Dans une semaine exactement, quelqu’un gravira les marches du podium du Tour de France pour s’élever sur la marche centrale, la plus haute, et (re)devenir vainqueur du Tour. Ce quelqu’un, à l’heure où se referme la deuxième semaine de course – on tournera vraiment la page demain soir après une étape emmenant le peloton à Berne, où il marquera une seconde journée de repos mardi –, c’est Chris Froome (Team Sky). Le Maillot Jaune franchit les obstacles les uns après les autres, sans avoir encore écrasé son monde, mais sans donner non plus le sentiment de chanceler, et donc d’être prenable. Est-ce ce signe que guettent en vain ceux qui le marquent de près sans s’aventurer à lui montrer leur train arrière ? En sont-ils seulement capables ? Il reste du temps, bien sûr, des kilomètres et des cols (onze dans les Alpes), mais à force de laisser passer les occasions, on arrivera sur les Champs sur un statu quo.

Avant de s’engager dans le massif alpin pour une troisième semaine qui doit enfin provoquer la bataille parmi les leaders du classement général, le Tour s’offrait aujourd’hui un petit crochet bien pensé par le Jura et son géant, le col du Grand Colombier, qui domine la haute vallée du Rhône et le lac du Bourget. Il est curieux de concevoir que ce sommet jurassien, avancé comme l’un des plus durs de France, n’avait jamais été visité par la Grande Boucle avant 2012. Une incongruité de l’Histoire que le Tour s’attache à réparer. De retour dans l’Ain pour une étape Bourg-en-Bresse-Culoz de 160 kilomètres, l’épreuve offrait aujourd’hui une double portion de Grand Colombier en soumettant à l’attention des grimpeurs deux de ses quatre versants : la montée par Lochieu d’abord, côté ouest, avant de s’attaquer à l’ascension des lacets, depuis Culoz, où la course passait une première fois sur la ligne d’arrivée à 23,5 kilomètres du but. Le tout étant précédé de multiples difficultés sur les routes de l’Ain.

Avec un col Hors Catégorie, deux cols de 1ère catégorie, un col de 2ème catégorie et deux côtes de 3ème catégorie, il était acté que cette quinzième étape se déroulerait sur fond de bataille pour le maillot à pois. Et à ce titre Rafal Majka (Tinkoff) comptait bien aller chercher le maillot qu’il avait ramené à Paris en 2014. C’est dans ce but qu’il accompagnait une échappée matinale de trente coureurs au sein de laquelle figuraient Clement, Coppel et Pantano (IAM), Durasek, Grmay et Polanc (Lampre), Rolland, Slagter et Van Baarle (Cannondale), Ion Izagirre et Oliveira (Movistar), Kangert et Nibali (Astana), Losada et Zakarin (Katusha), Morabito et Reichenbach (FDJ), Pozzovivo et Vuillermoz (Ag2r La Mondiale), Sicard et Voeckler (Direct Energie), Alaphilippe (Etixx), Bennett (LottoNL), Dumoulin (Giant), Huzarski (Bora), Navarro (Cofidis), Pauwels (Dimension Data), Plaza (Orica) et Zubeldia (Trek).

Romain Bardet gagne une place en éjectant Tejay Van Garderen sur une attaque.

Et quand certains des trente attaquants avaient tenté de faire la différence dans les ascensions préliminaires, c’est bien la première des deux escalades du Grand Colombier qui allait faire sauter l’imposant groupe de tête à 50 kilomètres du but. Sous l’impulsion de Rafal Majka. Mais le Polonais, qui s’en allait cueillir le maillot de meilleur grimpeur, voyait rentrer sur lui dans la descente un encourageant Julian Alaphilippe, flanqué de Jarlinson Pantano. Malheureusement un ennui mécanique arrêtait net le coureur français dans son élan, lui qui semblait bien lancé pour débloquer le compteur tricolore sur ce Tour où rien ne va vraiment comme prévu. Le néophyte d’Etixx, finalement 5ème à 22 secondes, aura de quoi s’en mordre les doigts, car son problème de machine lui aura laissé filer une bonne minute sur le coup… et surtout les deux qui allaient s’expliquer pour la victoire après le second franchissement du Grand Colombier.

Si Rafal Majka, à force d’insister, avait fini par déposer Jarlinson Pantano dans les lacets, ce dernier n’avait pas l’intention de se laisser impressionner de la sorte. Il basculait dans la descente technique avec 23 secondes de retard sur le Polonais, dont il profitait d’une faute de pilotage dans une courbe étroite pour rentrer et proposer un dénouement au sprint à Culoz entre les deux rescapés de la grosse échappée du matin. Si Rafal Majka compte déjà trois victoires d’étape dans le Tour (Risoul et Saint-Lary-Soulan en 2014, Cauterets en 2015), jamais encore il n’avait dû composer avec un compagnon de fugue. Son infériorité sur un face-à-face n’avait pas échappé à Pantano. Dans le Top 20 du Tour l’an passé (19ème pour ses débuts), le Colombien venait chercher la victoire d’étape. Sous les yeux d’un tandem Vuillermoz-Reichenbach rentré trop tard, ce qui permet néanmoins au Suisse de la FDJ de faire un petit rapproché au classement général, 14ème quand il était 17ème ce matin.

