Jean-Charles, quelles conclusions tirez-vous de cette saison 2012 ?
Quelques satisfactions, mais aussi quelques déceptions par rapport à certains éléments de l’équipe qui promettaient et qui n’ont pas répondu présents à certains moments par rapport aux objectifs qu’on s’était fixés. Globalement ce n’est pas mauvais. Il faut ramener ça aux moyens dont on dispose. Je ne suis pas mécontent, mais assez mitigé sur l’ensemble des résultats.

Par exemple ?
J’attendais par exemple beaucoup plus de Matthieu Boulo sur la route. Il est passé au travers de sa saison. Certes, il était dans les courses, a terminé dans les pelotons. Mais je ne l’ai jamais vu éblouissant. C’est quand même décevant. On a fait un Championnat de France tout à fait correct avec une 4ème place de Denis Flahaut. C’est une belle 4ème place, mais on voulait un podium. C’était un parcours parfaitement adapté à ses capacités. Il n’a pas eu de chance, soi-disant dans le dernier virage il s’est fait embarquer. Sa performance est tout à fait correcte, 4ème c’est bien pour un Championnat de France, cependant ça méritait mieux.

Vous avez peiné à réunir le budget pour 2013, d’où est venu le problème ?
Le problème, ce sont toutes les impositions que nous subissons. Quand on est dans le circuit professionnel, on subit les mêmes choses qu’une équipe WorldTour. Il y a beaucoup de choses qui se mettent en place au niveau de la Ligue, et elles sont appliquées à toutes les équipes françaises. Ce sont des frais en plus et si vous ne rentrez pas dans le jeu, vous n’êtes pas invités. Par exemple, tout doit passer en électrique au niveau des vélos. L’an dernier on s’était débrouillés pour avoir du matériel à un excellent prix chez Shimano car il n’était pas de l’année, mais de deux ans avant. On l’a récupéré, ça a fonctionné quand même. Mais on va devoir racheter du matériel beaucoup plus cher. On a aussi failli perdre Hutchinson pour 35 000 euros. Ils continueront tout de même, mais vont limiter leur engagement, et ce ne sera que pour 2013. Ils nous ont dit ça en septembre après l’Eurobike de Friedrichshafen. C’est un ensemble de choses et quand vous arrivez au bout… En plus nous devions recruter un nouveau directeur sportif salarié. Cyrille Guimard était pratiquement bénévole ces deux dernières années. Si vous perdez Hutchinson, que vous passez en vélo électrique, etc. C’est un ensemble de choses qui sont inévitables par lesquelles vous devez passer. Ça vous fait 150, 200, 300 000 euros à trouver.

Avez-vous réuni cette somme ?
On cherchait à avoir 300 000 euros mais nous n’en avons trouvé que 180 000.

Comment allez-vous compenser ?
Un coureur à l’année nous coûte 50 000 euros. Ce n’est pas compliqué : au lieu de partir avec douze coureurs on repartira avec dix. On a réussi à voir avec Francis Van Londersele. On pensait devoir recruter quelqu’un à temps plein. Ce ne sera pas le cas pour lui. On a donc pu faire quelques économies de ce côté-là. On a revu notre budget à la baisse. Mais demain, il ne faut pas que notre camion-atelier nous lâche, parce qu’aujourd’hui on n’a pas de ressources. On est quand même sur le fil du rasoir.

