Au moment où démarre la seconde quinzaine d’avril, ce beau mois des classiques, ce sont les épreuves ardennaises qui entrent en scène avec le triptyque Amstel-Flèche-Liège, par ordre chronologique mais aussi par ordre croissant tant en âge qu’en prestige. L’Amstel Gold Race est une course convoitée mais elle demeure la plus jeune des classiques du calendrier, créée en 1966. La plus importance course des Pays-Bas ne revêt donc pas l’enjeu d’un Liège-Bastogne-Liège, mais les plus grands spécialistes de ce type de courses ont tous fait le déplacement aujourd’hui et chacun va vouloir briller sur le sol néerlandais, bien plus vallonné qu’il n’y paraît dans ce coin des Pays-Bas frontalier avec l’Allemagne et la Belgique. Seuls 40 kilomètres séparent Valkenburg, cité du Limbourg autour de laquelle se dispute l’Amstel, de Liège…

Sous de magnifiques conditions d’ensoleillement, l’épreuve du jour est, de toutes les classiques ardennaises, celle qui s’apparente le mieux à un Tour des Flandres. Aussi, plusieurs amateurs de flandriennes ont choisi de disputer cette première classique. Les pavés ne sont plus au menu mais les côtes sont raides, les routes étroites. Bref, il faut savoir manœuvrer sans trop de casse sur ces routes biscornues où les pépins mécaniques et les chutes provoquent bien souvent une première sélection parmi les favoris, avant même la difficulté du terrain. On compte trente-deux côtes pentues à escalader aujourd’hui. Un programme qui ne semble pas inquiéter le peloton. Profitant des superbes conditions climatiques, celui-ci entame la couse à vive allure. 46 kilomètres sont couverts dans la première heure.

Ce n’est qu’à l’issue de cette heure intensive que se forme l’échappée matinale autour de quatre concurrents : Paolo De Negri (Farnese Vini-Neri Sottoli), Thomas Degand (Veranda’s Willems-Accent), Simone Ponzi (Liquigas-Cannondale) et Albert Timmer (Skil-Shimano). Les favoris ne sont pas pressés de faire la course en tête, alors ils autorisent sans souci le quatuor échappé à prendre plusieurs minutes d’avance jusqu’à douze exactement, avant que le tempo ne soit rehaussé et que l’écart ne se comble lentement mais sûrement. Dans la deuxième ascension noire de monde du Cauberg, à 76 kilomètres du but, le peloton est d’ailleurs quasiment revenu sur les hommes de tête. Ponzi et Timmer lâchent prise, pas De Negri et Degand, qui bénéficient alors d’un sursis en tête de course. Avec le renfort de Carlos Barredo (Rabobank) et Jan Ghyselinck (HTC-Highroad), revenus de l’arrière, ils reprennent un peu de champ.

Une course d’usure marquée par une nouvelle temporisation des favoris.

En fait, les favoris ne souhaitent pas lancer la course avant le final escarpé de l’Amstel Gold Race. Dans les 40 derniers kilomètres s’enchaînent sept difficultés, et c’est ici que doit se décider cette course d’usure dans laquelle la stratégie semble moins prépondérante qu’ailleurs. Bien souvent en effet, l’Amstel Gold Race se résume à une course d’élimination dans les côtes finales pour un affrontement décisif entre les favoris sur les pentes du Cauberg (1000 mètres à 8 %), au sommet duquel est tracée la ligne d’arrivée. On assiste donc à une temporisation des favoris, un peu comme à Roubaix dimanche dernier, sauf que cette fois il n’y a personne devant. Les quatre éclaireurs sont en effet rejoints à 35 kilomètres du but, et il n’y a plus qu’à observer le comportement des favoris dans l’attente de l’escalade finale, sur laquelle ils se concentrent.

On voit bien Johnny Hoogerland (Vacansoleil-DCM) s’essayer timidement dans le Gulperberg, Alexandr Kolobnev (Team Katusha) l’imiter dans l’Eyserbosweg. Mais si le peloton se rompt sur chaque accélération, la phase de temporisation qui s’ensuit permet toujours aux coureurs décrochés de faire leur retour sur la tête de course entre deux difficultés. Cela n’empêche pas les attaquants isolés de poursuivre leurs tentatives. Ainsi voit-on, dans les 15 derniers kilomètres, Philippe Gilbert (Omega Pharma-Lotto) accélérer dans le Fromberg, Joaquim Rodriguez (Team Katusha) attaquer plus franchement dans le Keutenberg. Mais c’est une attaque d’Andy Schleck (Team Leopard-Trek) à 11 kilomètres de l’arrivée qui va être la plus convaincante. Il démarre à l’entame d’une section descendante. Il accomplit les 10 derniers kilomètres en solitaire sans pour autant creuser l’écart sur un peloton réduit à une douzaine de concurrents.

Andy Schleck aborde en tête la montée finale du Cauberg, mais ses poursuivants sont dans son ombre et le Luxembourgeois va se faire enrhumer en pleine ascension. De l’arrière en effet surgit à nouveau Joaquim Rodriguez, flanqué de Philippe Gilbert. L’Espagnol est explosif mais il offre surtout une rampe de lancement inespérée au Belge. Celui-ci déboîte bientôt pour fournir l’effort qui lui permettra de ravir l’Amstel Gold Race pour la seconde année de suite, une performance rare. Il s’impose devant Joaquim Rodriguez et Simon Gerrans (Team Sky). Quatre jours après sa victoire sur la Flèche Brabançonne, considérée comme l’épreuve de transition entre les Flandriennes et les Ardennaises, Philippe Gilbert s’affirme bel et bien comme le plus fort. De là à poursuivre sa série sur la Flèche Wallonne et à Liège , c’est une autre histoire.

Classement :

1. Philippe Gilbert (BEL, Omega Pharma-Lotto) les 260,4 km en 6h30’44 »
2. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) à 2 sec.
3. Simon Gerrans (AUS, Team Sky) à 4 sec.
4. Jakob Fuglsang (DAN, Team Leopard-Trek) à 5 sec.
5. Alexandr Kolobnev (RUS, Team Katusha) m.t.
6. Oscar Freire (ESP, Rabobank) m.t.
7. Björn Leukemans (BEL, Vacansoleil-DCM) à 7 sec.
8. Ben Hermans (BEL, RadioShack) à 18 sec.
9. Robert Gesink (PBS, Rabobank) à 19 sec.
10. Paul Martens (ALL, Rabobank) à 26 sec.