Parce qu’il porte sur lui l’étiquette de champion tout terrain, ce qui fait de lui un phénomène unique dans le peloton, le Suisse Fabian Cancellara divise forcément l’opinion. Quand on a atteint ce niveau de performance, on attire l’amour des supporters mais on attise la haine des détracteurs. L’année 2010 du champion helvétique s’inscrit dans cette relation sournoise entre des exploits phénoménaux (ses écrasantes victoires au Tour des Flandres et à Paris-Roubaix, ses succès d’étape et son Maillot Jaune rituel sur le Tour de France) et des soupçons pesants mais pas complètement infondés car alimentés eux-mêmes par l’ambiguïté du champion. On pense bien entendu à la suspicion de triche mécanique et aux mystérieux changements de vélo sur lesquels Fabian Cancellara n’a pas tout dit, laissant planer un mauvais doute.

Autant dire que cette saison 2010 aura été éprouvante pour le Suisse, tant du point de vue physique que moral, puisque outre les soupçons qui ont pesé sur ses performances, Fabian Cancellara a décidé de mettre un terme à sa collaboration avec Bjarne Riis sans pour autant définir par où passerait son avenir. Que cette saison fut rude avant la semaine des Championnats du Monde, durant laquelle le champion, de par son rang, doit encore être sollicité et forcément attendu au tournant. Le rouleur participe aujourd’hui au Championnat du Monde du contre-la-montre et personne ne lui pardonnerait un échec dans cette discipline qu’il domine de la tête et des épaules depuis plusieurs années à présent, puisque invaincu depuis 2006. Fabian Cancellara possède trois titres mondiaux chronométrés à son palmarès, acquis en 2006, 2007 et 2009, le Suisse n’ayant pas défendu ses chances après son titre olympique en 2008.

A raison d’une victoire internationale chaque année depuis quatre ans, celui que l’on surnomme Spartacus du fait de son imposante musculature ne peut pas passer à côté du rendez-vous australien. Pourtant, on ne l’a guère senti dans le coup ces derniers temps, vaincu dans l’unique contre-la-montre individuel du Tour d’Espagne, qu’il a quitté deux jours avant son terme, la tête réclamant du repos. Ces trois titres mondiaux, Cancellara a pourtant décidé de les défendre à Geelong, sur un parcours de 45,6 kilomètres dessiné en grande partie sur le circuit du Championnat du Monde en ligne. Ce sont en fait deux boucles d’un tracé de 22,8 kilomètres que doit parcourir la quarantaine de concurrents engagée. Il s’agit d’un tracé aux senteurs anglo-saxonnes, dessiné à travers de larges avenues rectilignes et perpendiculaires les unes aux autres.

Après 15 kilomètres de course, Fabian Cancellara lance la machine.

Ce Championnat du Monde du contre-la-montre se déroulant sur un circuit, les coureurs s’élancent en quatre vagues, l’élite de la spécialité en dernière lame. Les Français n’ont pas la prétention d’appartenir à cette caste. Ils devront se contenter d’un départ en milieu de tableau et de performances adéquates : Nicolas Vogondy termine 15ème à 3’39 », Sylvain Chavanel se classe 19ème à 4’00 ». A leur place, sans doute, car ceux qui vont s’expliquer pour le titre mondial ont été coulés dans un autre moule. Quatre coureurs vont s’affronter à distance, si ce n’est pour le maillot arc-en-ciel, au moins pour une place sur le podium. Outre le Suisse Fabian Cancellara, les hommes dans le coup aujourd’hui seront le Britannique David Millar, l’Allemand Tony Martin et l’Australien Richie Porte. En revanche, le Slovaque Peter Velits, qui avait atomisé ses adversaires dans le contre-la-montre de la Vuelta, n’est cette fois plus dans le rythme : il finit 32ème.

Des quatre coureurs précités, c’est David Millar qui prend le meilleur départ. Deux côtes aux gros pourcentages qui nécessitent de faire tomber la chaîne sur le petit plateau figurent sur le circuit. Fabian Cancellara s’y élance prudemment, cédant 6 secondes à David Millar en autant de kilomètres. Mais la tendance ne va pas tarder à s’inverser. Et de manière considérable. Après 15 kilomètres de course, le multiple champion du monde du contre-la-montre accélère le tempo. Le tracé comprend des montées, certes, mais aussi une descente abrupte dans laquelle Cancellara atteint sa pleine vitesse. La balance bascule alors en sa faveur et les écarts confortent la belle impression visuelle. A mi-parcours, le rouleur suisse possède 11 secondes d’avance sur David Millar, 28 secondes sur un Richie Porte ovationné par son public et 34 secondes sur Tony Martin.

Le second tour de circuit ne vient que renforcer la tendance de la première boucle. Bien dans l’allure, Fabian Cancellara multiplie son avantage. Il enfonce le clou de manière indiscutable pour terminer l’épreuve avec une avance très nette. A Geelong, le coureur du Team Saxo Bank devient le premier coureur à remporter le Championnat du Monde du contre-la-montre pour la quatrième fois, un record qui lui va droit au cœur, le Suisse franchissant la ligne d’arrivée le sourire aux lèvres et quatre doigts brandis vers les appareils photos. Le résultat est sans appel. Au bout de 45,6 kilomètres, Fabian Cancellara termine 1’03 » avant David Millar et 1’12 » avant Tony Martin, qu’une crevaison dans la première partie de la course aura empêché d’obtenir la médaille d’argent pour laquelle il semblait avoir les jambes aujourd’hui. Sur leurs terres, les Australiens Richie Porte et Michael Rogers, 4ème et 5ème, devront se contenter d’admirer le podium.

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Classement :

1. Fabian Cancellara (Suisse) les 45,6 km en 58’09 » (47,0 km/h)
2. David Millar (Grande-Bretagne) à 1’03 »
3. Tony Martin (Allemagne) à 1’12 »
4. Richie Porte (Australie) à 1’19 »
5. Michael Rogers (Australie) à 2’25 »
6. Koos Moerenhout (Pays-Bas) à 2’41 »
7. Luis-Leon Sanchez (Espagne) à 2’44 »
8. David Zabriskie (Etats-Unis) à 2’51 »
9. Maciej Bodnar (Pologne) à 3’01 »
10. Gustav-Erik Larsson (Suède) m.t.
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