Il y a 100 ans, le Tour de France découvrait les Alpes dans un total chaos. Aujourd’hui comme il y a 100 ans, aucun discours, aucune parole ne pouvait faire disparaitre la boule au ventre, ou la chair de poule, tout dépend ressenti par un coureur à la simple vue du profil, au matin. Cette boule au ventre, c’est ce que les 169 rescapés du Tour de France ont certainement ressenti, au départ de cette 18ème étape qui s’annonce comme étant l’étape reine, cette année. Si hier, vers Pinerolo, les favoris se sont neutralisés, Thomas Voeckler (Team Europcar) a perdu quelques secondes suite à une chute en descente et l’on se dit que les difficultés du jour auront raison du garçon, aussi valeureux soit-il. En effet, il semblerait que le profil proposé soit réservé aux grimpeurs de nature, ceux de la trempe d’un Alberto Contador (Saxo Bank-SunGard) ou d’un Samuel Sanchez (Euskaltel-Euskadi), comprenez bien, ceux qui grimpent accompagnés de l’aisance avec laquelle ils respirent. Car le profil de l’étape du jour, il est de ceux qui ont construit la légende. Propice à une offensive de grande envergure, il lui est demandé aujourd’hui de décider si ce n’est du vainqueur, au moins de redessiner en profondeur ce qui doit être le classement général final à Paris, d’ici trois jours.

Aujourd’hui, ce sont trois cols classés hors catégorie qui sont proposés aux coureurs. Trois cols hors catégorie et non des moindres. Puisqu’au début de la journée, il faut gravir le terrible Col d’Agnel avant d’aller chercher les premières rampes du Col d’Izoard. Une fois au sommet, une fois passée la mythique Casse déserte, un morceau de vallée puis le Col du Lautaret avant d’affronter un monstre, ce genre de Col où s’écrit la légende, le Col du Galibier et la plus haute arrivée jamais proposée aux aventuriers juilletistes avec ses 2645 mètres d’altitude. Voilà les caractéristiques d’un terrain mythique posées. Là, l’histoire du Tour de France 2011 peut enfin s’écrire et dès le départ, 16 hommes décident d’anticiper, histoire de basculer au sommet du Col d’Agnel, au moins, en compagnie des meilleurs.

Monfort et Posthuma (Leopard-Trek), Perez Moreno et Urtasun (Euskaltel), Tjallingii (Rabobank), Navardauskas (Garmin), Iglinskiy (Astana), Irizar (Radioshack), Erviti (Movistar), Roche (Ag2r), Devenyns (Quickstep), Bookwalter (BMC), Duque (cofidis), Hondo (Lampre), Delaplace (Saur-Sojasun), Hoogerland (Vacansoleil), ces 16 là vont être rejoints par Delage (FDJ), Burghardt (BMC) et Silin (Katusha). Mais voilà, un simple coup d’oeil à la composition de ce groupe de tête, et l’on se dit que les principaux favoris sont en train de placer leurs pions. Alors, on se met à imaginer une offensive de grande envergure, pourquoi pas. Mais auparavant, le Col d’Agnel est terrible, nombreux sont les coureurs qui souhaitent s’y échapper afin de limiter le temps perdu au sommet. Moncoutié (Cofidis), Leipheimer (RadioShack), entre autres. Dans le groupe Maillot Jaune, l’ascension se fait à un rythme tranquille avant que tous basculent dans la descente et que les Leopard-Trek prennent les devants, c’est eux qui désormais imposent le tempo.

Andy Schleck attaque sur les raides pentes du Col d’Izoard, au pied du Galibier, les favoris commencent à paniquer. 

