José-Antonio, quels podiums verrais-tu à Londres ?
Chez les filles, je vois Catharine Pendrel, Sabine Spitz et Eva Lechner. Chez les hommes, si je n’y suis pas, je pense Jaroslav Kulhavy, Nino Schurter et Julien Absalon. Ce ne serait pas un grand secret.

Comment juges-tu l’arrivée de Jaroslav Kulhavy ?
Jaroslav Kulhavy progresse depuis des années. Il a eu une période de maturité plus lente car dans un team qui comptait Christoph Sauser et Roel Paulissen. Devenir champion avec deux champions à côté, ce n’est pas facile. Il a mis du temps à s’améliorer mais déjà en 2008 et 2009 il faisait des Tops 10 réguliers. Il était constant. En 2010 ça a été une grosse surprise avec une 4ème place pour pire résultat. L’an passé il a explosé toutes les statistiques. Kulhavy s’échappait après un kilomètre et faisait toute la course en tête, on n’avait jamais vu ça. Il a mis un nouveau standard, à nous de trouver la formule pour y arriver. C’est un point positif. A mon âge, il n’est pas dit que j’y arrive mais pour les jeunes qui viennent ça doit être encourageant.

Qu’utilises-tu pour progresser ?
Kim Forteza est mon entraîneur depuis 1995. J’utilise un SRM depuis 2002. Cette année-là m’a d’abord servi pour avoir des informations. Depuis 2003, j’utilise vraiment le SRM à l’entraînement pour comparer les données. On étudie mes pulsations sur toute l’année. J’ai aussi un Powertap et un Quarq de SRAM.

A choisir cette année, tu prends un podium olympique ou un nouveau maillot arc-en-ciel ?
C’est la question impossible, du genre tu tiens plus à ton père ou à ta mère ? Les Olympiades, c’est comme le Prix Nobel, le plus médiatique. Les Championnats du Monde, c’est comme le Prix Pulitzer, la reconnaissance de ton milieu avant tout. Je me verrais bien refaire une fois une médaille olympique et un titre mondial. Je ne peux pas choisir. Quoi qu’il en soit pour les grosses courses j’adopterai toujours le look de la moustache. Vous verrez !

On va parler actualité. Quel regard portes-tu sur les polémiques nées récemment entre la France et l’Espagne vis-à-vis du dopage ?
Il est difficile de se prononcer. Ne généralisons pas. J’ai de bons potes en France et je connais de mauvaises personnes en Espagne. Et inversement. D’abord, il faut s’occuper de son jardin avant celui de ses voisins. Yannick Noah peut dire ce qu’il veut mais je me rappelle qu’il lui arrivait de fumer avant les rencontres. Aujourd’hui ça lui coûterait deux ans. C’est une polémique stupide qui crée des tensions entre France et Espagne. Il y a des problèmes bien plus graves : la guerre, la crise, la santé… Il y a toujours des époques où une nation domine plus que les autres, ça ne dépend pas du dopage. On court avec les mêmes règlements, les mêmes contrôles.

De ton côté, tu as déjà eu deux fois affaire à un contrôle hématocrite supérieur à la norme autorisée. Ça avait été plus tendu pour toi avec la fédération espagnole que pour Alberto Contador ?
Ce n’était pas la même fédération à l’époque. Nous avions été en procès et je l’ai gagné. Aujourd’hui j’ai un beau motor-home à 100000 euros sponsorisé par la fédération ! On en a beaucoup entendu au départ dans les journaux mais la suite de l’affaire n’a pas eu le même retentissement que pour Contador. J’ai gagné le procès puis ils ont changé toute la fédération après les élections. J’ai de meilleurs rapports avec elle aujourd’hui. Elle a pris une décision avec Contador, le TAS en a pris une autre. A mon opinion c’est une décision illogique. Si on décide qu’il s’agit d’une contamination au Clenbutérol, on ne peut pas contrôler cela. Une sanction de deux ans ne fait aucun bien au cyclisme.

Revenons à toi pour finir. Qu’envisages-tu pour ton après carrière ? Faudra-t-il t’appeler José-Antonio HerMerida ?
Héhé, c’est bien possible ! Je me verrais bien de continuer avec Merida. Je vais finir mon contrat avec la marque cette année, nous n’avons pas évoqué mon futur, mais j’ai un bon rapport avec les responsables. Chaque année je vais à Taiwan visiter l’usine. Le dernier contrat signé, en 2010, nous l’avions fait en juin. Les négociations n’avaient duré qu’un jour et demi. J’ai dit ça, ils ont dit ça, j’ai dit entre les deux et on a signé. Puis je suis devenu champion du monde.

Tu disputeras à Londres tes quatrièmes Olympiades, et tu sembles déjà envisager la possibilité d’aller jusqu’à Rio en 2016 ?
Je pense pouvoir arriver jusqu’à Rio avec une belle condition physique. Je ne sais pas si j’y arriverai. L’objectif, c’est déjà cette année. Mon truc, c’est le cross-country, la compétition courte. Mais je ferai aussi un peu de Marathon. On verra ce qu’attend Merida de moi.

En France, on parle de Julien Absalon comme porte-drapeau de la délégation, où en est le débat en Espagne ?
Julien Absalon est un gros candidat, je l’ai vu dans les sondages où il est placé 3ème derrière Teddy Riner et Tony Parker. Ce serait bien que ce soit Absalon, avec deux médailles olympiques. Pour moi, ce n’est pas possible. D’autres athlètes en Espagne ont davantage mérité au niveau des médailles. J’aimerais bien mais il faut être honnête, d’autres le méritent davantage : David Cal ou Rafael Nadal.

Propos recueillis à Playa de Muro le 11 février 2012.