On pourrait longuement philosopher sur la légitimité qu’a le Tour de France à ne s’élancer qu’une fois sur deux de ses terres. Si l’on met à part le Grand Départ insulaire en Corse pour la 100ème édition, il y avait cinq ans que la Grande Boucle n’avait plus retenu un département de l’Hexagone pour lancer le grand feuilleton de l’été. En choisissant la Manche pour théâtre des opérations de Grand Départ, le Tour s’est donc attaché à mettre en valeur un département normand chargé d’histoire, riche d’un beau patrimoine culturel et de paysages variés côté terre comme côté mer. En s’élançant du Mont-Saint-Michel pour rejoindre Utah Beach, l’une des cinq plages du Débarquement du 6 juin 1944, la course était déjà pleine de symboles. Et il en aura été ainsi tout au long des 188 kilomètres d’une première étape courue en ligne, un parti pris par l’organisation pour la cinquième fois depuis le désavouement du prologue en 2008.

Sur la route côtière qui remontait en partie le département de la Manche par sa façade ouest, on n’avait pas laissé la Merveille de l’Occident disparaître dans le rétroviseur que le peloton était déjà agité par les premiers assauts. Leigh Howard (IAM Cycling), Jan Barta et Paul Voss (Bora-Argon 18) avaient été les premiers à faire le break, surprenant sur ses terres le Manchot Anthony Delaplace (Fortuneo-Vital Concept), obligé de chasser jusqu’au 40ème kilomètre avec Alex Howes (Cannondale-Drapac) pour se faire une place dans la première échappée du Tour de France. C’est qu’entretemps un premier enjeu s’était déjà présenté aux coureurs avec le franchissement coup sur coup des côtes d’Avranches et des falaises de Champeaux. Et que Paul Voss, l’Allemand de l’échappée, avait anticipé le retour du coureur local en s’isolant pour rafler les premiers pois qui, dès demain, pourront lui être contestés dans une seconde étape manchoise déjà plus accidentée jusqu’à Cherbourg et sa côte de la Glacerie.

Les bosses franchies, les cinq éclaireurs se regroupaient en tête de course avant la première heure pour tenter de relever l’improbable défi de rallier Utah Beach avant le peloton. Mais ce dernier n’allait jamais leur donner l’occasion d’y croire, gommant même la quasi totalité de son débours sur un coup d’accélérateur favorisé par le vent qui soufflait sur la côte ouest, attisant déjà quelques velléités dans les équipes à l’affût de la moindre opportunité. Si le peloton se refusait à rentrer sur les cinq de tête, Anthony Delaplace partait en quête d’une autre distinction. Puisque le maillot à pois lui avait échappé, c’est après le prix de la combativité que se lançait le Normand en repartant de plus belle avec Alex Howes à moins de 60 kilomètres de la plage historique de Sainte-Marie-du-Mont. Mais l’alliance franco-américaine allait devoir se ranger aux volontés des équipes de sprinteurs à 5 kilomètres du but.

Alberto Contador l’épaule droite meurtrie par une chute.

Le peloton tout entier se précipitait en direction de la Manche sur la Voie de la Liberté qui, d’ici quelques instants, allait offrir la libération à l’un des sprinteurs en quête du premier maillot jaune. Alberto Contador (Tinkoff) n’avançait pas dans cette optique sur la route qui vit défiler les premiers soldats américains il y a soixante-douze ans. L’épaule droite meurtrie par une chute survenue à la sortie d’un rond-point à 80 kilomètres d’Utah Beach, le double vainqueur du Tour de France était déjà bien content d’en finir avec une étape dans laquelle il se serait bien gardé de faire parler de lui. La gamelle s’était produite sur un îlot directionnel. Et si les conséquences semblaient en apparence mineures, c’est avec un maillot arraché laissant apparaître une épaule écorchée à vif que le grimpeur madrilène allait rejoindre la première ligne d’arrivée du Tour de France 2016. Que tous les autres favoris coupaient sains et saufs.

Finalement, ce sont bien encore une fois les sprinteurs qui allaient s’expliquer pour le gain du premier maillot jaune. Ce maillot que Marcel Kittel (Etixx-Quick Step), dans pareilles circonstances, était allé chercher les deux dernières fois que l’occasion s’était présentée aux finisseurs de se vêtir de jaune, en 2013 à Bastia et en 2014, dossard 101 dans le dos, à Harrogate… où Mark Cavendish (Dimension Data) avait été privé d’endosser pour la première fois de sa vie le maillot tant convoité en chutant devant les siens en vue d’une ligne d’arrivée qui lui tendait les bras. Quel que soit le côté de la Manche dont on se situe, le Britannique avait l’esprit de revanche. Au terme d’un rush chahuté dans leur dos par une chute emportant notamment Geraint Thomas (Team Sky) et Michael Matthews (Orica-BikeExchange), c’est lui qui allait être le premier à débarquer sur Utah Beach. Précisément devant l’Allemand Marcel Kittel, qui l’avait remplacé chez Etixx-Quick Step en début de saison.

