Thierry, en quoi l’échec vécu par Thibaut Pinot sur le Tour de France 2013 a-t-il construit son accession au podium en 2014 ?
Très sincèrement, je vais vous avouer que nous avons remis en place en 2014 ce que nous avions instauré en 2013. La seule différence, c’est que nous avons vécu une première semaine avec un peu plus de réussite. Ça a mis Thibaut en confiance assez rapidement, lui qui a en outre progressé en un an. Tout s’est alors enchaîné. La pression, il se la met tout seul parce qu’il est évidemment ambitieux. De ce qu’il a vécu entre 2012 et 2013, Thibaut a compris que le Tour était un grand miroir déformant. Il a été mis sur un piédestal il y a deux ans puis plus bas que terre en 2013 ! Il a pris beaucoup de recul par rapport à ça, il s’est concentré sur son métier, et il a fait au mieux ce qu’il savait faire.

Thibaut Pinot s’est classé 3ème et meilleur jeune du Tour de France, et l’on sait dans quels domaines il peut encore progresser…
On connaît ses qualités, on connaît ses faiblesses. Il sait où il peut s’améliorer. C’est pourquoi ça nous laisse ambitieux pour la suite. Et lui aussi. Il sait qu’il a encore une marge de progression. Il apprend beaucoup, il travaille beaucoup, il prend confiance en lui. La suite ne peut qu’être très prometteuse.

Pourtant, avec le retour envisagé l’an prochain de Froome, Contador, Quintana voire Rodriguez, comment anticipez-vous l’avenir ?
On sait que ce que Thibaut Pinot a fait cette année ne sera pas chose aisée tous les ans. Il y aura sûrement beaucoup plus de concurrence à l’avenir, c’est une évidence. Mais lui va aussi progresser. Il aura toujours la même ambition. Maintenant qu’il a goûté au podium, je pense qu’il aura envie d’y regoûter. On va continuer à travailler comme nous le faisons. Il sera des mêmes bagarres dans les prochaines années.

Thibaut Pinot redoute la pression qui va désormais l’entourer. Comment l’équipe FDJ.fr va-t-elle le protéger de cela ?
Quand on fait un Tour comme il l’a fait cette année, il va évidemment changer de dimension, recevoir des sollicitations, avoir des obligations vis-à-vis de nos partenaires. Il va être reconnu beaucoup plus facilement dans la rue. Ce n’est pas ce qu’il souhaite, car Thibaut est quelqu’un de discret qui aime sa tranquillité. Mais il va devoir s’adapter. Nous n’allons pas lui mettre davantage de pression. Il repartira au Tour d’Espagne le 23 août.

L’accent a été mis autour des ambitions de Thibaut Pinot au classement général, un peu moins autour d’Arnaud Démare dans les sprints. Pensez-vous cette double ambition compatible ?
A un moment donné, il faut faire des choix. Ce n’est pas toujours l’idéal quand on a des coureurs de très haut niveau comme ces deux-là, mais ce n’est pas incompatible. Après, il faut faire des choix stratégiques qu’on a su faire sur les trois semaines. Arnaud Démare, cette année, était surtout là en guise d’apprentissage. Il est venu appréhender les sprints du Tour qui n’ont rien à voir avec ceux du reste de l’année. Il l’a compris assez rapidement, mais il a pris ses repères et a pris confiance, ce qui lui laisse envisager de beaux sprints à l’avenir sur le Tour de France.

Si c’était à refaire, que changeriez-vous à votre stratégie durant ce Tour 2014 ?
Rien. Nous referions le Tour dans les mêmes circonstances avec les mêmes coureurs. Nous sommes persuadés d’avoir fait les bons choix, nos coureurs nous l’ont d’ailleurs prouvé sur le terrain. On adapte toujours l’équipe en fonction du profil du Tour et des différentes étapes. Nos choix ont pu paraître étranges vu de l’extérieur, mais de l’intérieur on a vécu un Tour au top, avec des coureurs qui se sont bien impliqués et une magnifique vie de groupe. Une belle réussite.

Dans un peu plus de trois semaines, c’est déjà le Tour d’Espagne. Comment sera articulée l’équipe FDJ.fr autour d’un Thibaut Pinot chasseur d’étapes ?
On aura une très belle équipe avec des grimpeurs comme Alexandre Geniez et Kenny Elissonde. Ils auront tous deux des ambitions et vont surtout apprendre à appréhender un général sur trois semaines. Thibaut Pinot, lui, va plus aller au Tour d’Espagne pour prendre du plaisir sur des étapes de montagne. Quand on fait un Tour de France, c’est vingt-et-un jours de pression durant lesquels il faut être concentré du kilomètre 0 jusqu’à l’arrivée. On y laisse beaucoup d’énergie. Prendre du plaisir sur une Vuelta ne sera que bénéfique pour lui.