Arnold, après une saison 2015 difficile, le fait de changer d’air en rejoignant l’équipe Cofidis était-il nécessaire pour donner un nouvel élan à votre carrière  ?
Oui, j’ai vécu une année 2015 difficile chez FDJ. Cet été, j’ai regardé les autres équipes pour voir où je pouvais trouver une place intéressante et où je pouvais me relancer. D’autres équipes m’intéressaient, mais le projet de Cofidis était le plus attirant. Quand j’ai rencontré Yvon Sanquer, il m’a convaincu de le rejoindre. Dès l’été 2015, j’étais fixé sur mon avenir. C’était la meilleure option pour la suite de ma carrière.

Quelles sont les attentes de Cofidis à votre égard  ? 
J’arrive pour compléter l’équipe. Nacer est là pour les sprints, mais pour des courses comme Paris-Nice, il faut aussi être présent sur des étapes vallonnées ou montagneuses. Ce sera mon rôle. Ce sera à moi de placer la voiture et d’aller chercher des résultats. Ce sera comme ça tout au long de la saison. Nacer et moi avons déjà travaillé ensemble chez FDJ. Nous nous entendons bien. Je peux lui apporter quelques petites choses sur les courses, comme du placement avant les sprints. La saison n’est pas à résumer que sur le Tour ou Paris-Nice. Il y a plein d’autres courses à côté. Il faudra que j’aille marquer des points et chercher des résultats sur ces courses qui peuvent correspondre à mon profil.

Il y aura donc une part d’objectifs individuels et une part d’objectifs collectifs  ?
C’est ça. Nacer restera le scoreur de l’équipe. C’est lui qui ira chercher les victoires, mais d’autres coureurs auront leur chance. L’an dernier, Nacer a remporté onze victoires sur un total de vingt. Cela veut bien dire que des jeunes savent gagner. Je serai là pour les aider en espérant gagner moi aussi. Les objectifs seront élevés. J’essaierai de jouer le général sur Paris-Nice. Un Top 10, ce serait parfait. Je l’ai déjà fait, donc je pense pouvoir signer à nouveau de bons résultats sur des courses WorldTour.

Mis à part Paris-Nice quels seront vos objectifs  ? 
Après le GP La Marseillaise, j’enchaînerai avec l’Etoile de Bessèges, la Méditerranéenne, la Drôme Classic et la Classic Sud-Ardèche. Mais il y a certaines belles courses au-delà de Paris-Nice comme le Critérium International, le Tour du Pays Basque ou le Critérium du Dauphiné en préparation du Tour. Tout cela reste flou. Il faudra ajuster cela au fil de la saison en fonction de la manière dont se dérouleront les choses. Je découvre l’équipe, je dois trouver mes repères. Une fois que j’aurai pris mes marques, cela passera bien.

Sur ces objectifs, il vous faudra cohabiter avec Daniel Navarro…
Nous avons un programme bien chargé. De toute façon, nous n’allons pas nous voir tout de suite puisqu’il aura un programme espagnol pour commencer la saison. Nous allons nous répartir les rôles toute l’année. On ne sera pas assez de deux grimpeurs. Cela ne m’empêchera pas de travailler pour lui sur certains grands rendez-vous et inversement. On fera selon la forme du moment. Il y aura aussi le Tour d’Espagne qui sera intéressant que ce soit pour lui ou pour moi.

Après plusieurs mois passés comme équipier de Thibaut Pinot, vos responsabilités seront plus grandes et vous serez attendus à titre individuel. Comment appréhendez-vous ce nouveau statut  ? 
Ça me change un peu, mais j’avais aussi de la pression auparavant parce qu’il fallait que je sois là pour épauler un leader. J’étais dans l’ombre, je passe aujourd’hui dans la lumière. On me demande de faire des résultats, mais j’en ai déjà fait. C’est une pression oui, mais je n’en ai pas peur. J’ai eu 30 ans, je suis arrivé à maturité, ce sera ma neuvième année professionnelle. C’est ce qui fait que j’aurais moins peur d’aller sur les courses.

Pour des raisons différentes, la peur, vous l’avez connue l’an dernier. Suite à votre chute au GP de la Somme, vous disiez avoir peur sur le vélo. Avez-vous songé à mettre fin à votre carrière  ? 
Je me suis posé la question oui. J’avais même décidé d’arrêter à un moment. Après réflexion au mois de juin, je me suis finalement dit que je n’arrêterai pas tout de suite. Je voulais voir si j’allais retrouver du plaisir sur la fin de saison. Des amis, des proches m’ont conseillé. Je me suis dit que ce serait dommage d’arrêter là-dessus. Je voulais voir ce que ça pourrait donner dans une autre équipe pour me relancer. C’est cette option que j’ai prise.

