En reprenant aujourd’hui, de Saumur à Limoges, sa descente en direction des premiers reliefs, une longue, très longue étape, attendait le peloton du Tour de France. 237,5 kilomètres à travers le Maine-et-Loire, la Vienne et la Haute-Vienne, sur un tracé roulant qui, de l’Anjou au Limousin, voyait progressivement les nuages bas lâchant encore quelques gouttes au matin se dissiper pour faire enfin triompher un franc soleil. 237,5 kilomètres, c’était peu ou prou la distance d’une classique, la difficulté en moins. Une étape marathon construite sur le schéma de celle d’hier, avec un scénario on ne peut plus analogue : une échappée matinale formée cette fois par quatre coureurs, un peloton placide qui aura jonglé avec les différences sans jamais se laisser dominer, le tout pour un sprint royal sur l’avenue Georges Dumas, qui remontait en ligne droite depuis le Pont Neuf traversant la Vienne.

Il avait fallu attendre une grosse vingtaine de kilomètres pour rassembler suffisamment de baroudeurs à l’entame des 200 bornes qu’il restait encore à parcourir pour rejoindre Limoges. Sortis les premiers, Markel Irizar (Trek-Segafredo) et Andreas Schillinger (Bora-Argon 18) avaient reçu le renfort d’Alexis Gougerard (Ag2r La Mondiale) et Oliver Naesen (IAM Cycling) pour façonner la sempiternelle échappée publicitaire. Car sur ces routes tracées à la règle sur des terrains plus ou moins vallonnés, il n’était pas tellement permis à une échappée de s’imaginer tromper la vigilance des équipes de sprinteurs. A l’exception d’un spécialiste des échappées au long cours comme le Normand Alexis Gougeard, aucun coureur français n’avait d’ailleurs pris le parti de brûler des calories en tête de course. Et c’est signe que nos Bleus vaquent désormais à des occupations plus éminentes, motivés par la défense d’un leader comme c’est le cas chez Ag2r La Mondiale et FDJ ou par celle d’un sprinteur comme le font Cofidis et Direct Energie.

A mesure que l’on filait sur Limoges, à un rythme autrement plus soutenu que celui de la veille (43,3 km/h sur les 237,5 kilomètres), personne n’accordait la moindre chance au quatuor de tête, dont se retirait Alexis Gougeard pour laisser Markel Irizar, Oliver Naesen et Andreas Schillinger prolonger l’exposition médiatique jusqu’à 7 kilomètres de l’arrivée. Tous les attaquants rejoints après une fugue de plus de 200 kilomètres, il restait aux équipes de sprinteurs à dérouler le tapis rouge aux leurs. C’est le train des Lotto-Soudal, pour André Greipel, qui gagnait dans les rues de Limoges son bras de fer pour le contrôle du peloton, mais le champion d’Allemagne allait buter dans les derniers hectomètres contre le faux plat limougeaud, plus prononcé encore que celui d’Angers, où il était allé chercher hier la 2ème place au sprint, en mettant à l’épreuve les contrôleurs de la photo-finish.

Marcel Kittel et Bryan Coquard franchissent ensemble la ligne d’arrivée.

Et c’est encore vers la cabine de chronométrage qu’allaient se tourner ce soir les regards sitôt la ligne franchie par le peloton du Tour. Cette fois on n’avait vu ni Cavendish (8ème) ni Greipel (19ème) mais le duel musclé que s’offraient en tête de file Marcel Kittel (Etixx-Quick Step) et Bryan Coquard (Direct Energie) était tout aussi délectable. C’est l’Allemand, quadruple vainqueur d’étape en 2013 comme en 2014, lors de ses deux dernières participations au Tour, qui se montrait le plus convaincant en menant le sprint devant. Mais Bryan Coquard, sorti de la roue de Peter Sagan (Tinkoff), remontait férocement son petit gabarit à hauteur de la silhouette de colosse du sprinteur allemand. Epaule contre épaule, les deux hommes jetaient leur vélo dans une même lancée sur une ligne blanche qu’ils franchissaient ensemble (2,8 centimètres) sans savoir qui de l’un ou de l’autre venait d’ajouter une victoire sur le Tour à son palmarès.

A la lecture minutieuse de la photo-finish, les juges à l’arrivée étaient bientôt en mesure de communiquer un nom. Ce serait celui de Kittel. Après une saison blanche qui l’avait privé de Tour, l’Allemand s’est relancé cette année chez Etixx-Quick Step, précisément au poste qu’occupait avant lui un certain Mark Cavendish. Un retour au plus haut niveau qui se traduit par dix victoires à ce jour. Et qui retarde encore un peu le premier succès d’envergure de Bryan Coquard. 3ème à Angers, 2ème à Limoges, voilà qui fait déjà quatre podiums pour le Coq en deux éditions – en cours – du Tour de France puisqu’il avait terminé 3ème au Havre et 2ème à Paris l’an passé. Pas encore de là à en faire l’égal de Peter Sagan, dans le Top 3 tous les soirs depuis le Grand Départ, ce qui en fait un Maillot Jaune très légitime. Pour vingt-quatre heures encore car la route comme les débats sont invités à s’élever demain tandis que la course fera un crochet par le Massif central et des cols déjà bien corsés (le Puy Mary, le Perthus et le Font de Cère dans les 35 derniers kilomètres).

