Jean-Christophe, tu remportes le Roc d’Azur en 1994. As-tu une anecdote sur cette édition ?
Je me rappelle d’un petit bonhomme qui était encore Junior à l’époque : un certain Miguel Martinez. On s’est assez vite échappé avec Bruno Le Bras et on s’est retrouvé avec lui à l’avant. Il s’est accroché pendant les deux tiers de la course et ça a été très difficile de le lâcher, c’était incroyable ! On savait qu’il avait du talent puisqu’il avait été sacré champion du monde Junior à Vail cette année-là. Il était venu faire le Roc chez les Élites et je me rappelle avoir dit à Bruno : « il va nous faire mal l’an prochain quand il sera passé Espoir. »

Comment avais-tu remporté l’épreuve ?
Je m’étais échappé avant l’arrivée. L’année d’avant, je termine 2ème derrière Bruno. Il s’échappe sur le Sentier du Littoral grâce à ses qualités de cyclo-crossman. J’étais plus puissant et j’avais dû essayer le lâcher dans les côtes un peu plus longues pour éviter de me retrouver dans cette situation en 94.

Que gagnait un vainqueur du Roc à cette époque ?
On ne gagnait pratiquement rien, à part des contrats pour l’année suivante. On devait gagner quelque chose comme 700 francs, donc pas grand-chose. Et encore, je n’en suis pas certain.

1994 n’avait pourtant pas été une année facile pour toi….
C’est une année un peu particulière, car je devais signer avec MBK au début de l’année 1994 avant que le sponsor ne se désiste. Je me suis retrouvé au début du mois de janvier sans sponsor, et avec quelques touches pour rentrer dans des teams, mais avec des frais de déplacement. Je m’étais dit que j’allais faire une année blanche, sans sponsor, même si j’ai trouvé quelques sponsors personnels. Un magasin de vélo m’a aidé pour trouver un VTT. Vélo Vert m’avait aussi aidé et j’ai couru sous un maillot blanc pendant toute l’année. En 1995, je deviens champion de France et, dans la foulée, champion d’Europe.

Comment as-tu évolué au Roc d’Azur en terme de places ?
J’ai fait deux fois 2ème avant de le gagner. En 1992, derrière Tim Gould et en 1993 derrière Bruno Le Bras. J’ai fait le Roc toutes les années qui ont suivi ma victoire, même si je l’ai parfois fait en dilettante. J’étais souvent assez frais à cette époque de l’année, car je commençais à être en forme à la fin du mois de juin, étant un homme aimant la chaleur. Il y a eu simplement un intermède en 1996 à La Foux où je n’ai pas de souvenir. Et puis le Roc est arrivé à Fréjus l’année suivante, en 97. J’ai dû faire des places dans les dix premiers à la fin des années 90.

Qu’en est-il de ton premier Roc ?
Bonne question ! Ce doit être en 1989 ou 1990. Je ne me souviens pas du vainqueur, car j’étais loin. C’était l’une de mes premières épreuves en VTT. J’avais fait au mois de juin une course au Vigeant sous la pluie. Puis je m’étais installé sur la Côte d’Azur pour travailler. Je ne m’étais pratiquement pas entraîné. On m’avait prêté un Cannondale et j’ai participé à l’épreuve.

Aujourd’hui, tu fais partie de l’organisation du Salon du Cycle. Comment perçois-tu l’intérêt du Roc d’Azur pour la profession ?
Le Roc d’Azur est le rassemblement de la fin d’année, le dernier rayon de soleil. Dans la tête des gens, on va au Roc pour pratiquer au soleil avant d’attaquer l’hiver. C’est un lieu formidable, qui fait rêver. C’est une course mythique qui a pris un essor fantastique dans l’esprit des gens. C’est un dernier rassemblement qui mélange esprit festif et parcours superbes. Il y a aussi le salon où les gens peuvent essayer le vélo sur le terrain, le toucher, etc.

Comment le comparerais-tu au Salon du Cycle ?
Le salon du Roc d’Azur draine beaucoup de monde, des gens sur place, qui viennent dès le jeudi ou le vendredi et qui reviennent par la suite. En terme de volume, il y a beaucoup de monde, mais cela reste bien souvent les mêmes personnes. Au Roc, le public de vététiste est conquis. Il pratique déjà et ces personnes-là vont pouvoir changer de marque, changer de vélo. Il s’agit plus d’exposition. Certaines grandes marques ne sont pas présentes en tant que stand, mais en tant qu’assistance. Le Roc d’Azur est moins dans l’ouverture que des salons comme peuvent être celui de Paris ou d’autres. Notre public est beaucoup plus large. Des badauds, des personnes qui prennent un Vélib pour aller travailler et qui veulent acheter un vélo, etc. On aurait tendance à ouvrir un peu plus le marché que le Roc d’Azur. Selon moi, les deux salons sont complémentaires si les marques le prennent intelligemment, même s’il y a une concurrence.

Participes-tu encore au Roc ?
Oui, je suis chaque année présent au Roc. Cela me permet de travailler différemment, voir les exposants en étant soit un an avant notre salon, soit juste après. Cela nous permet de débriefer, on discute entre professionnels sous le soleil en short. On fait le point, on parle du métier.

Penses-tu que le Roc a bien évolué avec son temps ou regrettes-tu que certaines disciplines comme la DH ne soient pas bien représentées ?
Il y a une scission qui ne l’est pas vraiment entre la descente et le cross-country. Les descendeurs restent très présents sur le Roc d’Azur malgré tout, sans parler des enduristes. Ils l’ont toujours été en participant au Roc Tandem, ou simplement pour se détendre. C’était aussi un lieu à l’époque où on cherchait nos contrats. Je ne pense pas que les descendeurs trouvent dommage qu’il n’y ait pas de descente au Roc.

Tu as aussi participé à la Sea Otter Classic. Peut-on comparer les deux événements ?
J’y ai participé en 1997, mais je ne sais pas comment elle a évolué. C’est un rendez-vous très mixte. Ils ont misé sur la polyvalence avec des critériums sur route, du cyclo-cross, etc. C’est une épreuve réputée, mythique, qui lance la saison donc très importante pour les marques aussi.

Comment vois-tu le Roc d’Azur dans dix ans ?
On sent une évolution du nom Roc d’Azur avec des éditions dans les Alpes, à Paris, et à Houffalize. Cela a du sens. Je ne le vois pas évoluer tant que cela. Il a atteint son seuil de maturité. Organiser un cyclo-cross comme sur la Sea Otter Classic est tout à fait faisable. Mais cela reste une discipline du nord de l’Europe. Je ne la vois pas avoir un essor formidable et je ne suis pas certain que ce soit utile. Pourquoi pas une cyclosportive rattachée à cela ? Mais là encore, je ne suis pas certain que cela fonctionne, que cela colle.