Le 17ème épisode du World Tour Matériel 101 arrive au lendemain du Ventoux Dénivelé Challenges, remporté par Jesus Herrada (Cofidis). Pas une victoire World Tour en l’occurrence mais la proximité de l’épreuve avec le « camp de base » Vélo 101 nous a permis de poursuivre notre série d’interviews auprès des mécaniciens. A tout seigneur tout honneur, c’est auprès de l’un des mécaniciens Cofidis que nous abordons ces aspects mécaniques.

 Jesus Herrada_02Jesus Herrada après l’arrivée du Ventoux Dénivelé Challenge | © Cofidis

Nous avons donc rencontré, Julian Levasseur, 27 ans au compteur et chez Cofidis depuis 1er janvier 2019 après avoir été démarché par l’encadrement lui-même. Julian est tombé dans la potion mécanique depuis son plus jeune âge puisqu’à l’âge de 15 ans il effectuait déjà un stage dans un magasin de cycles avant de bifurquer du côté des amateurs puis des professionnels depuis 2015.

Quel est le côté le plus passionnant de ce métier ?

– J’ai envie de dire : tout. C’est un ensemble, travailler sur du beau matériel, ressentir l’adrénaline, découvrir des paysages, des cultures dans les pays visités ou au sein de l’équipe avec nos colombiens, espagnols, italiens, etc.

J’ai envie de faire ce métier le plus longtemps possible. Tant que ça me plait, je ne vois pas de raison d’aller voir ailleurs. Le jour où je n’aurai plus envie, j’arrêterai.

A l’inverse, quel est le côté le plus contraignant ?

– Je ne sais pas s’il y en a. Des déplacements, certes mais cela fait partie intégrante du métier et je ne le vois pas comme un « vrai défaut ».

Julian Levasseur_02Julian Levasseur | © Vélo 101

Quelles sont les gros moments de stress sur une course comme le Ventoux Dénivelé Challenge ?

– On espère finalement ne pas avoir à descendre de la voiture, ce qui signifie que nous n’avons pas eu de problèmes. Tout cela reste de la mécanique sans compter le risque de chute donc on ne peut évidemment pas tout maitriser même si tout est parfaitement réglé sur le pied d’atelier.

Quelles fonctions précises avez-vous sur cette course ?

– Je suis dans une voiture, avec le Directeur Sportif. Avec des roues et des vélos sur le toit. Selon l’éventuel souci, je vais adapter mon dépannage pour être le plus rapide possible.

Comment gérez-vous le fait d’avoir, sur les grandes courses comme le Tour que vous ferez pour la 1ère fois des gens qui viennent vous voir sur les parkings ? Le voyez-vous comme quelque chose qui vous met en valeur ou bien, est-ce une contrainte dans votre travail ?

– Ce n’est pas dérangeant quand tout va bien mais j’avoue que s’il y a un grain de sable cela peut devenir compliqué. C’est pour cette raison que de plus en plus d’équipes ont des camions qui s’ouvrent ou se referment, afin de bosser plus sereinement.

Julian Levasseur_01Julian Levasseur | © Vélo 101

Quelle est pour vous la principale évolution que vous ayez connu entre l’augmentation du nombre de pignons, les disques, l’électronique ?

– Personnellement, je dirais le Sram eTAP. Je ne crois pas vraiment au mono-plateau en revanche, trop de différences entre les dents. Les coureurs vont s’y perdre et la cassette est forcément moins bien étagée. Mais en tout cas, que de chemin parcouru ! Il y a 12 ans quand j’ai commencé, il me semble que les 10 vitesses venaient d’arriver sur le marché, puis le 11 et 12v aujourd’hui.

La vie d’une équipe, ce sont des changements de partenaires (roues, groupes, cadre). Vous le voyez comme une contrainte ou comme quelque chose qui vous passionne ?

– Je vois cela comme quelque chose d’enrichissant : nouvelles choses donc nouvelles technologies. Des petits trucs à apprendre à chaque fois (forme de cadre, passage de câbles, groupes, etc.). Mais j’aime ça !

Au niveau des innovations qui n’ont pas forcément marché (les tiges de selle intégrées, les freins sous les bases arrière comme à une période où vous étiez avec Look), laquelle retenez-vous en particulier au niveau de vos doutes ?

– C’est vrai que les freins sous les bases arrière, ce n’était pas la meilleure idée. C’est une partie du cadre qui travaille beaucoup, une partie de l’énergie du coureur passe par là. Nous avons donc eu des soucis de frottements en danseuse.

Quel est le coureur le plus méticuleux et le plus motivé pour tout ce qui touche la mécanique que vous ayez eu, entre tous les types de cyclistes, rouleurs, puncheurs, sprinteurs ou grimpeurs ?

– Anthony Perez est très minutieux sur tout ça. C’est le 1er nom qui me vient à l’esprit spontanément.

Nous avons vu sur le Giro quelques changements de roues ou de vélo qui se sont mal passés. Nous pensons par exemple à Victor Campenaerts (Lotto Soudal), sans vouloir accabler son staff, qui a perdu beaucoup de temps sur un Contre La Montre. A l’instar de la Formule 1 et leurs changements de roue qui sont primordiaux, pensez-vous que les mécaniciens doivent s’exercer à ces changements ou les pousser véritablement une fois que les coureurs sont remis en selle ?

– Je ne vous le cache pas, plus jeune je m’entrainais dans mon garage à changer des roues le plus vite possible. Pour la poussée, je m’arrête lorsque le coureur a clipsé ses 2 pieds sur les pédales. J’ai vu le dépannage de Victor Campenaerts au Giro et il y a clairement un manque de coordination entre le mécanicien et le coureur. A priori je n’aurais pas fait comme ça mais il a pu se passer des choses que j’ignore.

Lavage de vélo chez CofidisLavage de vélo chez Cofidis | © Cofidis

Les coureurs communiquent de plus en plus à l’aide des réseaux sociaux. Et ils utilisent aussi des moyens comme WhatsApp pour communiquer avec leurs mécanos alors qu’avant il existait un contact systématiquement direct, par la force des choses. Comment abordez-vous cela ?

– Je préfère le face à face. Mais pour les coureurs, WhatsApp peut être un gain de temps et donc de récupération.

Nous avons parlé des groupes Sram. Regardez-vous ce qui se fait du côté de la concurrence ?

– Oui car cela peut changer d’une année à l’autre ou tout simplement quand des amis me posent des questions, étant du métier je préfère savoir quoi leur répondre (rires).

Comment voyez-vous votre métier et vous dans 10 ans ?

– Bonne question (rires). Tous les ans, on voit bien que ça évolue avec une recherche permanente de la performance et ce, pas seulement en mécanique (cryothérapie, récupération, camions confortables). Dan 10 ans nous aurons peut-être des semi-remorques pour les mécaniciens.

A propos des disques, voyez-vous tout le peloton pro passer aux disques ? Si oui, à quelle échéance ?

– Chaque année, une ou 2 équipes supplémentaires passent aux disques depuis 2 ans. Un jour tout le peloton sera à disques. Mais à titre personnel et en me plaçant du point de vue mécanicien, je n’y suis pas favorable. N’importe quel changement de roue c’est déjà 10 sec de plus supplémentaire, au minimum.

Du côté des points WT Matériel 101 et au risque d’être redondant, aucun changement : en tête nous retrouvons toujours Specialized/Shimano/Roval dont les représentants ont continué de marquer des points sur le Dauphiné Libéré.

 nullLe podium World Tour Matériel 101 | © Vélo 101