Du parcours des Jeux Olympiques de Londres, on avait tout dit, tout lu, tout entendu… mais encore rien vu. Le test préolympique, disputé en catimini et sur la distance des filles l’été dernier, avait livré quelques indications. Rien de plus. Mais il en est un peut-être qui a été desservi par ce test. Vainqueur alors sous les fenêtres de la reine, Mark Cavendish s’est conforté dans l’idée d’offrir ce samedi la première médaille d’or à sa nation. L’épreuve de cyclisme sur route représente la deuxième des 302 compétitions au programme des JO. La Chinoise Yi Silin ayant tiré la première ce matin en carabine, la Grande-Bretagne reporte tous ses espoirs de premier titre olympique sur les seules épaules du sprinteur de l’île de Man. Mais ses adversaires ont largement eu le temps d’être prévenus. Et ils savent exactement ce qu’ils ont à faire sur les routes du Surrey.

Ce parcours de 250 kilomètres autour duquel les spéculations sont allées bon train prend sa source au Mall, la prestigieuse avenue londonienne qui ouvre la perspective sur Buckingham Palace. De là, les 144 concurrents prennent la direction du comté de Surrey. C’est ici qu’ils rejoindront le verdoyant circuit de Box Hill, une boucle de 15,6 kilomètres à réaliser huit fois, comprenant une bosse de 2,5 kilomètres à 4,9 %. Pour sortir Mark Cavendish et les autres sprinteurs de leur roue avant le retour sur Londres, c’est sur ces routes étroites que les attaquants devront porter leurs estocades. En tant que tel, franchir Box Hill ne représente pas une grosse difficulté pour l’équipe de Grande-Bretagne (Froome, Millar, Stannard, Wiggins) et son capitaine. Le plus dur, en fait, sera de garder la mainmise sur un peloton au sein duquel elle ne trouvera guère d’alliés, si ce n’est un ou deux Allemands pour favoriser les desseins d’Andre Greipel.

Les autres nations n’ont pas misé sur le sprint massif. Et elles s’apprêtent à faire la guerre aux Anglais sur leurs terres. Dès le départ puisque onze hommes prennent la fuite à la sortie de la capitale britannique, kilomètre 20 : Beppu, Brajkovic, Castroviejo, Duggan, Kristoff, Menchov, O’Grady, Pinotti, Roelandts, Schär et Westra. Ces gars-là sont suffisamment dangereux pour que l’équipe de Grande-Bretagne se lance tout de suite à leur poursuite, mais elle leur concède déjà plus de cinq minutes lorsque se présente le circuit de Box Hill, après 80 kilomètres. Les quatre Anglais (si l’on écarte Cavendish, à l’abri) semblent bien en peine de contrôler seuls un peloton tout entier. A moins d’une alliance, les choses semblent mal engagées. Or si alliance il y aura, c’est entre les puncheurs les plus coriaces qu’elle va intervenir, loin du but.

Un peloton de puncheurs se dégage, les Britanniques passent à côté de leur course.

A 125 kilomètres de l’arrivée, l’Italien Vincenzo Nibali et le Belge Philippe Gilbert démarrent dans la quatrième des neuf montées de Box Hill. Ils entraînent avec eux Bauer, Boom, Fuglsang, Grivko, Kreuziger, Paolini, Rast et le Français Sylvain Chavanel, qui respecte scrupuleusement la stratégie établie par Laurent Jalabert : placer un homme devant et deux coureurs en attente, dans l’éventualité d’un sprint sur lequel ont exclusivement misé les Britanniques. Mais les événements ne tournent pas en leur faveur. Pire, ils s’apprêtent à leur échapper lorsque, au moment de la dernière escalade de Box Hill, de nouveaux concurrents s’échappent du paquet pour gonfler les rangs du groupe de tête. Car toutes ces troupes fraîches viennent renforcer à tour de rôle l’échappée du matin à 50 kilomètres de l’arrivée, portant à trente-deux le nombre d’éclaireurs. Et aucun pur sprinteur, pas le moindre, n’y est représenté.

Le petit peloton qui s’est dégagé en trois temps comprend en revanche tous les puncheurs : Cancellara, Chavanel, Faria Da Costa, Gesink, Gilbert, Kolobnev, Nibali, Sanchez, Valverde, Vinokourov… et pas un seul Britannique, lesquels sont en train de passer en beauté à côté de leur course olympique. Cavendish rêvait de faire retentir God save the Queen sous les fenêtres de sa Majesté, mais c’est un hymne à la mélodie conquérante qui résonnera bientôt. Pas celui de la Belgique, malgré une tentative solitaire de Philippe Gilbert, seul durant une quinzaine de kilomètres sur le tronçon reliant le circuit de Box Hill au cœur de Londres. Pas non plus celui de la Suisse, du fait d’un tout-droit spectaculaire de Fabian Cancellara, qui finit tête la première dans les barrières à la sortie d’un virage mal négocié, et soulève quelques inquiétudes avant le chrono.

Puisqu’il est acquis, lorsque l’échappée royale rentre dans Londres, que le titre olympique reviendra à l’un des attaquants du jour, les accélérations se répondent les unes aux autres. A 6,5 kilomètres du but, Rigoberto Uran et Alexandre Vinokourov démarrent instantanément. Ils joignent aussitôt leurs forces pour creuser un écart suffisant qui leur permettra de virer en tête sur le Mall. Le duel est inattendu. Il l’est tellement pour le Colombien qu’il se fait surprendre comme un bleu par le Kazakh, qui attaque à droite au moment où il regarde à gauche ! Dès lors, c’est une fin de carrière en or qui s’ouvre sous les roues de Vino. Le Kazakh, victime d’une fracture du fémur sur le Tour 2011, avait décidé de prolonger sa carrière d’un an. Histoire de sortir par la grande porte. Un défi de trop, aura-t-on longtemps cru, tant il avait eu du mal jusqu’alors à renouer avec les exploits qui étaient les siens. Ce soir, le champion nous prouve que les Jeux… en valaient la chandelle. La médaille de bronze, elle, revient au Norvégien Alexander Kristoff.

Classement :

1. Alexandre Vinokourov (Kazakhstan) les 250 km en 5h45’57 »
2. Rigoberto Uran (Colombie) m.t.
3. Alexander Kristoff (Norvège) à 8 sec.
4. Taylor Phinney (Etats-Unis) m.t.
5. Sergey Lagutin (Ouzbékistan) m.t.
6. Stuart O’Grady (Australie) m.t.
7. Jurgen Roelandts (Belgique) m.t.
8. Gregory Rast (Suisse) m.t.
9. Luca Paolini (Italie) m.t.
10. Jack Bauer (Nouvelle-Zélande) m.t.