Clément, vous êtes tombé ce week-end à Essenbach. Quelles séquelles de votre chute avez-vous gardées ?
J’ai chuté dans un dévers où tout le monde tombait. C’était très glissant et j’ai fait un mauvais choix de boyau au départ. Jusqu’à la reco à 13h, ça passait très bien, mais en course, il n’y avait plus grand monde qui passait à vélo. J’ai reçu un bon choc et j’ai cassé ma chaussure, c’est ce qui m’a poussé à abandonner. Le genou est touché, à froid c’était forcément douloureux, mais au final il n’y a rien de trop grave. J’ai fait un début de semaine plutôt tranquille. C’est presque guéri. Il n’y aura pas de complication. Ça ne remet pas en cause ma participation à la Coupe du Monde de Namur dimanche.

Le circuit de Namur vous a pourtant régulièrement souri par le passé chez les Espoirs.
Oui, j’ai toujours fait de bonnes places sur ce circuit, même si une partie m’est clairement défavorable. Il y a une bonne butte à pied, un domaine où je n’excelle pas forcément. Mais j’ai toujours réussi à tirer mon épingle du jeu. Il n’a pas plu ces derniers jours, donc on aura peut-être un circuit différent de ces deux dernières années. Avec Valkenburg, c’est l’un des circuits les plus durs de la saison.

Au vu de votre condition, que pouvez-vous y attendre ?
Effectivement, j’aurai peut-être un degré de forme moindre du fait que je n’ai pas fait une course pleine ce week-end. Je rentrais d’un stage en Espagne avec Cofidis et j’aurais aimé conclure cette bonne base de travail sur un cyclo-cross. J’ai pu refaire du cyclo-cross et des intensités jeudi, même si on ne peut jamais simuler une course à l’entraînement. Je serai donc un peu moins bien, mais ça peut bien se dérouler tout de même.

En quoi a consisté ce stage ?
Les routiers ont pu faire des sorties d’endurance classiques. Nous ne sommes qu’en décembre, ils ont encore le temps, contrairement à moi. Pour moi, ce stage lançait la deuxième partie de saison faite d’objectifs importants avec le Championnat de France et le Championnat du Monde. J’ai pu partager une sortie avec eux le mercredi, mais mon programme a été différent d’eux.

Comment votre programme a-t-il été adapté ?
Je suis arrivé le lundi, soit un jour avant eux, et je suis parti le samedi matin pour disputer la manche d’EKZ Cross Tour à Essenbach. J’ai fait un début de semaine très élevé avec pas mal de scooter et pas mal d’heures de vélo. J’ai aussi fait du spécifique pour le cyclo-cross. Je vais en tirer les bénéfices rapidement. Mis à part le mercredi où j’ai roulé avec mes coéquipiers, j’étais souvent avec les entraîneurs Jacques Decrion et Vincent Villerius en scooter.

Une nouvelle saison commence, la première a été très riche en résultats vous concernant puisque vous êtes le troisième coureur le plus victorieux derrière Wout Van Aert et Jeremy Powers. Vous attendiez-vous à vivre un tel début de saison ?
Non, très honnêtement, en septembre, je ne m’attendais pas à me situer à ce niveau-là. Tout s’est bien déroulé. Je ressens les bienfaits de la route depuis le début de la saison. Je ne suis pas arrivé mieux préparé que les saisons précédentes. Je suis resté fidèle à mes habitudes, avec seulement une course par étapes supplémentaire, le Tour du Poitou-Charentes, lors de ma reprise. Mais d’entrée de jeu, j’ai senti de bonnes sensations sur les cyclo-cross. Ma première partie de saison a été réussie. J’espère continuer sur cette lancée pour la deuxième. C’est là où les titres se jouent. C’est là où il faut gagner.

Comment expliquez-vous ce cap passé cet hiver ?
Je dirais d’abord qu’il y a une petite différence. L’an dernier j’étais peut-être dans l’ombre et cette année, je suis dans la lumière. Je veux dire par là que je suis souvent resté en marge du podium, mais je fais 4ème du Championnat du Monde, 5ème sur les Coupes du Monde. Cette année, j’ai gagné davantage. C’est ce qui fait qu’on parle plus de moi.

Au-delà de ces considérations, il y a aussi une question de physique.
Oui, j’ai dû franchir un palier avec un nombre de courses sur route plus important, avec un niveau également plus élevé. J’ai pu disputer la Flèche Wallonne, Paris-Roubaix, le Tour des Flandres, même si je n’ai pas terminé. Tout cela pèse dans la balance. C’est ce qui permet de passer des caps physiquement. Je n’ai que 22 ans et je sens que j’ai encore une bonne marge de progression.

