Ils se sont taquinés, jaugés, mesurés, sans vraiment se démarquer. Alors, quand la montagne se pointe pour de bon aujourd’hui entre Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse) et la Montagne de Lure (Alpes-de-Haute-Provence), il est une évidence que cette journée sera décisive à quarante-huit heures du chrono du col d’Eze. Paris-Nice se présente pour la seconde fois après 2009 sur les pentes roussies coiffées de neige du sommet provençal perché à 1600 mètres d’altitude. Vingt-deux coureurs se tenant ce matin en moins d’une demi-minute, ils sont encore nombreux à pouvoir espérer quelque chose de cette ascension de 13,8 kilomètres à 6,6 %, quatre ans après sa découverte. D’autant que tous ont pu constater hier la précarité de l’équipe dévouée à la protection du maillot jaune d’Andrew Talansky (Garmin-Sharp), appelé à se défendre contre tous…

Avant que les favoris ne s’expliquent en haute montagne, des routes jonchées de bosses doivent être parcourues dans cette étape de 176 kilomètres. Ça peut être l’occasion pour une échappée lancée de loin d’espérer tirer quelque chose de cette étape-reine. Et c’est précisément ce que tente de faire Jens Voigt (RadioShack-Leopard) en déclenchant l’échappée du jour après 14 kilomètres. Thierry Hupond (Argos-Shimano), Cyril Lemoine (Sojasun) et Paolo Longo-Borghini (Cannondale) sentent le bon coup. Ils lui emboîtent le pas pour une longue escapade. Mais les 6’35 » que le peloton leur concédera ne pèseront pas bien lourd. A l’approche de la Montagne de Lure, la meute a déjà refait une partie de son retard sur les éclaireurs. Jens Voigt lui opposera bien un peu de résistance mais l’Allemand sera avalé tout cru à 7 kilomètres de l’arrivée par un peloton qui s’est déjà bien égrené durant les premiers kilomètres d’ascension.

Déjà isolé, Andrew Talansky s’est trouvé un allier de circonstance en l’équipe qu’il redoute le plus, le Team Sky de Richie Porte. Fidèle à une stratégie qui a malheureusement tendance à aseptiser les courses depuis un an qu’elle l’applique autour de Bradley Wiggins, la formation britannique imprime son train soutenu à l’avant du peloton. Une trentaine d’hommes grimpe au train, rares étant, une fois encore, les audacieux à oser attaquer la locomotive anglaise. Finalement, c’est tout bon pour Andrew Talansky, dont la stratégie en pareille circonstance devrait consister à profiter de l’allure des Sky pour mieux mater une rébellion de ses adversaires, laquelle tarde d’ailleurs à venir. Seul l’Italien Michele Scarponi (Lampre-Merida) s’y essaie brièvement à 4 kilomètres du but, sans parvenir à creuser de différence significative.

Mais soudain, alors que tout semble rouler pour le mieux pour le Maillot Jaune, voilà qu’il choisit d’anticiper les coups en déclenchant lui-même les hostilités. A 3 kilomètres du sommet, Andrew Talansky se dresse sur les pédales. Peut-être a-t-il appris que la meilleure défense, c’était l’attaque. Peut-être s’est-il laissé emballer par un excès de confiance. Toujours est-il que le jeune homme de 24 ans, qui en est à sa troisième saison chez les pros, se projette de lui-même dans une situation franchement délicate. Car l’assaut qu’il a porté sur les flancs de la Montagne de Lure n’a pas eu l’effet escompté. A l’ordre imposé par l’allure des Sky succède la confusion. Ne sachant plus vraiment où donner de la tête, Andrew Talansky insiste une deuxième fois, puis une autre encore. Mais si le groupe désormais réduit aux seuls favoris s’étire, il ne rompt pas. Et en vue de la flamme rouge, le Maillot Jaune a grillé toutes ses cartouches.

Ce n’est pas le cas de Richie Porte, qui a eu la présence d’esprit de répondre du tac au tac à chacune des accélérations de l’Américain, dont l’agitation immodérée aura tranché aujourd’hui avec la sérénité avec laquelle il avait géré des situations plus complexes ces deux derniers jours. Quand Richie Porte détale à 1300 mètres de la ligne, le Maillot Jaune reste collé. Sur un manque d’appréciation qu’on imputera volontiers à un manque d’expérience, Andrew Talansky laisse s’envoler son plus sérieux adversaire. D’ordinaire réduit au rôle de lieutenant, dont il est certainement l’un des meilleurs au monde, Richie Porte saisit sa chance aujourd’hui. Il décroche la Lure quatre ans après Contador et s’empare du maillot jaune, repoussant Talansky et les autres favoris (Westra, Péraud, Van Garderen, Spilak, Ulissi, Scarponi…) à une demi-minute !

Demain samedi, la sixième étape sera escarpée entre Manosque et Nice (220 km) mais les dernières difficultés se présenteront loin de la Promenade des Anglais.

Classement 5ème étape :

1. Richie Porte (AUS, Team Sky) les 176 km en 4h50’54 » (36,3 km/h)
2. Denis Menchov (RUS, Team Katusha) à 26 sec.
3. Andrew Talansky (USA, Garmin-Sharp) à 33 sec.
4. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) m.t.
5. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) m.t.
6. Lieuwe Westra (PBS, Vacansoleil-DCM) m.t.
7. Jean-Christophe Péraud (FRA, Ag2r La Mondiale) m.t.
8. Nairo-Alexander Quintana (COL, Movistar Team) m.t.
9. Simon Spilak (SLO, Team Katusha) m.t.
10. Michele Scarponi (ITA, Lampre-Merida) m.t.

Classement général :

1. Richie Porte (AUS, Team Sky) en 24h26’08 »
2. Andrew Talansky (USA, Garmin Sharp) à 32 sec.
3. Lieuwe Westra (PBS, Vacansoleil-DCM) à 42 sec.
4. Jean-Christophe Péraud (FRA, Ag2r La Mondiale) à 49 sec.
5. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) à 52 sec.
6. Sylvain Chavanel (FRA, Omega Pharma-Quick Step) à 53 sec.
7. Simon Spilak (SLO, Team Katusha) m.t.
8. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) à 54 sec.
9. Michele Scarponi (ITA, Lampre-Merida) m.t.
10. Peter Velits (SVQ, Omega Pharma-Quick Step) à 56 sec.