Anthony, vous faites partie des coureurs qui ne repartiront pas cette saison. Qu’est-ce qui vous a poussé à mettre un terme prématuré à votre carrière ?
J’avais des problèmes de dos et je n’arrivais plus à être au niveau chez les professionnels, tout simplement. Sur des courses par étapes, j’avais des contractures dès le deuxième jour, le dos bloqué, la jambe qui s’engourdissait à l’effort. Dans la vie de tous les jours, dès que j’étais en station debout trop longtemps, tout de suite j’avais des douleurs sciatiques. C’est allé mieux après une opération d’une hernie discale mais sur le vélo je ne récupérais toujours pas, j’avais le dos trop raide. Au bout d’un moment, quand on fait toujours des sacrifices et que le problème ne se solutionne pas, il faut s’arrêter. Ma carrière est terminée même si au fond de moi je garde la flamme. Je suis un compétiteur avant tout et je garde le secret espoir de reprendre la compétition dans six mois ou un an si les choses venaient à s’améliorer. Mais ça c’est surtout dans ma tête.

D’où sont venus vos ennuis de santé ?
Peut-être de ma morphologie, peut-être aussi de l’accumulation des chutes. Ça a commencé dès 2005. Au fur et à mesure des années, j’ai fait de plus en plus d’étirements, de plus en plus de gainage, ça m’a soulagé mais avec l’accumulation des courses et le poids des années, je ne pouvais pas faire plus. J’ai tenté l’opération pour poursuivre mon activité physique, aujourd’hui je suis bien dans la vie de tous les jours, c’est ce qui compte, mais pour la pratique du sport ça reste compliqué. J’ai parlé avec de nombreux anciens coureurs, Jean-Cyril Robin et Pascal Déramé notamment, qui m’ont dit avoir terminé leur carrière comme ça. J’ai fait une belle carrière, il me manque seulement une participation au Tour de France, sans quoi je n’ai aucun regret.

Comment s’est mûrie dans votre tête votre décision d’en rester là ?
Ça faisait déjà deux ans que j’y pensais. Mais tant que je gagnais des courses et que j’arrivais à me battre avec les meilleurs, je continuais. Néanmoins j’abandonnais chaque année une quinzaine de courses à cause de ça… Je finissais par ne plus prendre de plaisir. A l’entraînement, je partais déjà avec des douleurs, ça m’obligeait à raccourcir mes sorties. Il me fallait jongler avec ça. Puis le déclic s’est produit à la Jean-Cyril Robin, la cyclo que j’ai disputée le 7 septembre. Dans la tête j’avais déjà quasiment fait le deuil de ma carrière. J’étais en fin de contrat avec Ag2r La Mondiale. Et sur la cyclo mon dos s’est bloqué, je ne pouvais presque plus pédaler. J’ai terminé dans un groupe loin des premiers. A ce moment c’est devenu clair et net : j’arrêtais.

Aujourd’hui, quel est le sentiment qui vous anime à la fin de votre carrière ?
Je nourris de la déception de n’avoir pu continuer, mais en même temps je suis tout de même fier de ce que j’ai accompli, heureux d’avoir vécu cette expérience chez les professionnels. Ça en a valu la peine. J’en repars avec de très bons souvenirs et des choses gravées à jamais. Mais c’est vrai que déception et soulagement se conjuguent. Ne plus souffrir et ne plus avoir ces douleurs qui te bouffent aussi psychologiquement, c’est du bonheur. Aujourd’hui je suis heureux avec ma femme et mes enfants. J’en profite un max, je vis ma vie de famille à fond, et je suis aussi redevenu plus appréciable au quotidien, puisque moins aigri.

Avez-vous eu le temps d’envisager votre reconversion ?
Je ne voulais pas y penser tant que j’étais coureur. Tant que j’étais dans la carrière, je me disais qu’il me fallait rester concentré là-dessus. Avec mes soucis de dos, je m’étais dit que si en plus je commençais à travailler sur ma reconversion, il me serait facile de lâcher pour partir sur d’autres projets. Je suis maintenant au chômage mais je vais mettre les prochains mois à profit pour réaliser des formations et passer mon Brevet d’Etat pour pouvoir me reconvertir correctement.

Vous avez des projets ?
J’en ai plein ! Le président de l’UC Nantes-Atlantique, Marcel Knowles, m’a appelé. Je vais faire des vacations au club en tant que conseiller. J’irai sur des courses de temps en temps, et peut-être de plus en plus régulièrement au fil du temps. J’agirai surtout auprès de l’équipe réserve et parfois avec la DN1. Dans le même temps, je vais passer mon Brevet d’Etat pour, pourquoi pas, intégrer le staff du team en tant que directeur sportif.

Rester dans le cyclisme, c’est inévitable ?
Ça ne l’est pas, non, mais je suis bien dans ce milieu et si je peux y rester je le ferai. J’ai aussi d’autres projets de reconversion, dans le commerce notamment. J’avais pensé à devenir pompier également mais avec mon dos ce sera compliqué, d’autant plus qu’il n’y a pas de concours d’entrée tous les ans et que le prochain aura lieu dans trois ans. Tout cela m’a freiné. Mais je ne manque pas de projets et je sais que certaines choses viendront assurément à mûrir un jour ou l’autre.