Car à 62 kilomètres de l’arrivée, ce que tout le monde espérait mais ce que personne n’osait imaginer se produit, Andy Schleck (Leopard-Trek), quatrième au classement général prend ses responsabilités et passe à l’attaque, seul Pierre Rolland (Team Europcar) peut suivre mais attend finalement Thomas Voeckler. Oui mais voilà, l’attaque est belle, le panache extraordinaire, mais ensuite, il faudra dévaler la descente de l’Izoard, puis la vallée direction le pied du Col du Lautaret. Schleck monte à un rythme effreiné, dans la Casse déserte, le Luxembourgeois rêve d’écrire la légende, sa légende. Les favoris s’inquiètent, Contador fait rouler Navarro. Les BMC présents dans l’échappée matinale et repris roulent immédiatement alors qu’en tête de course, Iglinskiy fait un autre numéro. Mais dans la descente, Schleck attendu par Maxime Monfort revient sur le Kazakh dans la traversée de Serre Chevalier. Et surprise, Dries Devenyns travaille avec les Leopard-Trek.

Incroyable que le travail du Belge, étonnant allié du géant luxembourgeois, Andy Schleck qui augmente sans cesse son avance. 3’39 », c’est son avantage au pied du Galibier. Alors que l’on imagine le garçon perdre inévitablement du temps dans les premières pentes du Col du Lautaret, exposées à un vent violent, Andy Schleck augmente encore son avance. Monfort est à bout et laisse alors son coéquipier s’envoler en compagnie d’Ingliskiy et de Nicolas Roche, formidable que le numéro du dossard 101. L’écart atteint les 4’30 » et voilà qu’Alberto Contador décide d’y aller en personne, lui, le triple vainqueur du Tour qui aimerait tant inscrire son nom au palmarès de cette étape, c’est tellement important, d’écrire la légende. L’écart diminue instantanément et voilà que Cadel Evans prend la tête du groupe Maillot Jaune. L’Australien que tout le monde voyait déjà en jaune au soir du contre-la-montre de Grenoble sait que la course est en train de lui échapper, il est en train d’être victime d’une fabuleuse offensive d’un grand champion.

Car la légende s’écrit à travers les victoires et les défaites. Aujourd’hui, elle s’écrit aussi au rythme des grimaces d’Andy Schleck, monstre de courage face à un autre monstre, le Col du Galibier qui est en train d’avoir raison au fil des mètres de son avantage comme il a eu raison quelques mètres auparavant de ses deux anciens compagnons de fugue, Nicolas Roche et Inglinskiy. L’écart parvient finalement à se stabiliser autour des 3’30 » alors qu’il reste à peine 5 kilomètres de course, Cadel Evans réalise une fabuleuse ascension. Il relance sans cesse. Vanendert craque, Taaramae également. Pierre Rolland est encore là, au service de Thomas Voeckler. Les deux Français sont étonnamment tranquilles alors qu’Alberto Contador cède à son tour. Et puis, dans les deux derniers kilomètres, Pierre Rolland se met à rouler pour aller sauver le maillot jaune de son coéquipier. Car l’histoire du Tour de France c’est aussi l’histoire de quelques sacrifices. Devant, Andy Schleck peut pousser un cri de soulagement en passant la ligne, devenant un géant au sommet d’un autre géant. Rolland peine à accélérer le rythme et Voeckler va sauver son maillot jaune en personne. Pour 17″, cette fois. Il avait 22″ d’avance sur Lance Armstrong au sommet du Plateau de Beille il y a 7 ans, oui mais voilà, cette année là une autre page de la légende du Tour s’écrivait. Une page différente de celle qui est en train d’être écrite cette année par Thomas Voeckler.

Demain, il faudra gravir de nouveau l’ascension du Galibier mais par un autre versant, celui du Télégraphe, avant de rejoindre l’Alpe d’Huez et ses mythiques 21 virages.

