Il aura fallu neuf jours de pluie et sept porteurs du maillot jaune pour qu’enfin le Tour de Suisse trouve son homme fort. Celui qui irait inscrire son nom à la 80ème ligne du palmarès. Et ce garçon qui ce soir s’adjuge la plus grande course de sa jeune carrière aura tout le temps d’ajouter des conquêtes à un tableau de chasse promis à s’étoffer. Car à 22 ans et quatre mois, Miguel-Angel Lopez (Astana) est devenu ce soir le vainqueur le plus jeune du Tour de Suisse après Roman Kreuziger, 22 ans et un mois au moment de son succès en 2008. 3ème du Tour de Langkawi et 4ème du Tour de San Luis en début de saison, celui qui s’était fait un nom en conquérant le Tour de l’Avenir en 2014 s’était déjà annoncé l’an dernier pour ses débuts dans la cour des grands, 7ème du Tour de Suisse et 4ème plus tard du Tour de Burgos.

C’est donc un vrai talent que le Tour de Suisse a vu, si ce n’est éclore, au moins s’affirmer au cours de la semaine. Car quand Warren Barguil (Giant-Alpecin) crevait l’écran, Miguel-Angel Lopez aura fait preuve de constance. Légèrement en retrait sur les deux premières arrivées en altitude à Cari mercredi et Amden jeudi, le Colombien aura été le seul à revenir sur Barguil dans l’ascension de Sölden, où il se sera même payé le luxe de précéder le Breton pour la 2ème place. Avant de faire montre hier dans le contre-la-montre accidenté de Davos de qualités qu’on ne lui soupçonnait pas, 2ème devant Fabian Cancellara (Trek-Segafredo) et dès lors nouveau leader du classement général.

Mais alors qu’une ultime étape de montagne se profilait, 18 secondes seulement englobaient les quatre premiers du classement général, dans l’ordre Miguel-Angel Lopez, Andrew Talansky (Cannondale), Ion Izagirre (Movistar Team) et Warren Barguil. Rien n’était donc fait pour le septième porteur du maillot jaune, et la réduction de l’étape entérinée par l’organisation à la vue des conditions climatiques détestables qui attendaient la course au sommet de l’Albula (neige, basses températures et visibilité réduite) n’arrangeait pas davantage les affaires du grimpeur colombien. Déjà très brève à l’origine (117,7 km), cette dernière étape dans les montagnes des Grisons était ramenée à 57 kilomètres mais préservait pour juge de paix l’ascension de la Flüela (13,2 km à 7,2 %), dont le sommet se présentait à 17 kilomètres de l’arrivée finale à Davos.

Tout pouvait aller très vite, dans un sens comme dans l’autre, dans cette unique difficulté. Et Miguel-Angel Lopez n’avait pas l’intention de se faire dicter les règles du jeu par ses adversaires. C’est lui, en personne, qui allait prendre l’initiative en bondissant sur les quelques chasseurs d’étape qui avaient donné l’assaut à 5 kilomètres du sommet, 22 de l’arrivée, et dont faisait partie son compatriote Jarlinson Pantano (IAM Cycling). Toisant alors ses adversaires en adressant moult regards derrière son épaule dans cette escalade humide, le Maillot Jaune choisissait d’insister 1500 mètres avant la bascule pour s’engager dans la descente avec un bel ascendant qu’il mettait à profit pour dissimuler son maillot jaune sous une veste chaude aux couleurs d’Astana.

Miguel-Angel Lopez n’allait pas réaliser toute la descente en pole position. Prudemment, il laissait rentrer sur lui Sergei Chernetski (Team Katusha), Tejay Van Garderen (BMC Racing Team), Ion Izagirre et Jarlinson Pantano à 9 kilomètres du but. De leur côté, Andrew Talansky et Warren Barguil connaissaient des fortunes diverses. Quand l’Américain marquait le pas pour lâcher 56 secondes et trébucher du podium, Warren Barguil raccrochait in extremis le wagon de tête. Dans le dur sur le haut de l’ascension, le Breton réalisait une descente prodigieuse avec la compagnie de Rui Costa (Lampre-Merida) pour revenir à portée de fusil des cinq de tête dans Davos et les rejoindre dans la dernière ligne droite. Où Jarlinson Pantano réglait tout le monde au sprint pour l’étape quand Miguel-Angel Lopez s’adjugeait le Tour de Suisse.

Devant Ion Izagirre et Warren Barguil, qui signe à son tour un podium en WorldTour cette saison après ceux de Thibaut Pinot (2ème du Tour de Romandie) et Romain Bardet (2ème du Critérium du Dauphiné). Et le Tour de France part dans deux semaines !

Classement 9ème étape :

1. Jarlinson Pantano (COL, IAM Cycling) les 57 km en 1h23’55 » (40,8 km/h)
2. Sergei Chernetski (RUS, Team Katusha) m.t.
3. Ion Izagirre (ESP, Movistar Team) m.t.
4. Miguel-Angel Lopez (COL, Astana) m.t.
5. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) m.t.
6. Rui Costa (POR, Lampre-Merida) m.t.
7. Warren Barguil (FRA, Giant-Alpecin) m.t.
8. Andrew Talansky (USA, Cannondale) à 56 sec.
9. Victor De La Parte (ESP, CCC Sprandi Polkowice) m.t.
10. Joe Dombrowski (USA, Cannondale) m.t.

Classement général final :

1. Miguel-Angel Lopez (COL, Astana) en 30h55’58 »
2. Ion Izagirre (ESP, Movistar Team) à 12 sec.
3. Warren Barguil (FRA, Giant-Alpecin) à 18 sec.
4. Jarlinson Pantano (COL, IAM Cycling) à 42 sec.
5. Andrew Talansky (USA, Cannondale) à 1’04 »
6. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) à 1’26 »
7. Rui Costa (POR, Lampre-Merida) à 2’09 »
8. Wilco Kelderman (PBS, Team LottoNL-Jumbo) à 2’38 »
9. Simon Spilak (SLO, Team Katusha) à 2’48 »
10. Sergei Chernetski (RUS, Team Katusha) à 5’08 »