Aurélien, on t’a senti serein et lucide tout au long de la course, c’était ta journée ?
Mon but était d’être dans les cinq, voire sur le podium, et c’est la victoire ! Je craignais la course d’équipe de la FDJ-BigMat. Il ne fallait pas qu’ils en laissent partir un pour qu’il prenne 30 secondes et qu’on ne le revoie plus. J’ai donc sauté sur tout ce qui bougeait, mais je le dois à une excellente condition physique. J’étais bien, je n’ai pas fait le chien fou, et tout m’a souri.

Tu n’as jamais semblé en souffrance aux avant-postes ?
Je n’ai jamais vraiment été dans le dur pendant la course. Par moments on faisait le trou et je ne comprenais pas pourquoi ça n’allait pas plus vite. A un moment donné j’avais envie d’attaquer mais on m’a dit au bord du circuit de ne pas le faire. Et puis je n’ai pas osé face à trois coureurs de la FDJ. J’ai préféré attendre la fin, sans être confiant pour autant. Je savais que Francis Mourey et Steve Chainel allaient vite au sprint, mais du fait qu’il fallait accélérer dur après les planches, je me suis dit que nous serions davantage à égalité.

Tu as décidé de passer devant au sortir des planches, que s’est-il alors passé dans ta tête ?
J’ai accéléré, Steve a tout de suite pris ma roue. J’ai coupé mon effort afin de ne pas l’emmener. Il est passé devant à un bon rythme, sans accélérer. Moi je voulais juste virer en tête dans la dernière ligne droite, ce que j’ai fait. J’ai relancé tout de suite, j’ai pris quelques mètres. Steve a eu un problème avec sa pédale mais je ne m’en suis pas rendu compte. J’ai regardé devant, je ne voyais pas de vélo dans ma roue arrière, c’était bon !

A cet instant, qu’as-tu ressenti ?
Une immense joie. J’ai été suspendu deux ans, je n’ai repris la compétition que le 23 octobre. Ça ne fait jamais que deux mois et demi. Etre champion de France Elite, c’est correct ! J’avais déjà été champion de France chez les Juniors et les Espoirs. Après, ce n’est jamais qu’une course de vélo. Mais champion de France, c’est bien, surtout pour une première chez les Elites. Et c’est important pour mon entourage.

Tu reviens de deux années de suspension, comment as-tu vécu cette période ?
J’ai été suspendu le 23 octobre 2009. J’ai arrêté le vélo pendant quinze mois complets. J’ai travaillé dans l’entreprise de travaux publics de mon père. En février dernier, l’idée de reprendre m’est venue. J’ai rouloté jusqu’à reprendre sérieusement le 1er juin. Je voulais arrêter mais mon entourage a voulu que je recommence, ce que j’ai fait. Mais je ne vois plus le vélo comme avant. Si demain je dois arrêter pour monter sur une pelle faire des travaux publics, je serai aussi heureux.

A l’époque, alors que tu étais pro à la Française des Jeux, tu avais été contrôlé positif à un stimulant utilisé comme coupe-faim, quel en fut le contexte ?
A ce jour, je ne sais toujours pas d’où est sorti ce produit, peut-être d’une barre de céréales… C’est un produit autorisé à l’entraînement qui s’élimine dans les urines en trente-six heures, pas un produit lourd comme de l’EPO ou une transfusion sanguine. Je ne suis pas un grand bandit ! Mais toutes les affaires ne sont pas traitées à l’identique selon qu’on s’appelle Aurélien Duval ou Alberto Contador.

Quel était ton objectif en reprenant le vélo ?
Je voulais faire une bonne saison. Mais je ne sacrifierai pas des années de ma vie pour courir chez les amateurs. Je ne vis pas du monde du vélo, j’en survis grâce aux primes. Je vais peut-être continuer encore un peu même si je ne passe pas pro, ne serait-ce que pour honorer ce maillot. Et puis des portes vont peut-être s’ouvrir…

Tu as des pistes ?
J’ignore si une équipe française me reprendra, certains disent qu’il existe une charte, d’autres non. Peut-être qu’un directeur sportif qui a du tempérament me reprendra. J’ai repris le vélo pour gagner des courses, pas dans un esprit de revanche. Et si on ne veut pas de moi en France, j’irai sans doute courir en Belgique, avec laquelle je suis frontalier.

Pensais-tu retrouver un tel niveau en reprenant la compétition en octobre ?
Oui et non. Je savais qu’en m’entraînant bien j’allais avoir une condition physique correcte. De là à devenir champion de France… La Coupe du Monde de Namur m’a rassuré mais le circuit était très spécial, c’était dur. Là où j’ai pris confiance, c’était à Loenhout, le 28 décembre, où j’ai terminé 10ème sur un circuit roulant. Ce résultat m’a mis en confiance mais j’ai attrapé une sinusite dans la foulée, ce qui fait que j’étais assez mal cette semaine.

Croyais-tu Francis Mourey imbattable sur un Championnat de France ?
Non, car comme il le dit lui-même, personne n’est imbattable. Je pensais que ça aurait été plus dur avec les trois coureurs de la FDJ. Ça ne m’a pas semblé aussi rude. Il faut croire que c’était ma bonne heure, de 15h30 à 16h30, comme Francis ou Steve en ont déjà connu. Tout m’a souri aujourd’hui.

Quelle va être ton ambition au Mondial ?
Il reste trois semaines et la course se déroulera dans le sable. En plus je vais partir loin comme je n’ai pas beaucoup de points UCI. C’est dur de se fixer un objectif. Si je peux aller là-bas, que j’ai une bonne condition et que je prends un bon départ, je ferai du mieux que je peux pour honorer une sélection.

Propos recueillis à Quelneuc le 8 janvier 2012.