De menus profits, tout ça. Chris Froome, protégé par Wout Poels et Mikel Nieve, n’aura jamais tremblé. Ni devant un démarrage de Fabio Aru, dont l’équipe Astana se sera substituée aux Sky dans le travail de sape orchestré dans la première montée du Grand Colombier. Ni par une accélération de Romain Bardet (Ag2r La Mondiale) en direction des lacets, qui aura néanmoins eu pour effet d’éjecter Tejay Van Garderen (BMC Racing Team) du groupe Maillot Jaune. L’Américain, seule victime de cette étape jurassienne, aura concédé 1’28 » à ses adversaires, arrivés en groupe 3’07 » après Jarlinson Pantano. Ce qui fait de Romain Bardet le seul véritable bénéficiaire de la journée, lui qui se retrouve ce soir 6ème du classement général à 4’04 ». C’est déjà une place de gagnée. Il en reste quelques-unes à aller chercher la semaine prochaine dans les Alpes… Au prix de nouvelles offensives, la voie est ouverte !

Demain lundi, le peloton ralliera la Suisse entre Moirans-en-Montagne et Berne (209 km).

Classement 15ème étape :

1. Jarlinson Pantano (COL, IAM Cycling) les 160 km en 4h24’49 » (36,3 km/h)
2. Rafal Majka (POL, Tinkoff) m.t.
3. Alexis Vuillermoz (FRA, Ag2r La Mondiale) à 6 sec.
4. Sébastien Reichenbach (SUI, FDJ) m.t.
5. Julian Alaphilippe (FRA, Etixx-Quick Step) à 22 sec.
6. Serge Pauwels (BEL, Dimension Data) à 25 sec.
7. Pierre Rolland (FRA, Cannondale-Drapac) m.t.
8. Ilnur Zakarin (RUS, Team Katusha) à 1’30 »
9. Daniel Navarro (ESP, Cofidis) m.t.
10. Tom-Jelte Slagter (PBS, Cannondale-Drapac) à 2’08 »

Classement général :

1. Chris Froome (GBR, Team Sky) en 68h14’36 »
2. Bauke Mollema (PBS, Trek-Segafredo) à 1’47 »
3. Adam Yates (GBR, Orica-BikeExchange) à 2’45 »
4. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) à 2’59 »
5. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 3’17 »
6. Romain Bardet (FRA, Ag2r La Mondiale) à 4’04 »
7. Richie Porte (AUS, BMC Racing Team) à 4’27 »
8. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) à 4’47 »
9. Daniel Martin (IRL, Etixx-Quick Step) à 5’03 »
10. Fabio Aru (ITA, Astana) à 5’16 »

Classement par points :

1. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff) 340 pt
2. Mark Cavendish (GBR, Dimension Data) 278 pt
3. Marcel Kittel (ALL, Etixx-Quick Step) 228 pt
4. Bryan Coquard (FRA, Direct Energie) 145 pt
5. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) 128 pt
6. Michael Matthews (AUS, Orica-BikeExchange) 127 pt
7. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) 122 pt
8. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) 112 pt
9. Thomas De Gendt (BEL, Lotto-Soudal) 106 pt
10. Daniel Navarro (ESP, Cofidis) 105 pt

Classement de la montagne :

1. Rafal Majka (POL, Tinkoff) 127 pt
2. Thomas De Gendt (BEL, Lotto-Soudal) 90 pt
3. Daniel Navarro (ESP, Cofidis) 69 pt
4. Serge Pauwels (BEL, Dimension Data) 62 pt
5. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) 58 pt
6. Rui Costa (POR, Lampre-Merida) 50 pt
7. Stef Clement (PBS, IAM Cycling) 37 pt
8. Ilnur Zakarin (RUS, Team Katusha) 28 pt
9. Diego Rosa (ITA, Astana) 27 pt
10. Winner Anacona (COL, Movistar Team) 26 pt

Classement des jeunes :

1. Adam Yates (GBR, Orica-GreenEdge) en 68h17’21 »
2. Louis Meintjes (AFS, Lampre-Merida) à 3’03 »
3. Warren Barguil (FRA, Giant-Alpecin) à 16’20 »
4. Emanuel Buchmann (ALL, Bora-Argon 18) à 25’14 »
5. Wilco Kelderman (PBS, Team LottoNL-Jumbo) à 45’38 »
6. Julian Alaphilippe (FRA, Etixx-Quick Step) à 1h05’05 »
7. Eduardo Sepulveda (ARG, Fortuneo-Vital Concept) à 1h07’02 »
8. Patrick Konrad (AUT, Bora-Argon 18) à 1h31’00 »
9. Jan Polanc (SLO, Lampre-Merida) à 1h42’17 »
10. Tsgabu Grmay (ETH, Lampre-Merida) à 1h55’29 »

Prix de la combativité :

1. Rafal Majka (POL, Tinkoff)

Classement par équipes :

1. Movistar Team (ESP) en 204h44’46 »
2. Team Sky (GBR) à 7’08 »
3. BMC Racing Team (USA) à 9’40 »
4. Astana (KAZ) à 38’59 »
5. Ag2r La Mondiale (FRA) à 41’55 »
6. Trek-Segafredo (USA) à 1h02’27 »
7. Tinkoff (RUS) à 1h12’50 »
8. Team Katusha (RUS) à 1h29’10 »
9. IAM Cycling (SUI) à 1h33’47 »
10. FDJ (FRA) à 1h37’12 »