Nul n’est besoin de franchir régulièrement un col pour en faire une légende. C’est même probablement de cette exclusivité que naissent les mythes. Il y a quarante ans, le col d’Allos était le théâtre de la dernière attaque, en jaune, du roi Eddy Merckx. Le Cannibale, présumant de ses forces, y avait distancé Bernard Thévenet avant de coincer dans l’ascension somme toute modérée vers la station de Pra-Loup. Au bénéfice du Français qui s’en allait définitivement mettre fin à l’hégémonie du Belge. Quarante ans après cet événement retentissant, le col d’Allos n’a revu le Tour de France qu’une seule fois, c’était en 2000. Il le reverra passer dans un peu plus d’un mois à l’occasion d’une étape reliant Digne-les-Bains à Pra-Loup (161 km) que les coureurs du Critérium du Dauphiné vont aujourd’hui reconnaître dans son intégralité.

On entre dans la séquence montagneuse du Dauphiné. Celle qui va préciser et bientôt confirmer la hiérarchie à un peu plus de trois semaines du Grand Départ du Tour. Les cols des Lèques, de Toutes Aures et de la Colle-Saint-Michel sont gravis devant par les sept coureurs échappés depuis le départ : Arnaud Courteille (FDJ), Christophe Riblon (Ag2r La Mondiale), Pieter Serry (Etixx-Quick Step), Romain Sicard (Team Europcar), Daniel Teklehaimanot (MTN-Qhubeka), Albert Timmer (Giant-Alpecin) et Tim Wellens (Lotto-Soudal). Mais la longue ascension du col d’Allos (14 km à 5,5 %) gravie rapidement par un peloton mené par les Sky condamne les derniers échappés. Un peloton encore très fourni s’apprête à basculer dans la descente technique et périlleuse. Une descente que Romain Bardet (Ag2r La Mondiale) ne connaît pas mais qu’il se sent d’exploiter en se précipitant aux avant-postes quelques hectomètres avant la bascule !

Le grimpeur auvergnat s’engage alors dans un numéro spectaculaire, dévalant la pente redoutée d’Allos à toute vitesse pour plonger dans la vallée de l’Ubaye. Son anticipation a été judicieuse. Derrière lui, le peloton toujours piloté par les Sky ne se permet pas de prendre des trajectoires aussi précises que Romain Bardet, qui creuse l’écart sur cette route étroite tracée à flanc de montagne pour parvenir en bas, pile au moment où se présente la montée vers Pra-Loup (6,2 km à 6,5 %), avec 1’20 » d’avance sur ses poursuivants. Le coup est plus que jouable pour le grimpeur dans cette ascension qui n’est pas considérée comme difficile, répertoriée en 2ème catégorie.

Et effectivement, Romain Bardet ne cède quasiment rien de son avantage jusqu’au déclenchement des hostilités dans le peloton à 2 kilomètres de l’arrivée. Ce sera trop tard pour revoir le Français, qui part inscrire son nom au palmarès des coureurs victorieux dans les rues de Pra-Loup. Une belle réussite pour le jeune homme de 24 ans, qui ne s’était encore jamais imposé en montagne chez les pros (vainqueur du Tour de l’Ain 2013 et de la Drôme Classic 2014), et qui confirme sa montée en puissance pour le Tour alors que son coéquipier Jean-Christophe Péraud s’est écarté dans la montée d’Allos. Mais l’histoire est là pour rappeler qu’il n’avait pas été plus étincelant il y a un an avant de prendre la 2ème place du Tour de France…

A Pra-Loup, il s’en faut d’un rien pour que Bardet ne s’empare du maillot jaune abandonné par Rohan Dennis (BMC Racing Team) dans le col d’Allos. Mais l’attaque de Chris Froome (Team Sky) à 2 kilomètres du but et l’intervention immédiate de Tejay Van Garderen (BMC Racing Team) et Beñat Intxausti (Movistar Team) interdisent au Français, désormais 3ème du général à 20 secondes, de faire coup double. C’est Tejay Van Garderen, en déposant Chris Froome dans les derniers mètres, qui hérite du maillot jaune. Intxausti est à 17 secondes, Bardet à 20, Scarponi à 31 et Froome à 43. Vincenzo Nibali (Astana), de son côté, aura préféré s’écarter de lui-même des débats en rejoignant Pra-Loup en roue libre, 1’59 » après l’arrivée victorieuse de Romain Bardet, sur qui reposeront bien des espoirs jusqu’à dimanche.

Et ce dès demain dans la sixième étape entre Saint-Bonnet-en-Champsaur et Villard-de-Lans (183 km).

Classement 5ème étape :

1. Romain Bardet (FRA, Ag2r La Mondiale) les 161 km en 4h31’22 » (35,6 km/h)
2. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) à 36 sec.
3. Chris Froome (GBR, Team Sky) à 40 sec.
4. Beñat Intxausti (ESP, Movistar Team) à 42 sec.
5. Adam Yates (GBR, Orica-GreenEdge) à 50 sec.
6. Louis Meintjes (AFS, MTN-Qhubeka) m.t.
7. Andrew Talansky (USA, Cannondale-Garmin) à 55 sec.
8. Michele Scarponi (ITA, Astana) à 57 sec.
9. Pierre Rolland (FRA, Team Europcar) m.t.
10. Mathias Frank (SUI, IAM Cycling) m.t.

Classement général :

1. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) en 18h03’22 »
2. Beñat Intxausti (ESP, Movistar Team) à 18 sec.
3. Romain Bardet (FRA, Ag2r La Mondiale) à 20 sec.
4. Michele Scarponi (ITA, Astana) à 32 sec.
5. Chris Froome (GBR, Team Sky) à 41 sec.
6. Adam Yates (GBR, Orica-GreenEdge) à 44 sec.
7. Andrew Talansky (USA, Cannondale-Garmin) à 1’08 »
8. Daniel Martin (IRL, Cannondale-Garmin) à 1’17 »
9. Mathias Frank (SUI, IAM Cycling) à 1’18 »
10. Nicolas Roche (IRL, Team Sky) à 1’26 »