
Là, à l’abri du soleil et des projecteurs, le coureur d’Ag2r La Mondiale se laisse enfin choir sur l’asphalte, comme il l’avait fait après chacune de ses performances en montagne. Le dépassement de soi-même conjugué à tous les temps. Bientôt, on lui officialise l’information : « Jicé, tu es 2ème du Tour de France ! » Julien Jurdie, son directeur sportif qui a suivi Romain Bardet quelques minutes plus tôt, s’est hâté de rejoindre le fond de ligne. Il est le premier à embrasser chaleureusement le n°2 du Tour de France. Aussitôt imité par le staff d’Ag2r La Mondiale présent autour du Français.

Diplômé en 2004 en génie énergétique et environnement, l’ingénieur toulousain a d’abord trouvé son plaisir dans le VTT, la discipline de son cœur, celle qui l’a hissé jusque sur la deuxième marche du podium des Jeux Olympiques de Pékin en 2008, à la droite de Julien Absalon, cinq ans après avoir accroché le mythique Roc d’Azur. Aujourd’hui encore, la médaille d’argent des JO reste indétrônable dans son cœur. « Ça reste plus important qu’une 2ème place sur le Tour, affirme-t-il. Les Jeux, c’est l’événement qui m’a toujours fait rêver. Pour l’esprit de Coubertin. Le VTT m’a clairement construit. Il m’aide surtout à être performant en contre-la-montre, à gérer un effort et à tenir l’intensité maximale. Si je suis là aujourd’hui, c’est grâce au VTT. »

Le tout jeune pro, recruté dès 2011 par Ag2r La Mondiale, va alors faire le début de carrière qu’on lui connaît : 9ème de son premier Tour de France en 2011, 3ème de Paris-Nice en 2013 avant de devoir abandonner sur chutes le Tour et une place promise dans les 10 à Paris, et tout à l’heure 2ème du Tour de France 2014.
Jean-Christophe Péraud n’a pas repris ses esprits au moment où il s’installe, une heure après Vincenzo Nibali, au pupitre dressé en salle de presse dans une cité scolaire de Périgueux. Traditionnellement, seul le (futur) vainqueur du Tour de France s’y installe vingt-quatre heures avant le défilé des Champs. Evénement tricolore oblige, Jean-Christophe Péraud et Thibaut Pinot s’y présenteront à tour de rôle. La conférence de presse du n°2 du Tour sera brève, sept minutes, mais sept minutes de supplice pour un coureur qui s’y présente extrêmement ému.

Furtivement, le micro plaqué contre ses lèvres tremblantes, Jean-Christophe Péraud évoque l’avenir dans des réponses qui se font de plus en plus brèves. « Est-on obligé d’être différent après une 2ème place sur le Tour ? – Non, je ne pense pas que ça me changera. » « Quels seront vos nouveaux challenges ? – Avant de pouvoir prendre ma retraite, j’ai encore envie de découvrir. Je n’ai jamais fait le Giro, il me reste deux ans pour cela. » Un journaliste évoque alors son émotion. Et puis soudain, les mots ne sortent plus. Cette fois la gorge dénouée ne peut plus retenir les sanglots, les yeux détrempés ne peuvent plus contenir les larmes. Une salve d’applaudissements retentit pour laisser à Jicé le temps de reprendre ses esprits. Il ne les reprendra pas. « Je pense qu’on en a assez dit, non ? On va me laisser aller dormir… », conclut-il en pleurs avant de s’effondrer dans les bras de son manager Vincent Lavenu.