On entrera en douceur dans le vif du sujet, histoire de ne pas voir se répéter le coup de massue de La Pierre-Saint-Martin, quand Chris Froome l’an passé avait assommé le Tour dès l’entrée en montagne. On n’attend d’ailleurs pas grand-chose des favoris, à dire vrai, dans ce massif intermédiaire placé sur le long chemin qui mène les coureurs des bocages normands aux cimes pyrénéennes. Personne ne gagnera le Tour demain en rejoignant le Lioran mais il sera intéressant de voir l’attitude qu’adopteront Alberto Contador (Tinkoff) et Richie Porte (BMC Racing Team), les deux favoris touchés dans leur chair et leur orgueil avant l’ouverture à proprement parler des hostilités. Quant à Julian Alaphilippe (Etixx-Quick Step), 2ème à 12 secondes, il tient peut-être là l’occasion ou jamais de donner de la couleur, jaune au hasard, à son maillot blanc de meilleur jeune dans une étape qui répond à ses caractéristiques.

Demain mercredi, la cinquième étape du Tour de France reliera Limoges au Lioran (216 km).

Classement 4ème étape :

1. Marcel Kittel (ALL, Etixx-Quick Step) les 237,5 km en 5h28’30″ (43,3 km/h)
2. Bryan Coquard (FRA, Direct Energie) m.t.
3. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff) m.t.
4. Dylan Groenewegen (PBS, Team LottoNL-Jumbo) m.t.
5. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) m.t.
6. Sondre Holst-Enger (NOR, IAM Cycling) m.t.
7. Daniel McLay (GBR, Fortuneo-Vital Concept) m.t.
8. Mark Cavendish (GBR, Dimension Data) m.t.
9. Samuel Dumoulin (FRA, Ag2r La Mondiale) m.t.
10. Simon Gerrans (AUS, Orica-GreenEdge) m.t.

Classement général :

1. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff) en 20h03’02″
2. Julian Alaphilippe (FRA, Etixx-Quick Step) à 12 sec.
3. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 14 sec.
4. Warren Barguil (FRA, Giant-Alpecin) à 18 sec.
5. Chris Froome (GBR, Team Sky) m.t.
6. Roman Kreuziger (TCH, Tinkoff) m.t.
7. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) m.t.
8. Fabio Aru (ITA, Astana) m.t.
9. Michael Matthews (AUS, Orica-Bike Exchange) m.t.
10. Pierre Rolland (FRA, Cannondale) m.t.

Classement par points :

1. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff) 147 pt
2. Mark Cavendish (GBR, Dimension Data) 142 pt
3. Marcel Kittel (ALL, Etixx-Quick Step) 137 pt
4. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) 87 pt
5. Bryan Coquard (FRA, Direct Energie) 83 pt
6. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) 56 pt
7. Edward Theuns (BEL, Trek-Segafredo) 45 pt
8. Michael Matthews (AUS, Orica-BikeExchange) 38 pt
9. Julian Alaphilippe (FRA, Etixx-Quick Step) 37 pt
10. Sondre Holst-Enger (NOR, IAM Cycling) 34 pt

Classement de la montagne :

1. Jasper Stuyven (BEL, Trek-Segafredo) 4 pt
2. Paul Voss (ALL, Bora-Argon 18) 2 pt
3. Armindo Fonseca (FRA, Fortuneo-Vital Concept) 1 pt
4. Markel Irizar (ESP, Trek-Segafredo) 1 pt
5. Vegard Breen (NOR, Fortuneo-Vital Concept) 1 pt
6. Roman Kreuziger (TCH, Tinkoff) 1 pt

Classement des jeunes :

1. Julian Alaphilippe (FRA, Etixx-Quick Step) en 20h03’14″
2. Warren Barguil (FRA, Giant-Alpecin) à 6 sec.
3. Wilco Kelderman (PBS, Team LottoNL-Jumbo) m.t.
4. Adam Yates (GBR, Orica-GreenEdge) m.t.
5. Louis Meintjes (AFS, Lampre-Merida) à 17 sec.
6. Lawson Craddock (USA, Cannondale-Drapac) à 23 sec.
7. Eduardo Sepulveda (ARG, Fortuneo-Vital Concept) m.t.
8. Patrick Konrad (AUT, Bora-Argon 18) m.t.
9. Emanuel Buchmann (ALL, Bora-Argon 18) m.t.
10. Jan Polanc (SLO, Lampre-Merida) à 41 sec.

Prix de la combativité :

1. Oliver Naesen (BEL, IAM Cycling)

Classement par équipes :

1. Orica-BikeExchange (AUS) en 60h00’10 »
2. Team Sky (GBR) m.t.
3. Movistar Team (ESP) à 21 sec.
4. FDJ (FRA) à 22 sec.
5. Astana (KAZ) à 26 sec.
6. Cannondale-Drapac (USA) à 34 sec.
7. Team Katusha (RUS) à 35 sec.
8. Ag2r La Mondiale (FRA) à 36 sec.
9. Lampre-Merida (ITA) à 46 sec.
10. Etixx-Quick Step (BEL) à 48 sec.