Que ressentiez-vous dans les mois qui ont suivi cette chute  ?
Quand on chute, on peut parfois se relever rapidement. Ça m’est déjà arrivé. Sauf que là, c’était une chute un peu différente. J’ai été touché au visage. Même si ce n’était pas très grave, ça impressionne. J’ai tout de même eu sept points de suture autour de la bouche, une dent de cassée et des contusions partout. On se demande alors si ça vaut la peine de faire du vélo si l’on se retrouve dans un état comme ça. Quand je suis arrivé chez moi et que ma femme m’a vu, ça lui a fait peur. Finalement après quelques mois, on efface tout cela. On se dit que ce sont les risques du métier, qu’il faut espérer que la chance tourne et que ça n’arrive plus.

Quelles séquelles avez-vous gardées  ?
Les cicatrices sont encore là. Quand je me regarde dans la glace, c’est ce que je vois sur mon visage. Aujourd’hui, j’ai moins d’appréhension. Sur la fin de saison, j’ai repris du plaisir sur le vélo. Ce qui n’était pas le cas lors des six mois précédents. Que ce soit en raison de cette chute ou des problèmes que j’ai rencontrés avant. C’était l’année la plus catastrophique de ma carrière. En fait, c’est cet enchaînement d’événements qui m’a poussé à m’interroger sur la suite de ma carrière. Pas uniquement cette chute.

2016 sera donc l’année de la revanche. 
J’ai pris du plaisir chez FDJ, mais la saison dernière avait été un peu plus compliquée. C’est là que je me suis rendu compte que j’avais un peu moins de soutien et que personne n’était irremplaçable. Il était peut-être bon d’aller voir ailleurs pour jouer ma carte personnelle. J’ai eu 30 ans il y a quelques jours. Ma carrière est déjà bien entamée, j’ai déjà fait plus de la moitié, c’est certain. Il faut aussi que je mette des petites lignes sur mon palmarès car pour le moment, il est un peu léger.

Vous êtes confiant quant à la possibilité de retrouver le niveau qui vous avait permis de terminer 15ème du Tour en 2011  ? 
Je ne dirai même pas que mon meilleur niveau date de 2011. Il y a deux ans, j’ai ressenti que j’avais passé des paliers supplémentaires. Même si je n’avais plus les résultats, en épaulant Thibaut Pinot, j’étais dans les dix meilleurs grimpeurs du Tour et je pense que, sur certains jours, j’étais même plus fort que lui. Ce niveau, je l’avais même si je l’avais mis au service de l’équipe. Je pouvais avoir des résultats, mais je me suis sacrifié. Je n’ai pas de regrets là-dessus parce que j’ai été récompensé et l’équipe m’a fait confiance. Aujourd’hui, j’ai envie de faire autre chose et de penser à moi.

Vous n’avez fait aucune apparition nationale ou même régionale en cyclo-cross cet hiver. Pourquoi  ?
C’est un choix personnel. J’ai fait deux ou trois cyclo-cross pour me faire plaisir près de Challans pour répondre aux invitations. La priorité reste la route, le cyclo-cross, c’est du plaisir. J’ai vraiment envie de bien faire cette année et j’ai voulu faire mon année à 100% sur la route quitte à ne même pas accorder 1% au cyclo-cross. J’ai à coeur de me relancer et de donner le maximum

Vous estimez que vos quelques sorties en cyclo-cross ces dernières années vous ont coûté en matière de préparation  ?
Je ne pense pas, car j’y allais avec modération et je mettais toujours la priorité sur la route. C’est pourquoi j’ai toujours refusé les sélections au Championnat du Monde. Même si j’avais le niveau pour viser un Top 15, ça ne m’intéressait pas. Cette année, je n’ai donc pas voulu défendre mes chances au Championnat de France alors que j’avais déjà fait un podium. C’est la première fois en quinze ans que je faisais l’impasse. Ce n’est pas facile car ça démange toujours un peu. Cofidis a tout à fait accepté mon choix, sachant que Clément Venturini fonctionne très bien. Il a raté le titre de peu. Je ne dis pas que l’année prochaine je n’irai pas l’aider.

Propos recueillis à Roubaix le 21 janvier 2016.