Avez-vous cru à un moment que vous seriez rétrogradé en DN2 ?
Non. Pas vraiment. Je ne suis pas du genre à baisser les bras. L’enjeu était assez important compte tenu du fait qu’aujourd’hui, les collectivités ont tout de même moins de moyens. Je me disais que ce serait très difficile. Il a fallu beaucoup travailler. J’ai pu y arriver, car on a réalisé deux tours de table avec les collectivités, les sponsors privés, où j’ai pu expliquer l’enjeu et les problèmes que nous rencontrions. C’est vrai que cette saison 2012 a été difficile. On est arrivés au bout, mais c’était un petit peu limite. On avait un peu tapé dans nos ressources propres. Si on repartait cette année on n’avait plus les moyens de le faire. Ou c’était mettre l’ensemble du club en difficulté. Je ne suis pas du genre à dépenser plus que ce que je n’ai de disponible. S’il avait fallu redescendre en DN2, on l’aurait fait. Ne serait-ce que pour préserver le club. Mais je connais assez bien le milieu des collectivités. Je sais aussi qu’ils me font confiance par rapport aux enjeux. Ce que j’ai apprécié c’est que tout le monde a été unanime sur le fait de garder cette équipe professionnelle. J’ai posé clairement la question. Je leur ai dit « si on n’a pas besoin d’équipe professionnelle, ce n’est pas grave, on redeviendra amateurs ».

Au même moment, le nouveau vélodrome et la piste de BMX étaient inaugurés, c’est paradoxal…
C’est tombé à ce moment-là, mais tout le monde était prévenu bien avant de la situation dans laquelle nous étions. La pression est montée, car les médias nous ont beaucoup aidés à faire savoir ce qu’il se passait. Ce qui a fait réagir, c’est ce nouveau vélodrome et qu’on allait faire de la mauvaise publicité, en disant « regardez, il y a un nouveau vélodrome, mais l’équipe professionnelle s’arrête ». Ça allait un peu à contresens.

C’est ce qui vous a sauvé ?
Objectivement oui. On aurait été moins considérés. On nous aurait dit : « c’est tout, descendez ». Comme pour la gestion du vélodrome, une ASBL s’est créée avec les principales collectivités, ils voulaient que ce vélodrome soit exploité correctement.

C’est tout de même dommage que l’inauguration n’ait pas eu lieu quelques mois plus tôt. Les équipes de France auraient pu finaliser leur préparation pour les Jeux à Roubaix…
Ça a mal démarré, car sur l’endroit où a été construit le vélodrome, il y avait un vieux bâtiment dans lequel il y avait de l’amiante. Il a fallu prendre toutes les précautions et respecter les procédures concernant l’amiante, ce qui a retardé le projet de deux ou trois mois.

Comment s’est effectué le rapprochement avec Francis Van Londersele ?
J’ai discuté avec Francis pendant quelques heures. On a échangé et on s’est bien rejoints sur un certain nombre de choses. Et en particulier par rapport au projet que je mène depuis un certain nombre d’années. Francis vient donner un coup de main à renforcer l’équipe.

Peut-on dire que c’est davantage sur du court que sur du long terme ?
Oui sans doute. Il a aussi un projet personnel. Il vient pour nous aider. Il va faire la saison. Dans la mesure où Cyrille Guimard est moins disponible… Il commence à avoir le problème de l’âge, et les trajets entre la Bretagne, les lieux de courses pour repartir le soir chez lui, ça fait énormément de kilomètres. Il aspire aussi à être plus souvent auprès de sa famille. Il m’a demandé l’an dernier de limiter le nombre de courses où il serait directeur sportif. D’un autre côté, il va renforcer son rôle au sein du club.

C’est-à-dire ?
Je lui ai demandé de voir dans quelle mesure il pouvait encore améliorer notre politique sportive. Nous allons ouvrir une section BMX rapidement. Il y a encore quelques réglages à faire au niveau de la piste, car nous ne sommes pas tout à fait satisfaits du revêtement par exemple. Ensuite nous sommes en train de créer une filière avec les clubs de la région. Ce que je souhaite, c’est qu’il puisse nous aider et réfléchir sur la politique sportive à mettre en œuvre. Par ailleurs il continuera à superviser l’équipe professionnelle. Il sera d’une certaine façon le mentor. En se détachant un peu plus de l’équipe pro au niveau des compétitions, en n’étant plus forcément sur le lieu dans la voiture, il disposera de plus de temps pour s’investir dans la politique sportive. On a plein de projets à mettre en place.

Propos recueillis le 27 novembre 2012.