On parle souvent de passation de pouvoir entre Francis Mourey et vous. Êtes-vous de cet avis ?
Je dirai ça en fin de saison. On ne pourra en parler que si j’ai gagné la Coupe de France, le Championnat de France et que je reste numéro un français au classement UCI. Mais je suis loin d’avoir gagné tout ce que Francis a pu gagner au cours des douze dernières années. Je le répète, je n’ai que 22 ans, je trace ma route tout doucement.

Cela veut-il dire que sans titre national, vous ne serez pas satisfait de votre saison ?
Ce serait une réelle déception, c’est certain. Mais ma saison ne serait pas ratée pour autant. J’ai remporté sept cross UCI. Je suis bien parti pour remporter la Coupe de France, même si on n’est jamais à l’abri d’une maladie ou d’un problème. Un Championnat de France, c’est une course d’un jour, il y a des choses que l’on ne contrôle pas. Je n’aurai de toute façon pas tout perdu. Mais une victoire au Championnat de France peut tout effacer. Je veux dire par là qu’il suffit parfois de gagner une course pour que la saison soit jugée réussie. Je vais tout faire pour être au top de ma forme le jour J. J’ai su gagner des Championnats par le passé, j’espère que ce sera le cas en janvier prochain. Une chose est certaine, le scénario du dernier Championnat de France ne sera pas répété. Il m’a servi de leçon.

Toujours est-il que vous êtes pour l’heure invaincu sur la scène nationale. Que vous manque-t-il pour que cette domination se concrétise à l’échelle mondiale ?
Cette saison, je n’ai eu que trois confrontations internationales en Belgique et aux Pays-Bas. Je participe également aux épreuves suisses où le niveau est certes élevé, mais où les cadors mondiaux sont absents. À Valkenburg, j’ai crevé dès le premier tour, je n’ai pas pris la course dans le bon sens, mais je termine 8ème avec le 5ème à 20 secondes. J’ai fait une belle Coupe du Monde qui peut me laisser entrevoir de belles choses. Au Championnat d’Europe, je n’étais pas trop à mon avantage avec beaucoup de sable, beaucoup de course à pied. C’est difficile de se mettre des objectifs sur des circuits qui ne nous correspondent pas. Le lendemain, je suis au SuperPrestige de Ruddevoorde où je termine 11ème, mais où je perds deux places dans le dernier tour, rien que dans un seul bac à sable que je devais passer à pied, mais que tous les autres passaient à vélo. Je vais maintenant m’attaquer à une grosse période avec Namur, Zolder, Diegem et Flamanville qui me permettra de me confronter aux spécialistes de la discipline. C’est en courant avec eux que je vais me rapprocher d’eux et progresser. J’espère que ce mois de décembre pourra me permettre de franchir un nouveau cap physique, mental et technique.

Il est pourtant rare de voir un Français courir un SuperPrestige.
C’est avant tout une question de logistique pour les équipes françaises. Pour faire des SuperPrestige ou des Bpost Bank Trofee, il faut avoir les moyens derrière. Ce n’était pas du tout prévu avec Cofidis de participer à plus de courses internationales. Mais peut-être que l’an prochain, mon programme sera différent. Il suffit qu’une équipe s’investisse et le coureur peut le faire. Avoir des prix de départ et des contrats en Belgique reste possible. J’ai par exemple pu rencontrer l’organisateur de Spa-Francorchamps à Ruddervoorde. Il était d’accord pour me donner une prime de départ et défrayer mes déplacements.

Le service course de Cofidis étant basé à Bondues dans le Nord, cela peut-il faciliter vos déplacements en Belgique à l’avenir ?
Pour cette année, l’équipe Cofidis s’est déjà beaucoup investie. Ils n’ont pas un passé de cyclo-cross et font leur début dans la discipline. Je vais peut-être avoir une discussion avec eux en fin d’année pour savoir comment je vais gérer la saison prochaine. L’idée serait peut-être de courir plus souvent sur les SuperPrestige et les Bpost Bank Trofee. C’est en côtoyant les meilleurs tous les week-ends que l’on progresse. Les circuits belges sont aussi plus difficiles que les nôtres. Même si nous avons de beaux circuits en France, il est difficile de trouver des circuits vraiment très techniques. Faire plus de cross belges, c’est sûrement possible et c’est indispensable à ma progression.

Propos recueillis le 17 décembre 2015.