se porte son équipier. S’ils feront 1 et 2 au classement général, ils ne réussiront pas à contester la victoire d’étape à Risoul, qui revient à De Marchi. Mais chacun ce soir retiendra la nouvelle démonstration de force de Christopher Froome, qui termine loin, très loin, devant ses adversaires à l’issue de la semaine, repoussant Contador (10ème) à 4’27 ». Et il n’est pas dit qu’il ait atteint le fameux pic de forme…

Classement 8ème étape :

1. Alessandro De Marchi (ITA, Cannondale) les 155,5 km en 4h28’09 » (34,8 km/h)
2. Christopher Froome (GBR, Team Sky) à 24 sec.
3. Andrew Talansky (USA, Garmin-Sharp) m.t.
4. Richie Porte (AUS, Team Sky) à 31 sec.
5. Jakob Fuglsang (DAN, Astana) à 38 sec.
6. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 49 sec.
7. Joaquin Rodriguez (ESP, Team Katusha) m.t.
8. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) m.t.
9. Daniel Navarro (ESP, Cofidis) à 55 sec.
10. Rohan Dennis (AUS, Garmin-Sharp) à 1’00 »

Classement général final :

1. Christopher Froome (GBR, Team Sky) en 29h28’46 »
2. Richie Porte (AUS, Team Sky) à 58 sec.
3. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) à 2’12 »
4. Jakob Fuglsang (DAN, Astana) à 2’18 »
5. Daniel Navarro (ESP, Cofidis) à 2’20 »
6. Michael Rogers (AUS, Team Saxo-Tinkoff) à 3’08 »
7. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 3’12 »
8. Rohan Dennis (AUS, Garmin-Sharp) à 3’24 »
9. Samuel Sanchez (ESP, Euskaltel-Euskadi) à 4’25 »
10. Alberto Contador (ESP, Team Saxo-Tinkoff) à 4’27 »