Thierry, on imagine que la déception prédomine à la fin de ce Tour de France ?
Évidemment, le bilan est loin de nos espérances. On était venus avec des ambitions de classement général avec Thibaut Pinot, mais aussi sur les sprints avec Nacer Bouhanni. Il a été mis hors jeu rapidement suite à des chutes et des petits incidents. C’est un peu la même chose pour Thibaut. C’est vrai que nous sommes loin de nos ambitions initiales. On avait une stratégie pour venir chercher des résultats, nous n’avons pas eu la réussite avec nous. En dernière semaine, on a revu notre copie. On ne s’en est pas trop mal sortis compte tenu des moyens qu’il nous restait. L’année dernière, notre Tour était euphorique, cette année, c’est un peu plus compliqué, ça fait partie du jeu.
Ce Tour de France galère peut-il servir d’expérience à l’équipe ?
Oui, on va tirer les conséquences positives de tout cela. Même si sportivement on est loin de nos attentes, notre stratégie de départ a été respectée à la lettre. On est arrivé en fin de première semaine avec Thibaut dans le même temps que tous les favoris du Tour. Collectivement, on sait que l’on a progressé. On a pris des automatismes qui vont nous servir pour la suite.
Comment Thibaut Pinot a-t-il digéré cet échec ?
Il digère tout doucement. Maintenant que le Tour est terminé, ce sera plus facile. Il va prendre un peu de vacances. Se reposer et se ressourcer. Il a hâte de monter sur le vélo pour préparer la suite. Il est ambitieux. Il a de l’orgueil et il va rebondir.
Considérez-vous qu’aligner Nacer Bouhanni sur ce Tour était une bonne chose, compte tenu de la concurrence ?
S’il veut apprendre et voir ce qu’est le Tour de France, il lui faut passer par là. Il est peut-être arrivé un peu trop confiant, il pensait que ça allait être une course comme les autres. On lui disait que le Tour était hors norme. Il a compris. Il a vu que c’était un autre environnement, ça lui servira pour la suite. Il arrivera plus fort et abordera le Tour avec plus d’ambitions à l’avenir.
Ne laisse-t-il pas trop d’énergie dans les bosses ?
Il sait que c’est un aspect qu’il doit travailler. Il ne faut pas oublier qu’il n’a que 22 ans, qu’il est encore jeune, tout neuf, qu’il a besoin d’apprendre et de progresser. C’est en passant par des courses de très haut niveau comme le Tour qu’il apprendra. Évidemment, c’était un peu court, mais il a couru le Giro en mai. Il a une grosse marge de progression. Il commence à faire peur parmi les meilleurs. Il arrivera parmi eux très rapidement. Pour le moment, il emmagasine.
Le maillot jaune était promis aux sprinteurs cette année, seriez-vous favorable au retour des bonifications pour pimenter la première semaine ?
Oui, ça peut mettre un peu de piment en début de course. Mais on voit au bout de trois semaines que la hiérarchie est respectée. Ce ne sont pas les bonifications qui vont faire la différence. Ça rajouterait un peu de tension sur la première semaine, même s’il y en a déjà beaucoup. Si on se met à la place des coureurs qui jouent le général, je ne pense pas qu’ils aient envie que l’on en rajoute encore. Le Tour, c’est tellement de pression au quotidien qu’il faut éviter d’en ajouter.
Qu’allez-vous viser sur la Vuelta ?
Si tout va bien, Thibaut sera au départ. Il y pense déjà avec l’envie de se racheter. Le Tour d’Espagne est encore très difficile cette année, et il aura un beau terrain de jeu au quotidien. Il aura moins de pression que sur le Tour. Même si nous ne le lui en mettons pas, il sait qu’il y a beaucoup d’attentes autour de lui. En Espagne, on sera loin de tout, il vivra au jour le jour. Il a moyen d’aller chercher un résultat.
Après Nacer Bouhanni sur le Giro et le Tour, Arnaud Démare sera-t-il votre sprinteur sur la Vuelta ?
On s’oriente pour ne mettre aucun sprinteur. Nacer a besoin de digérer sa saison qui est déjà relativement longue. Arnaud adore les classiques et il y a de belles courses en Belgique et en France aux mois d’août et de septembre. Il veut se concentrer là-dessus. Si nous n’alignons pas de sprinteur, c’est aussi parce que les trois semaines seront difficiles et qu’il y aura peu d’arrivées au sprint. On va privilégier les baroudeurs et ceux qui pourront aider nos leaders en montagne.
Sandy Casar voulait disputer les trois Grands Tours. Il a rapidement abandonné sur le Giro, n’a pas disputé le Tour, sera-t-il au départ de la Vuelta ?
Oui, c’est son objectif de fin de saison. Il a la tête à faire du vélo à 100 %. Il aurait aimé être sur le Tour parce que c’est une course qu’il affectionne plus que tout. Mais quand on est pratiquement deux mois sans courir comme il l’a été, le Tour de France n’est pas idéal. C’est une épreuve de trois semaines exigeante. Il faut être au top quand on arrive. Cela aurait été un handicap pour lui. Ça a été dur, mais il a compris pourquoi. Il sait que la fin de l’année va être importante.
Arnold Jeannesson était en forme en troisième semaine du Tour, peut-il profiter de cette condition pour la Vuelta ?
Non, a priori, il ne fera pas la Vuelta. Il finit bien le Tour, mais il est fatigué et usé. Il reste quelques belles courses d’un jour qui arriveront en fin d’année, ce sera suffisant. Il pourrait très bien être leader sur un des Grands Tours, il a déjà montré qu’il était capable de faire de belles choses. Mais aujourd’hui, Thibaut Pinot se dégage naturellement. Il lui apporte énormément, car il commence à avoir beaucoup d’expérience. Il connaît bien le haut niveau et les Grands Tours, et il peut très bien aider Thibaut dans un final en montagne. On a besoin de ce type de coureur dans un dispositif. Il fait très bien ce travail. Être leader et être équipier de luxe, ce n’est pas la même pression. Il est dans un domaine qu’il affectionne et qu’il maîtrise.
Qui seront vos stagiaires pour la fin de saison, en dehors d’Olivier Le Gac ?
Il y a des jeunes que l’on suit depuis deux ou trois ans qui continuent d’évoluer. On n’aura pas spécialement beaucoup de places pour des néo-pros l’année prochaine, mais Olivier Le Gac en fait partie. Son coéquipier chez Brest IC 2000, Geoffrey Millour également, mais aussi Alexis Guérin de l’Entente Sud Gascogne.
Propos recueillis à Versailles, le 21 juillet 2013.