Joseba, Orbea est au cœur de l’actualité ces temps-ci. Pour commencer par les prolongations de contrat, vous avez resigné avec Euskaltel-Euskadi. Est-ce stratégique d’être présent au WorldTour ?
Effectivement. Le vélo de route représente un chiffre d’affaire important pour Orbea, ça reste donc une priorité d’avoir une équipe de haut niveau, soit WorldTour, soit susceptible de participer au Tour de France. Nous essayons de placer notre marque là où les consommateurs veulent la voir. L’équipe Euskaltel-Euskadi gardera le même nom l’an prochain mais ne sera plus gérée par la même société. A partir de ce nouveau projet, c’est la compagnie téléphonique Euskaltel qui va prendre l’absolu contrôle. L’équipe ne sera plus dirigée par Miguel Madariaga mais par une personne de la société Euskaltel, avec Igor Gonzalez de Galdeano.

Regrettez-vous, pour Orbea, que le recrutement d’une équipe comme Euskaltel-Euskadi ne soit pas assez international ?
Cela viendra avec le nouveau projet, qui va faire évoluer l’équipe. Jusqu’alors, seuls les coureurs basques pouvaient courir dans cette équipe. Ça payait bien quand il y avait les résultats, mais au cyclisme du XXIème siècle et avec un WorldTour qui nécessite de marquer des points UCI, ce système a atteint ses limites. Le nouveau projet est une évolution en ce sens. Il n’y aura pas une arrivée massive de coureurs étrangers en 2013 mais petit à petit l’équipe va s’internationaliser.

La Vuelta s’affirme actuellement comme le Grand Tour le plus passionnant des trois, lequel placeriez-vous en premier néanmoins ?
En premier bien évidemment ça reste le Tour de France. C’est le Tour historique, la culture du cyclisme, le moment où les meilleurs mondiaux marchent. Après, la Vuelta et le Giro sont plus attractifs au niveau du spectacle. Les courses sont beaucoup plus ouvertes quand au Tour, l’objectif du maillot jaune est le même pour tout le monde. C’est trop contrôlé et le niveau de spectacle n’est pas toujours à la hauteur. En Espagne, le parcours est adapté aux grimpeurs espagnols. Il y a la guerre dans tous les cols.

Comment se répartissent les ventes chez Orbea ?
Aujourd’hui nous réalisons autour de 70 millions d’euros de ventes par an. Le VTT représente 110 % de plus que la facturation de la route. Après, il y a les vélos de ville et enfants. Mais le VTT arrive toujours en tête, devant la route, et le reste. Le développement d’Orbea se porte sur ces disciplines les plus stratégiques. En VTT, la catégorie double suspendu présente le plus de potentiel. Nous investissons donc au niveau produit, au niveau développement ou au niveau marketing. Il y a également un très gros potentiel de développement en triathlon.

En triathlon, vous proposez l’Orca, toujours en noir. Avez-vous pour projet d’apporter de la couleur dans le triathlon ?
C’est un grand débat chez nous. Malgré tous nos efforts, l’identité du modèle Orca est très liée à la couleur noire. Ça reste difficile de faire le choix de passer sur une autre couleur, mais pourquoi pas le blanc. Ça reste un point chaud en interne.

Orbea, c’est aussi le team VTT que s’apprête à quitter Julien Absalon pour BMC, que peut-on dire de ce team pour 2013 ?
Nous allons définir une stratégie au niveau du sponsoring pour les trois à quatre années à venir. Actuellement, on voit en VTT qu’il y a une grande préférence pour la catégorie double suspendu. Aujourd’hui, nous sommes en réflexion pour adapter un format d’équipe qui répondra à cette catégorie, certainement une structure locale avec des jeunes. Il ne s’agira pas d’un team orienté sur le résultat. Nous allons essayer de garder des contrats avec quelques teams, chez les filles et les garçons, auxquels nous fournirons le vélo et un service mécanique sur les épreuves les plus importantes du calendrier.

Le nouveau team Orbea s’articulera plutôt autour de pilotes espagnols ?
Au début, oui. Ces deux prochaines années, nous allons regarder ce qu’il se passe avec le cross-country. Nous ne voulons pas disparaître de la compétition. Nous allons garder notre puissance dans le VTT, même si le cross-country n’est plus notre priorité première. Au bout de deux ans, on verra si on change ou non de stratégie.

Ce choix stratégique a-t-il été pris après la décision de Julien Absalon de vous quitter ?
Non. Nous avons évoqué cette stratégie avant, et c’est aussi un peu la raison du départ de Julien Absalon. Le cross-country n’est plus une priorité et l’investissement qui sera le nôtre autour de l’équipe Orbea ne sera plus le même. Julien avait un contrat d’ambassadeur Orbea s’il arrêtait sa carrière mais il était libre de choisir où aller. Il a fait un choix, il part dans une autre équipe l’année prochaine. C’est tout.

Quelle image garderez-vous du mariage Orbea-Absalon ?
Il faut toujours garder les bonnes choses : ça nous a fait beaucoup de bien. Avec Julien, on partage une valeur, celle qui consiste à aller toujours au-delà de nos limites. Comme sportif, il n’est plus le même qu’il y a quatre ans, mais il reste toujours un super athlète. Avoir été aux Jeux Olympiques, y avoir conquis une seconde médaille d’or, ça reste une expérience magnifique. Avec Julien, on a toujours bien géré l’équilibre entre la partie sportive et la partie marketing. Aujourd’hui on est arrivé à la fin d’une histoire qui nous a beaucoup apporté mutuellement.

Pour la beauté du geste, auriez-vous préféré que Julien Absalon n’abandonne pas aux Jeux Olympiques après sa crevaison ?
C’est difficile à juger. Si on se met à la place des spectateurs, à leurs attentes vis-à-vis de lui, il aurait dû continuer. Mais avec un tel niveau d’ambition, quand tu sors de la grille de départ avec une roue à plat après 30 secondes, que tu sais d’emblée que ça va compromettre ton résultat, que tu ne seras pas à la hauteur, je peux comprendre que c’est « or ou rien ». Il faut se décider vite, il a choisi et c’était trop tard pour changer d’avis ensuite.

L’annonce de son changement de team à la veille des Jeux Olympiques a également fait débat…
C’est légitime. Orbea a choisi de mettre Julien Absalon sur le marché et lui a laissé la liberté de choisir. Mais ce que je ne comprends pas, c’est que BMC ait communiqué sur sa signature avec eux la veille du rendez-vous le plus important de l’année, celui pour lequel tout le monde travaillait depuis quatre ans. On savait dès lors que tout le monde voudrait lui parler de ça le jour des Jeux et que ça lui coûterait de la concentration. C’est incompréhensible et irrespectueux.

Comment voyez-vous évoluer le marché entre le 26 pouces, le 27,5, le 29 ?
Aujourd’hui je pense qu’il faut rester un peu dans l’attente. A un moment donné, le 29 a apporté du bien au business. La possibilité d’avoir un 29 à une époque où l’on ne vendait que des VTT en 26 pouces a créé une tendance, a donné envie de racheter un vélo. Ça a été bon pour les ventes. Mais cette tendance va finir par se stabiliser. On verra alors si les ventes de 26 se déplacent toutes vers le 29 ou si au contraire le 29 va décroître. Aujourd’hui, ajouter un 27,5 à la gamme compliquerait encore les choses. Nous surveillons le marché mais nous attendons de voir lequel va s’imposer.

Propos recueillis à Friedrichshafen le 29 août 2012.