Les succès remportés par Chris Froome (Team Sky) depuis qu’il a éclos sur la Vuelta 2011 se suivent et se ressemblent. Le Britannique a adopté la tactique du rouleau compresseur imposée par le Team Sky depuis près de cinq ans, jusqu’à en devenir le meilleur de ses représentants. Attendre la dernière montée, accélérer progressivement au train, puis lâcher les watts à proximité du sommet pour sortir de la roue tous ses adversaires. La tactique est éculée et son manque de panache a suscité bien des débats. Mais sur ce Tour de Romandie, plus que jamais marqué par une météo dantesque, Chris Froome et ses coéquipiers ont affiché une inhabituelle faiblesse. Il a suffi d’une crevaison sur la première étape de montagne pour enrayer la belle mécanique. Repoussé à plus de 17 minutes, Chris Froome n’avait plus rien à perdre alors que le peloton aborde l’étape-reine.

C’est précisément cette absence de pression qui fera sa force aujourd’hui, autant que l’orgueil blessé du champion qu’il est. Car sur un Tour de Romandie où il enchaîne les galères, le vainqueur sortant du Tour de France se décide à sortir de sa zone de confort. Ne représentant aucun danger pour le classement général, Chris Froome sort du peloton à plus de 35 kilomètres de l’arrivée, dans la première des deux montées de Barboleusaz (8,9 km à 7,8 %) ! En compagnie de Tejay Van Garderen (BMC Racing Team), le Britannique part à l’assaut de Bob Jungels (Etixx-Quick Step) et Pavel Kochetkov (Team Katusha) qui formaient avec Sander Armée (Lotto-Soudal) la première échappée. La tactique est osée d’autant qu’à l’arrière ce mouvement ne laisse pas indifférent. Autant par la présence du leader du Team Sky et double vainqueur du Tour de Romandie, que par celle de l’Américain, 9ème du classement général à 1’22 » de Nairo Quintana.

Contre toute attente, Chris Froome réussit ce coup qu’il n’aurait sans doute jamais tenté en d’autres circonstances. Malgré la réaction de leurs adversaires, les deux hommes passent pour la première fois la ligne d’arrivée avec un avantage intéressant de 51 secondes. L’alerte est lancée par Nairo Quintana. Mais le travail de l’équipe Movistar ne débouche sur rien. Si Froome et Van Garderen ont des intérêts différents, la victoire d’étape pour le premier, la remontée au classement général pour le second, les deux hommes sont embarqués dans le même bateau et se défendent pour maintenir l’avance qu’ils ont creusée dans la montée. Au moment où la route se cabre à nouveau à 13 kilomètres du but, le groupe de tête n’a rien perdu. Au contraire son avance a même légèrement augmenté, proche de franchir la barre symbolique de la minute.

Vu le pedigree des coureurs à l’avant, les leaders restés au sein du peloton ne se font plus d’illusion pour la victoire d’étape. En revanche, les écarts au général étant serrés, il restait à désigner l’identité et l’ordre des hommes sur le podium. Voyant sa position menacée par le baroud de Tejay Van Garderen, Thibaut Pinot (FDJ) ne manque pas de réagir. A plusieurs reprises, le Franc-Comtois tente de sortir seul du groupe, mais le vainqueur du chrono de Sion hier voit ses adversaires s’agglutiner dans sa roue. Le 2ème du classement général imprime donc lui même le tempo du groupe, relayé un temps par Sébastien Reichenbach afin de maintenir groupé le peloton des favoris et de limiter le retard sur Tejay Van Garderen.

La mission est accomplie et le groupe des favoris reviendra même sur l’Américain dans les derniers kilomètres qui mènent à la ligne d’arrivée, une fois le sommet franchi. Le leader de l’équipe BMC Racing Team a dû s’avouer vaincu quand Chris Froome, à 7 kilomètres du but, accélère légèrement le tempo. Le Britannique anticipe l’explication entre favoris et voit son audace récompensée par une belle victoire d’étape acquise avec panache. Prudent dans la dernière descente rendue glissante par les lourdes averses, le double vainqueur du Tour préserve quatre secondes d’avance sur Ion Izagirre (Movistar Team). Les secondes de bonification prises par l’Espagnol lui permettent de monter sur le podium au détriment d’Ilnur Zakarin (Team Katusha), mais elles ne menacent pas la 2ème place de Thibaut Pinot au classement général.

La dernière étape du Tour de Romandie entre Ollon et Genève (172 km) ne devrait pas bouleverser outre mesure le classement.

Classement 4ème étape :

1. Chris Froome (GBR, Team Sky) les 172,7 km en 4h44’24 » (36,4 km/h)
2. Ion Izagirre (ESP, Movistar Team) à 4 sec.
3. Thibaut Pinot (FRA, FDJ) m.t.
4. Ilnur Zakarin (RUS, Team Katusha) m.t.
5. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) m.t.
6. Bauke Mollema (PBS, Trek-Segafredo) m.t.
7. Rui Costa (POR, Lampre-Merida) m.t.
8. Rigoberto Uran (COL, Cannondale) m.t.
9. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) à 9 sec.
10. Simon Spilak (SLO, Team Katusha) m.t.

Classement général :

1. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) en 12h07’03 »
2. Thibaut Pinot (FRA, FDJ) à 19 sec.
3. Ion Izagirre (ESP, Movistar Team) à 23 sec.
4. llnur Zakarin (RUS, Team Katusha) à 26 sec.
5. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) à 57 sec.
6. Rui Costa (POR, Lampre-Merida) à 1’12 »
7. Simon Spilak (SLO, Team Katusha) à 1’16 »
8. Mathias Frank (SUI, IAM Cycling) m.t.
9. Bauke Mollema (PBS, Trek-Segafredo) à 1’24 »
10. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) à 1’27 »