Le peloton qui en terminait avec l’étape la plus longue du Tour de France (222,5 km), 12’27 » après le passage du lauréat du jour, portait presque le sceau des fumigènes de la Patrouille de France qui l’avait survolé un peu plus tôt dans la journée. A Salon-de-Provence, tout près de la base de la patrouille acrobatique, chacun avançait en formations groupées autour de son leader. Les blancs de Chris Froome (Team Sky) d’abord, les bleus-marron de Romain Bardet (Ag2r La Mondiale) ensuite, les verts pomme de Rigoberto Uran (Cannondale-Drapac) derrière. Une procession très hiérarchisée que chacun voudra encore bousculer demain alors qu’il ne reste en théorie plus que 22,5 kilomètres, seul face au chono marseillais, pour modifier le cours des choses. Et réécrire une histoire que l’on croit toute faite.

Face à l’enjeu majeur qui les attend dans vingt-quatre heures, et faute de mistral suffisamment généreux en arrivant dans les Bouches-du-Rhône, aucun favori n’avait à cœur de batailler dans cette longue transition entre la montagne (on partait d’Embrun, dans les Hautes-Alpes) et la mer. La fatigue a gagné du terrain à tous les échelons et aucun sprinteur – ceux qui ont survécu aux carnages des trois semaines passées – n’aurait aujourd’hui l’indécence de réclamer des efforts à ses équipiers.

La première partie de course accidentée à la sortie du dernier massif de la Grande Boucle allait favoriser une échappée. Ceux qui voulaient encore se faire du mal y étaient les bienvenus. Ils allaient être vingt à répondre à cet appel passé le col Lebraut, kilomètre 35. Vingt candidats mais un seul reçu sur le podium au bout du compte, ce qui ne freinait aucunement l’ardeur des courageux qui s’étaient lancés dans la bataille. On trouvait là Calmejane, Chavanel et Sicard (Direct Energie), Gesbert, Hardy et Périchon (Team Fortuneo-Oscaro), Albasini et Keukeleire (Orica-Scott), De Gendt et Gallopin (Lotto-Soudal), Arndt (Team Sunweb), Bakelants (Ag2r La Mondiale), Bennati (Movistar Team), Boasson-Hagen (Dimension Data), Brambilla (Quick-Step Floors), Kiserlovski (Katusha-Alpecin), Molard (FDJ), Mollema (Trek-Segafredo), Simon (Cofidis) et Swift (UAE Team Emirates).

Après avoir travaillé pour écarter définitivement un retour du peloton, qui abandonnait la partie à l’entame du dernier tiers de course, les vingt n’hésitaient plus à se mesurer. Dans le col du Pointu (5,8 km à 4,1 %) à 45 kilomètres de l’arrivée d’abord, puis face au vent défavorable dans la partie finale, qui voyait le groupe se scinder à 15 kilomètres du but. Ne restaient plus alors pour la victoire d’étape que neuf finalistes : Michael Albasini, Nikias Arndt, Jan Bakelants, Daniele Bennati, Edvald Boasson-Hagen, Sylvain Chavanel, Thomas De Gendt, Elie Gesbert et Jens Keukeleire.

Considéré légitimement comme le plus rapide au sprint (2ème à Nuits-Saint-Georges quand il avait été battu pour 6 millimètres par Marcel Kittel, 3ème à Pau, 3ème à Rodez, 2ème à Romans-sur-Isère), Edvald Boasson-Hagen avait finalement tout intérêt à anticiper les assauts de ses adversaires pour privilégier… une arrivée en solitaire ! Et un brin de réussite allait jouer en sa faveur quand, à l’amorce d’un rond-point à 3 kilomètres de l’arrivée, le Norvégien osait prendre à droite avec Nikias Arndt quand tous les autres filaient sur le côté gauche. Bien lui en prenait car ce rond-point n’était pas si rond et la trajectoire retenue par Arndt et Boasson-Hagen leur permettait de sortir dotés de quelques mètres d’avance sur leurs compagnons d’échappée.