Classement 18ème étape :

1. Andy Schleck (LUX, leopard-Trek) les 200,5 kilomètres en 6h07’56 »
2. Frank Schleck (LUX, leopard-Trek) à 2’07 »
3. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 2’15 »
4. Ivan Basso (ITA, Liquigas-Cannondale) à 2’18 »
5. Thomas Voeckler (FRA, Team Europcar) à 2’21 »
6. Pierre Rolland (FRA, Team Europcar) à 2’27 »
7. Damiano Cunego (ITA, Lampre-ISD) à 2’33 »
8. Rein Taaramae (EST, Cofidis) à 3’22 »
9. Tom Danielson (USA, Garmin-Cervélo) à 3’25 »
10. Ryder Hesjedal (CAN, Garmin-Cervélo) à 3’31 »

Classement général :

1. Thomas Voeckler (FRA, Team Europcar) en 79h34’06 »
2. Andy Schleck (LUX, Leopard-Trek) à 15 sec.
3. Frank Schleck (LUX, Leopard-Trek) à 1’08 »
4. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 1’12 »
5. Damiano Cunego (ITA, Lampre-ISD) à 3’46 »
6. Ivan Basso (ITA, Liquigas-Cannondale) m.t.
7. Alberto Contador (ESP, Saxo Bank-SunGard) à 4’44 »
8. Samuel Sanchez (ESP, Euskaltel-Euskadi) à 5’20 »
9. Tom Danielson (USA, Garmin-Cervélo) à 7’08 »
10. Jean-Christophe Péraud (FRA, Ag2r La Mondiale) à 9’27 »

Classement par points :

1. Mark Cavendish (GBR, HTC-Highroad) 300 pt
2. José-Joaquin Rojas (ESP, Movistar Team) 285 pt
3. Philippe Gilbert (BEL, Omega Pharma-Lotto) 230 pt
4. Thor Hushovd (NOR, Garmin-Cervélo) 215 pt
5. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 180 pt
6. Edvald Boasson Hagen (NOR, Team Sky) 153 pt
6. André Greipel (ALL, Omega Phrama-Lotto) 150 pt
8. Tyler Farrar (USA, Garmin-Cervélo) 121 pt
9. Mickaël Delage (FRA, FDJ) 102 pt
10. Jérémy Roy (FRA, FDJ) 87 pt

Classement de la montagne :

1. Jelle Vanendert (BEL, Omega Pharma-Lotto) 74 pt
2. Samuel Sanchez (ESP, Euskaltel-Euskadi) 72 pt
3. Andy Schleck (LUX, Leopard-Trek) 70 pt
4. Frank Schleck (LUX, Leopard-Trek) 56 pt
5. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 50 pt
6. Jérémy Roy (FRA, FDJ) 45 pt
7. Maxim Iglinskiy (KAZ, Astana) 40 pt
8. Sylvain Chavanel (FRA, Quick Step) 38 pt
9. Johnny Hoogerland (PBS, Vacansoleil-DCM) 38 pt
10. Ivan Basso (ITA, Liquigas-Cannondale) 32 pt

Classement des jeunes :

1. Rein Taaramae (EST, Cofidis) en 79h43’42 »
2. Pierre Rolland (FRA, Team Europcar) à 33 sec.
3. Rigoberto Uran (COL, Team Sky) à 3’10 »
4. Jérôme Coppel (FRA, Saur-Sojasun) à 5’54 »
5. Arnold Jeannesson (FRA, FDJ) à 5’56 »
6. Rob Ruijgh (PBS, Vacansoleil-DCM) à 10’29 »
7. Geraint Thomas (GBR, Team Sky) à 39’17 »
8. Robert Gesink (PBS, Rabobank) à 42’49 »
9. Andrey Zeits (KAZ, Astana) à 53’56 »
10. Cyril Gautier (FRA, Team Europcar) à 1h01’27 »

Classement par équipes :

1. Team Garmin-Cervélo (USA) en 238h16’08 »
2. Ag2r La Mondiale (FRA) à 10’30 »
3. Team Leopard-Trek (LUX) à 11’06 »
4. Katusha (RUS) à 28’42 »
5. Team Europcar (FRA) à 29’21 »
6. Team Sky (GBR) à 39’26 »
7. Euskaltel-Euskadi (ESP) à 42’26 »
8. Saxo Bank-SunGard (DAN) à 1h06’27 »
9. RadioShack (USA) à 1h18’37 »
10. FDJ (FRA) à 1h18’49 »