Et voilà qu’une nouvelle fois un dossard 101 sera accroché demain matin au bas du maillot jaune du Tour de France. Après ceux de Bradley Wiggins en 2012 et de Marcel Kittel en 2014. Sans doute pas pour longtemps car l’arrivée en bosse demain à Cherbourg devrait davantage favoriser les desseins d’un coureur comme Peter Sagan (Tinkoff), 3ème, et retarder une vingt-huitième victoire d’étape de Mark Cavendish. Qui en ferait l’égal de Bernard Hinault, soit le deuxième plus grand scoreur de l’Histoire du Tour derrière Eddy Merckx et ses trente-quatre succès d’étapes. En attendant, celui qui a fait du titre olympique sur l’omnium son objectif de l’été, quitte à engranger moins de victoires sur la route (quatre jusqu’alors au Qatar, en Croatie et en Californie), profitera demain d’une journée en or sur les routes de la Manche, entre Saint-Lô et Cherbourg-Octeville (183 km).

Classement 1ère étape :

1. Mark Cavendish (GBR, Dimension Data) les 188 km en 4h14’05 » (44,4 km/h)
2. Marcel Kittel (ALL, Etixx-Quick Step) m.t.
3. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff) m.t.
4. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) m.t.
5. Edward Theuns (BEL, Trek-Segafredo) m.t.
6. Christophe Laporte (FRA, Cofidis) m.t.
7. Bryan Coquard (FRA, Direct Energie) m.t.
8. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) m.t.
9. Daniel McLay (GBR, Fortuneo-Vital Concept) m.t.
10. Greg Henderson (NZL, Lotto-Soudal) m.t.

Classement général :

1. Mark Cavendish (GBR, Dimension Data) en 4h13’55 »
2. Marcel Kittel (ALL, Etixx-Quick Step) à 4 sec.
3. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff) à 6 sec.
4. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) à 10 sec.
5. Edward Theuns (BEL, Trek-Segafredo) m.t.
6. Christophe Laporte (FRA, Cofidis) m.t.
7. Bryan Coquard (FRA, Direct Energie) m.t.
8. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) m.t.
9. Daniel McLay (GBR, Fortuneo-Vital Concept) m.t.
10. Greg Henderson (NZL, Lotto-Soudal) m.t.

Classement par points :

1. Mark Cavendish (GBR, Dimension Data) 56 pt
2. Marcel Kittel (ALL, Etixx-Quick Step) 40 pt
3. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff) 29 pt
4. André Greipel (ALL, Lotto-Soudal) 29 pt
5. Leigh Howard (AUS, IAM Cycling) 20 pt
6. Bryan Coquard (FRA, Direct Energie) 20 pt
7. Jan Barta (TCH, Bora-Argon 18) 17 pt
8. Edward Theuns (BEL, Trek-Segafredo) 16 pt
9. Alex Howes (USA, Cannondale) 15 pt
10. Christophe Laporte (FRA, Cofidis) 14 pt

Classement de la montagne :

1. Paul Voss (ALL, Bora-Argon 18) 2 pt

Classement des jeunes :

1. Edward Theuns (BEL, Trek-Segafredo) en 4h14’05 »
2. Christophe Laporte (FRA, Cofidis) m.t.
3. Bryan Coquard (FRA, Direct Energie) m.t.
4. Daniel McLay (GBR, Fortuneo-Vital Concept) m.t.
5. Sondre Holst-Enger (NOR, IAM Cycling) m.t.
6. Jasper Stuyven  (BEL, Trek-Segafredo) m.t.
7. Warren Barguil (FRA, Giant-Alpecin) m.t.
8. Julian Alaphilippe (FRA, Etixx-Quick Step) m.t.
9. Dylan Groenewegen (PBS, Team LottoNL-Jumbo) m.t.
10. Michael Valgren (DAN, Tinkoff) m.t.

Prix de la combativité :

1. Anthony Delaplace (FRA, Fortuneo-Vital Concept)

Classement par équipes :

1. Lotto-Soudal (BEL) en 12h42’15 »
2. Trek-Segafredo (USA) m.t.
3. Etixx-Quick Step (BEL) m.t.
4. Giant-Alpecin (ALL) m.t.
5. Tinkoff (RUS) m.t.
6. Dimension Data (AFS) m.t.
7. Movistar Team (ESP) m.t.
8. Team LottoNL-Jumbo (PBS) m.t.
9. Cofidis (FRA) m.t.
10. IAM Cycling (SUI) m.t.