Le trou ainsi réalisé ne leur échappait pas et ils insistaient automatiquement pour ne plus être rejoints. Un effort d’une telle puissance que Nikias Arndt ne parvenait pas à retomber dans la roue d’Edvald Boasson-Hagen après un relai appuyé. Et le Norvégien s’en allait ainsi conquérir l’étape après laquelle il avait couru tout du long de ce Tour de France. Six ans après le doublé qu’il s’était offert sur le Tour 2011. Un doublé qui n’est pas encore inaccessible pour Boasson-Hagen, que l’on présentera forcément parmi les favoris du sprint des Champs-Elysées dimanche, face à un Michael Matthews (Team Sunweb) mathématiquement assuré de remporter le classement par points.

Demain samedi, place au dernier contre-la-montre individuel autour de Marseille (22,5 km).

Classement 19ème étape :

1. Edvald Boasson-Hagen (NOR, Dimension Data) les 222,5 km en 5h06’09 » (43,6 km/h)
2. Nikias Arndt (ALL, Team Sunweb) à 5 sec.
3. Jens Keukeleire (BEL, Orica-Scott) à 17 sec.
4. Daniele Bennati (ITA, Movistar Team) m.t.
5. Thomas De Gendt (BEL, Lotto-Soudal) m.t.
6. Sylvain Chavanel (FRA, Direct Energie) m.t.
7. Elie Gesbert (FRA, Team Fortuneo-Oscaro) m.t.
8. Jan Bakelants (BEL, Ag2r La Mondiale) m.t.
9. Michael Albasini (SUI, Orica-Scott) à 19 sec.
10. Pierre-Luc Périchon (FRA, Team Fortuneo-Oscaro) à 1’32 »

Classement général :

1. Chris Froome (GBR, Team Sky) en 83h26’55 »
2. Romain Bardet (FRA, Ag2r La Mondiale) à 23 sec.
3. Rigoberto Uran (COL, Cannondale-Drapac) à 29 sec.
4. Mikel Landa (ESP, Team Sky) à 1’36 »
5. Fabio Aru (ITA, Astana) à 1’55 »
6. Daniel Martin (IRL, Quick-Step Floors) à 2’56 »
7. Simon Yates (GBR, Orica-Scott) à 4’46 »
8. Louis Meintjes (AFS, UAE Team Emirates) à 6’52 »
9. Warren Barguil (FRA, Team Sunweb) à 8’22 »
10. Alberto Contador (ESP, Trek-Segafredo) à 8’34 »

Classement par points :

1. Michael Matthews (AUS, Team Sunweb) 364 pt
2. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) 204 pt
3. Edvald Boasson-Hagen (NOR, Dimension Data) 200 pt
4. Sonny Colbrelli (ITA, Bahrain-Merida) 163 pt
5. Alexander Kristoff (NOR, Katusha-Alpecin) 158 pt

Classement de la montagne :

1. Warren Barguil (FRA, Team Sunweb) 169 pt
2. Primoz Roglic (SLO, Team LottoNL-Jumbo) 80 pt
3. Thomas De Gendt (BEL, Lotto-Soudal) 64 pt
4. Darwin Atapuma (COL, UAE Team Emirates) 55 pt
5. Chris Froome (GBR, Team Sky) 51 pt

Classement des jeunes :

1. Simon Yates (GBR, Orica-Scott) en 83h31’41 »
2. Louis Meintjes (AFS, UAE Team Emirates) à 2’206″
3. Emanuel Buchmann (ALL, Bora-Hansgrohe) à 26’15 »
4. Tiesj Benoot (BEL, Lotto-Soudal) à 36’03 »
5. Guillaume Martin (FRA, Wanty-Groupe Gobert) à 46’07 »

Prix de la combativité :

1. Jens Keukeleire (BEL, Orica-Scott)

Classement par équipes :

1. Team Sky (GBR) en 250h38’26 »
2. Ag2r La Mondiale (FRA) à 3’08 »
3. Trek-Segafredo (USA) à 1h41’51 »
4. BMC Racing Team (USA) à 1h47’35 »
5. Orica-Scott (AUS) à 1h49’29 »