Clément, revenons d’abord sur la Coupe de France de Besançon le week-end dernier où vous avez pris les devants dès les premières minutes de course. Pourquoi avez-vous adopté cette tactique audacieuse ?
C’est ma manière de courir. Je ne suis pas parti à bloc non plus. J’ai trouvé mon rythme de croisière. Il s’est avéré que j’ai pris deux ou trois longueurs sur Fabien Canal et Francis Mourey. Il vaut toujours mieux avoir un peu d’avance plutôt qu’avoir un peu de retard. J’ai crevé après le poste de dépannage, au plus mauvais moment. C’est pourquoi ils sont revenus sur moi et m’ont distancé. C’est bien à cause de cette crevaison et ce n’était pas un coup de moins bien. Je n’ai pas trop montré que j’avais crevé pour que les adversaires ne tentent pas de me distancer. J’ai dû boucher le retard et je viens mourir à cinq secondes de Francis. Cet effort m’a coûté pas mal d’énergie et je l’ai payé dans le final. Au niveau de mon vélo, la pression des pneus n’était pas au top. J’ai fait deux erreurs techniques en un tour. J’ai manqué de lucidité. La 2ème place était foutue.

Comment jugez-vous votre 3ème place ?
Elle a un goût amer. J’aurais préféré être épargné par tout ça. Avoir un peu de chance. Ça aurait pu changer la donne. Je ne me contente pas d’une 3ème place. Je ne suis pas satisfait de mon résultat. Mais comme je l’ai dit, la chance n’était pas de mon côté. Ce sont des choses qui peuvent arriver à Francis et à Fabien. On ne peut pas aller contre des éléments qu’on ne contrôle pas.

Vos premières courses chez les Elites sont pourtant plutôt prometteuses…
Étant encore Espoir, mon but cette année en courant avec Francis, c’est de me rapprocher de lui. Si j’arrive un jour à le détrôner sur une course, ce sera la cerise sur le gâteau. Mais il ne faut pas oublier qu’il s’appelle Francis Mourey et que c’est un coureur qui fait partie du meilleur niveau mondial. Je n’ai pas la prétention de dire que je vais le battre cette année. Je prends le départ d’une course pour gagner. Je m’entraîne pour. Il faut savoir rester humble tout en se disant que rien n’est impossible. A Baden, le 15 septembre, je termine à une trentaine de secondes de Francis. A Boulzicourt je finis à 13 secondes. A Dielsdorf on arrive ensemble. Je me rends compte que la marge entre nous deux n’est pas si énorme que ça. Il faut aussi rappeler qu’à Besançon, les conditions étaient spéciales. C’est la première fois que l’on courait dans la boue et ce ne sont pas des conditions que j’affectionne particulièrement. Il y a deux ou trois ans en arrière, j’aurais pris trois-quatre minutes. Le point positif du week-end dernier c’est que même dans des conditions assez lourdes, j’arrive à me débrouiller mieux qu’avant.

Ce passage chez les Elites en Coupe de France était-il indispensable dans le cadre de votre progression ?
Je ne dirais pas que c’était indispensable, mais c’est vrai que j’ai gagné les deux dernières éditions du Challenge National chez les Espoirs. L’année dernière, je fais le carton plein avec les trois manches. Étant professionnel depuis le 1er janvier, je trouve ça légitime de courir en Elites. Sans prétention et sans dénigrer le niveau des Espoirs et de Fabien Doubey ou Clément Russo, c’est bien de leur laisser la chance de gagner la Coupe de France cette année. Cela ne veut pas dire que je leur aurais mis deux minutes. Mais étant professionnel, cela aura faussé la donne. C’est logique de courir à l’échelon supérieur. C’est un choix personnel pris en concertation avec mon manager Yvon Sanquer. Cela peut aussi m’apporter beaucoup en Coupe du Monde (il les disputera chez les Espoirs NDLR) que de courir la Coupe de France avec les Elites. C’est une heure de course. La présence de Francis me permet de me surpasser. C’est vrai que j’aurais pu attendre encore un an, mais je pense avoir fait le tour.

L’an dernier, après la deuxième manche du Challenge National de Quelneuc, vous nous aviez dit : « je me considère d’abord comme un crossman. » Est-ce toujours d’actualité après votre première saison sur route ?
Oui ça l’est même si cela peut évoluer dans les années à venir. Je suis à la fois routier et crossman. Yvon me laisse tout l’hiver. Il m’établit un programme sur route en fonction du cyclo-cross. J’ai coupé après le Tour d’Autriche au mois de juillet. J’ai eu une préparation type cyclo-cross. On a tout mis en œuvre pour que je sois dans les meilleures dispositions pour ma dernière année Espoir. On ne pourra jamais comparer un coureur français dans une équipe française à un coureur belge dans une équipe belge. Ils ont des programmes tout à fait différents. On attaque en septembre et on termine après le Mondial car on a une saison sur route derrière, là où les Belges finissent en mars. On doit rester sur notre ligne de conduite. Je suis content d’attaquer le cross en septembre et d’attaquer la route en février.

Qu’apportera votre première saison chez les pros à votre saison de cyclo-cross ?
C’est indéniable : j’ai pris de la force. La plus petite course que j’ai dû faire chez les pros, c’était 190 bornes. Forcément, on prend de la caisse. Même si je n’ai que 31 jours de course. Je sens déjà que j’ai progressé alors je n’imagine même pas avec un Grand Tour dans les jambes ! Cela n’a rien à voir avec le niveau amateur. Je sens que je suis bien plus puissant. Que j’ai bien plus de force. Si j’arrive déjà à me rapprocher de Francis, c’est aussi parce que la saison de route a porté ses fruits.

Cela vous permettra-t-il de viser plus haut en Coupe du Monde ?
J’ai pu courir avec des Espoirs belges à Baden mais c’était le début de la saison de cross et c’était difficile d’en tirer des enseignements. Je n’ai pas terminé très loin du champion d’Europe Michael Vanthourenhout. Tout est relatif. On était le 15 septembre, je n’étais pas très bien. On ne peut pas se baser sur cela. Ce week-end, la Coupe du Monde de Valkenburg marque le premier grand test. Le niveau chez les Espoirs est très relevé entre Wout Van Aert et Mathieu Van Der Poel qui fait un début de saison assez tonitruant. On a quand même un sacré niveau ! Valkenburg sera un bon test. Je ne veux rien dire avant. L’an dernier je termine 12ème de la Coupe du Monde sans les avoir préparées puisque ce n’était pas la priorité. Cette année, ça l’est un peu plus. J’ai bien travaillé. On verra ce que ça donnera à Valkenburg.

Quel souvenir gardez-vous de ce circuit qui marquera le début de la Coupe du Monde ce week-end ?
C’est un circuit très difficile, puisque tracé sur les pentes du Cauberg. Il y a du dénivelé. Ça monte, ça descend, un peu à l’image de Namur. Avec celui de la Citadelle, c’est l’un des circuits les plus difficiles de l’année. L’an dernier, je n’avais pas de super sensations et j’avais pas mal souffert. Cette année, je pense que les sensations sont meilleures. J’espère que j’en sortirai avec un meilleur souvenir dimanche !

Propos recueillis le 15 octobre 2014.